Pose et entretien des cathéters veineux périphériques - Objectif Soins & Management n° 196 du 01/05/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 196 du 01/05/2011

 

Cahier du management

Martine Besson*   Élisabeth Laprugne-Garcia**  

Le troisième audit national du Groupe d’évaluation des pratiques en hygiène hospitalière (GREPHH) pour 2009-2010 a porté sur les cathéters veineux périphériques (CVP).

Un choix justifié par l’existence d’un risque infectieux non négligeable pour une pratique généralisée, voire parfois banalisée.

L’utilisation de cathéters veineux périphériques (CVP) concerne un nombre croissant de patients dans les établissements de santé, quel que soit le type de séjour. Ainsi près de 25 millions de CVP sont posés chaque année en France et les deux tiers concernent des patients hospitalisés en dehors des services de réanimation. L’utilisation de dispositifs intravasculaires donne lieu à l’observation d’infections locales, générales et de bactériémies. La durée de cathétérisme intervient dans le mécanisme de colonisation bactérienne. Le risque initial est lié à la pose, responsable de contamination dite extra-luminale, alors que l’utilisation prolongée des cathéters induit une contamination intra-luminale(1).

Des risques qui ont justifié la mise en place d’une évaluation des pratiques professionnelles afin d’en diminuer l’occurrence.

Le Centre de coordination de lutte contre les infections nosocomiales Sud-Est (Cclin) a proposé aux établissements de santé et établissements médico-sociaux (type Ehpad) des régions Auvergne, Corse, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes, ainsi que les îles de la Réunion et Mayotte, de réaliser cette évaluation.

Cet audit sur la pose et l’entretien des CVP constitue à ce jour la première étude d’importance sur ce thème. Les résultats présentés plus loin permettent de dégager des axes d’amélioration de pratiques et/ou des projets de formation pour accompagner les équipes dans les établissements de santé de l’inter-région Sud-Est.

Édité en novembre 2005 par la Société Française d’Hygiène Hospitalière (SF2H) avec le soutien de la Haute Autorité de santé (HAS), le guide Prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques a servi de référence pour la préparation de cet audit. L’évaluation des pratiques constitue une des 61 recommandations de ce guide.

L’outil a été élaboré en tenant également compte des recommandations pédiatriques de 2007 émises par la SF2H(2) en termes d’antisepsie ainsi que des recommandations méthodologiques du guide de l’ANAES/HAS de 1998 pour l’évaluation de la qualité de pose et de surveillance des CVP(3).

PROTOCOLE DE L’AUDIT

L’objectif principal de cet audit était de mesurer l’application des bonnes pratiques relatives à la pose et à la durée de maintien des cathéters veineux périphériques. Son objectif secondaire était de sensibiliser le personnel aux recommandations en vigueur.

Au-delà de l’évaluation du respect de chacun des paramètres évalués, cet audit proposait de mesurer différents taux de conformité (hygiène, sécurité, pose, manipulation, traçabilité…) basés sur une sélection d’éléments jugés incontournables à travers les critères de qualité définis en 2007 par la SF2H et la HAS(4).

Le protocole d’audit a été mis à disposition des établissements fin juillet 2009. L’audit a été réalisé entre le 1er octobre 2009 et le 31 mars 2010. Trois outils étaient proposés pour l’évaluation des différents paramètres :

→ un audit documentaire pour l’étude du protocole de soin,

→ un audit des pratiques de la pose et des manipulations,

→ un audit documentaire pour l’évaluation de la traçabilité des actes et de la durée de maintien du cathéter veineux périphérique.

Les pratiques ont été évaluées par observation ou auto-évaluation (au choix des services). La traçabilité a fait l’objet d’une enquête “un jour donné”.

RÉSULTATS DE L’INTER-RÉGION SUD-EST

Cet audit sur la pose, les manipulations et la traçabilité des CVP a été effectué dans 219 établissements de santé de l’inter-région Sud-Est, soit un taux de participation globale de 23,4 %. On note une bonne représentation de toutes les catégories d’établissements. La répartition des établissements publics ou privés est identique (45 %) ; elle est de 9 % pour les PSPH (participant au service public hospitalier).

Les cliniques (MCO) et les CH/CHG ont la plus forte représentativité soit respectivement 44 % et 29 %.

Au cours de cet audit, 2 067services ont participé à un ou plusieurs types d’évaluation. Ces services sont répartis ainsi : pour moitié des services de médecine et chirurgie et pour 10 % des blocs opératoires et salles de surveillance post-interventionnelle (SSPI). 94 % des établissements et un service sur deux ont réalisé l’ensemble des évaluations (protocole, pose, manipulations et traçabilité/durée de maintien), ce qui reflète l’engagement des équipes opérationnelles d’hygiène hospitalière dans la prévention des infections sur CVP.

