Traiter le choléra : quand l’urgence est permanente - Objectif Soins & Management n° 193 du 01/02/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 193 du 01/02/2011

 

Actualités

Sandra Mignot  

CONTAGION → Depuis trois mois et demi, Haïti subit une épidémie de choléra qui a imposé la création d’unités et de centres de traitement spécifiques. Deux cadres infirmiers haïtiens présentent l’organisation de ces structures.

« J’avais plus de challenges quand je travaillais aux urgences, explique Nadia Victor, infirmière coordinatrice de l’unité de traitement du choléra (UTC) du Parc Jean-Marie-Vincent, à Port-au-Prince. Ici, on ne traite qu’une seule pathologie, ce n’est pas varié. Mais ce qui est satisfaisant, c’est que les patients se stabilisent vite et on voit le résultat de notre travail. » Ce cadre possède une expérience relativement importante, même si le choléra est une pathologie nouvelle pour Haïti.

Recrutée par l’ONG Zanmi Lasante, elle était en effet infirmière en chef du service des urgences de l’hôpital de Saint-Marc, établissement où se sont présentés les premiers malades atteints de déshydratation sévère, en octobre 2010. À l’époque, les équipes n’avaient aucune pratique de l’organisation spécifique à mettre en place. « Les malades arrivaient en nombre par les urgences générales, explique Nadia. Nous n’avions pas assez de personnel pour le nettoyage et la prise en charge des patients. Résultat : nous avons dû vider l’hôpital de ses autres patients et déprogrammer les interventions chirurgicales, à cause du risque de contamination. » Dans un second temps, conseils pris auprès de l’OMS et renforts en personnel fournis par MSF, une UTC a été créée, sous tente, comme la plupart des 214 unités ou centres de traitement en activité dans le pays.

Trois zones

Les centres et unités de traitement sont généralement organisés en trois zones : un triage pour les personnes qui présentent des symptômes modérés de diarrhées et de vomissements et que l’on place sous réhydratation orale. Si leur état s’améliore, les patients sont rapidement orientés vers une salle de convalescence ou vers la sortie. La