La méthode retenue pour la réalisation de l’évaluation de la pose et des manipulations a été l’auto-évaluation. Cette méthode présente de multiples avantages : elle ne nécessite pas d’auditeurs mais seulement des personnes ressources pour rappeler au personnel de renseigner les fiches, elle permet d’auditer un nombre plus important de professionnels dans les services à faible fréquence de pose et elle est plus adaptée aux horaires décalés.

En revanche, l’auto-évaluation peut donner des résultats parfois surestimés ou sous-estimés (remplissage par le personnel lui-même ou problème de compréhension). Pour cet audit (poses et manipulations uniquement), l’analyse des critères de qualité en fonction de la méthode utilisée visualise de meilleurs résultats par l’autoévaluation (p < 0,0001).

Dans 98 % des établissements, il existe un protocole écrit validé par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales (Clin). Ce protocole est utilisé et accessible dans 92 % des services ayant participé à l’audit.

Défaut de conformité et manque de traçabilité

Seulement 30 % de ces protocoles sont totalement conformes aux dernières recommandations en vigueur. Nous pouvons estimer ce résultat insatisfaisant, cinq ans après la parution des recommandations de la SF2H. Les items qui manquent le plus souvent sont la désinfection des mains avant insertion du cathéter (75 %), la désinfection du site d’injection lors des manipulations de la ligne veineuse (70 %), la traçabilité de la date d’ablation du cathéter (retrouvée à 69 % des cas) et la surveillance clinique quotidienne (62 %).

Ces données sont en lien avec les résultats de l’audit traçabilité puisque, dans 49 % des cas seulement, la surveillance clinique quotidienne (présence ou absence de signes locaux ou généraux) est retrouvée. Ce résultat peut être expliqué par le fait que seul 73 % des services ont un support de traçabilité pour la surveillance clinique des cathéters veineux périphériques. En effet, la présence d’un support améliore de manière significative la traçabilité (p < 0,0001) qui reste cependant insuffisante (59 %).

Malgré tout, 80 % des CVP ont une date de pose tracée dans le dossier patient, ce qui donne un taux de 45 % de conformité globale de traçabilité (traçabilité de la date de pose et de la surveillance).

Une durée de maintien raisonnable

Chez l’adulte, 93 % des cathéters ont une durée de maintien inférieure ou égale à quatre jours. Lorsque ce délai n’est pas respecté, les durées de maintien sont de cinq à quinze jours (7 %).

Ces dernières se retrouvent essentiellement dans des services à orientation gériatrique ou de soins de suite et réanimation (SSR), ce qui peut être expliqué par l’état veineux ou l’état général du patient. Dans les recommandations Prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques de 2005, la R.49 de niveau C3 précise « chez le patient au capital veineux limité […] il est possible de laisser en place le cathéter pour une durée plus longue ».

Des processus de pose hétérogènes

Pour les poses de CVP, l’évaluation portait sur la préparation cutanée avant la pause et sur l’insertion du cathéter.

Cette partie a été réalisée par 217 établissements pour un nombre total de 1 728 services avec une même représentativité des différentes spécialités. L’auto-évaluation a été la méthode choisie en priorité (65 %). Les spécialités de bloc opératoire et endoscopie ont privilégié l’observation. Les services médico-techniques (exploration fonctionnelle, imagerie, médecine nucléaire) et les urgences ont utilisé les deux méthodes indifféremment.

Les audités sont majoritairement des IDE spécialisés ou non (81 %) et l’acte est réalisé dans 94 % des cas chez un adulte. 93 % des poses sont précédées d’un geste d’hygiène des mains avant le nettoyage du site d’insertion mais seulement dans 54,4 % avec un produit hydro-alcoolique. Il persiste encore 30 % de lavage simple alors que cette technique ne répond pas au niveau d’hygiène de mains requis avant ce geste invasif.

La préparation cutanée du site d’insertion doit être réalisée en 4temps selon les recommandations SF2H de 2005 (nettoyage avec savon + rinçage + séchage + application d’un antiseptique).

→ La détersion de la peau chez l’adulte (savon antiseptique ou doux + rinçage + séchage) avant la pose de CVP se fait dans 58 % des cas et en priorité avec polyvinyl pirrolidone iodée (PVPI) savon. Chez l’enfant, la détersion est réalisée dans 37 % des poses mais d’autres techniques sont possibles en fonction de l’âge. Nous notons chez les prématurés seulement 43 % de conformité concernant le choix du savon (savon doux).

→ Une antisepsie est réalisée dans 99 % des poses. Chez l’adulte, dans 70 % des cas, elles sont effectuées avec un antiseptique alcoolique alors que cet item est retrouvé dans 79 % des protocoles. Une fois sur deux, l’antiseptique choisi est la PVPI alcoolique. Le séchage spontané avec attente du séchage complet est respecté dans seulement 54 % des cas. L’antisepsie doit être réalisée avec des compresses stériles, un antiseptique alcoolique, suivie d’un séchage spontané : ces trois critères ne sont respectés que dans 38 % des cas. Chez l’enfant, le taux de conformité du produit utilisé varie de 74 à 40 % et le séchage spontané de 44 à 60 % suivant les âges. Chez le prématuré, seuls 15 % de séchages par tamponnement sont conformes.

Chez l’adulte

→ La procédure 4 temps est suivie pour 56 % des poses avec un taux de conformité de 96 % pour l’association des produits (savon et antiseptique). Ce type de procédure est adopté en priorité par les IDE et les étudiants. Parmi toutes les poses de CVP adulte, seules 35 % d’entres elles font l’objet d’une procédure 4 temps suivie d’un séchage spontané.

→ Une procédure 2 temps (deux applications d’un même antiseptique) est réalisée dans 14 % des poses chez l’adulte avec PVPI alcoolique (65 %) et seulement 28 % pour la chlorexidine faiblement alcoolisée (Biseptine), méthode préconisée par le fabricant. Dans les recommandations du Haut Conseil de la santé publique de septembre 2010, Surveiller et prévenir les infections associées aux soins, il est noté que « pour les CVP dont la pose est de courte durée et en présence d’une peau visuellement propre, la préparation cutanée peut être réalisée par 2 applications successives d’un antiseptique alcoolique. Attendre le séchage spontané de l’antiseptique ». Les résultats de l’audit (élaboré avant la parution de cette recommandation) ne nous permettent pas de préciser la notion de courte durée, donc de considérer cette technique comme conforme. Cette méthode est utilisée dans la même proportion par les différentes catégories professionnelles.

→ La procédure 1 temps (une seule application d’antiseptique) concerne 21 % des poses dont 61 % avec la PVPI alcoolique, surtout chez les médecins ou les internes (66 %).

Chez l’enfant

La procédure en 4 temps n’est pas la seule préconisée(5), une procédure en 2 temps peut être pratiquée avec deux applications de chlorhexidine faiblement alcoolisée.

→ Les résultats de l’audit mettent en avant que dans 41 % des poses, une procédure 4 temps a été utilisée avec un taux de conformité d’association des produits variant entre 12 % (enfant de 0 à 1 mois) et 79 % (enfant de 30 mois à 15 ans). Une procédure 4 temps avec attente du séchage spontané dans 50 % des cas.

→ La procédure 2 temps est effectuée avec de la chlorhexidine faiblement alcoolisée dans 70 % des cas mais l’attente du séchage spontané est effective dans 59 % des préparations. Les produits utilisés sont en lien avec les recommandations puisque la PVPI alcoolique n’est utilisée que chez les enfants de 30 mois à 15 ans.

Précautions d’emploi (aiguilles, instruments…)

Pour l’insertion du cathéter, concernant le respect des précautions standard et plus précisément la désinfection des mains, les recommandations de 2005 indiquent qu’« il est fortement recommandé de réaliser, avant l’insertion du cathéter, un traitement hygiénique des mains… » alors que celles de 2007 précisent une « réalisation d’une désinfection des mains immédiatement avant l’insertion du cathéter ».

On constate un taux d’hygiène des mains effectuée immédiatement avant l’insertion du cathéter à 66 %, en majorité avec une friction hydro-alcoolique. 31 % des poses se font sans hygiène des mains immédiate mais dans 93 % des cas elle a été réalisée avant. Le respect de la désinfection varie selon les catégories professionnelles. La sécurité du geste passe par le respect des précautions standard dont le port des gants en cas de risque de contacts avec des liquides biologiques. Les résultats montrent que ce port de gants pour l’insertion d’un cathéter n’est effectif que pour 63 % des poses et il est moins important dans certaines spécialités : Bloc-SSPI, pédiatrie, réanimation néonatale et gynécologie-maternité.

Les piqûres avec des aiguilles souillées sont les accidents d’exposition au sang (AES) les plus fréquents et les plus à risque de contamination, notamment si l’aiguille a été utilisée pour un geste avec abord intravasculaire direct. Ainsi la mise en place de dispositifs de sécurité a fait la preuve de son efficacité dans la diminution des AES. Dans l’audit, l’utilisation des cathéters de sécurité reste à améliorer car seulement 31 % des services audités en possèdent. Et ceux qui en ont à disposition ne les utilisent pas toujours : 83 % des poses sont faites avec ce cathéter.

Le conteneur à objets piquants, coupants, tranchants (OPCT) a été le premier matériel de sécurité mis en place lors de l’interdiction de recapuchonnage des aiguilles. C’est un matériel essentiel pour la protection des soignants, il doit être placé à portée de main (50 cm)(6) pour permettre une élimination immédiate du mandrin. Cette élimination est retrouvée seulement dans 77 % des cas pour la pose de CVP non sécurisés.

Pour la partie “manipulation des CVP”, l’auto-évaluation a été également la méthode la plus utilisée (70 % des cas). 90 % des manipulations sont précédées d’une hygiène des mains, dont 72 % d’entre elles par friction. Nous pouvons noter encore 13 % de lavage simple et 10 % d’absence d’hygiène des mains ne répondant pas aux critères de conformité. Seulement 61 % des manipulations sont précédées d’une désinfection des embouts et des robinets avec une compresse stérile imprégnée d’un antiseptique alcoolique. Les produits antiseptiques alcooliques sont utilisés en majorité. Mais, dans 20 % des manipulations, aucune désinfection n’est utilisée.

CONCLUSION

L’audit national “Cathéter veineux périphérique” réalisé auprès de 219 établissements de l’inter-région Sud-Est a été possible grâce au volontariat et à la mobilisation des équipes. Les établissements ont effectué pour la plupart les trois parties de l’audit (protocole, pose, manipulations et traçabilité/durée de maintien).

Les principaux messages des recommandations sont globalement acquis. La grande majorité des services audités dispose de protocoles écrits et accessibles répondant aux dernières recommandations nationales sur les principaux critères de qualité (pose, port de gants, traçabilité de pose et durée de maintien).

L’hygiène des mains avant insertion du cathéter est réalisée en priorité par friction avec un produit hydro-alcoolique, cette technique est donc bien intégrée dans les soins par la majorité des professionnels. De même, il paraît nécessaire de rappeler aux professionnels que cette hygiène des mains doit être pratiquée immédiatement avant l’insertion.

Le délai de quatre jours pour le maintien de la CVP est majoritairement respecté.

Les résultats de l’étude permettent de dégager des orientations d’amélioration des pratiques sur :

→ l’enregistrement de la surveillance garant de la réalité de celle-ci en mettant en place des supports de traçabilité adaptés (dossier informatique ou papier),

→ la phase de détersion lors de la préparation cutanée du site d’insertion car des alternatives en 1 ou 2 temps sont encore observées,

→ l’utilisation d’un antiseptique alcoolique doit être développée pour la pose ou les manipulations des lignes veineuses,

→ l’application stricte des précautions standard, notamment le port de gants,

→ l’hygiène des mains et la désinfection du site d’injection, avant les manipulations.

Ces différents items sont également à intégrer dans le protocole écrit.

Dans le cadre d’un programme de prévention du risque infectieux lié aux CVP, l’évaluation régulière des pratiques des professionnels chargés de la pose et de l’entretien des CVP doit être envisagée.

Les points d’amélioration dégagés pourront permettre de déterminer des indicateurs de suivi ainsi qu’un engagement à la programmation d’évaluations régulières après la mise en place d’actions correctives. Les audits pourront être effectués sur l’une ou l’autre des évaluations proposées (protocole et/ou pratiques et/ou traçabilité) en fonction de la criticité des résultats obtenus lors de la première évaluation.

L’outil d’évaluation est à libre disposition des établissements, sur le site du GREPHH et du Cclin Sud-Est (http://cclin-sudest.chu-lyon.fr). Les outils “clés en mains” permettent une saisie et une exploitation des résultats par les établissements avec l’édition automatisée de posters et de rapports.

(1) HCSP – Surveiller et prévenir les infections associées aux soins, septembre 2010.

(2) SF2H– Guide des bonnes pratiques de l’antisepsie chez l’enfant, mai 2007.

(3) HAS – Évaluation de la qualité de la pose et de la surveillance des cathéters veineux courts, 1998.

(4) SF2H – Pose et entretien des cathéters veineux périphériques, critères de qualité pour l’évaluation et l’amélioration des pratiques professionnelles, 2007.

(5) SF2H – Guide des bonnes pratiques de l’antisepsie chez l’enfant, mai 2007, page 25.

(6) GERES – Guide des matériels de sécurité et des dispositifs barrières, 2010.

RECOMMANDATION 61

Il est recommandé, dans le cadre d’un programme de prévention du risque infectieux lié aux cathéters veineux périphériques, d’évaluer régulièrement les pratiques des professionnels chargés de la pose et de l’entretien des cathéters veineux périphériques.

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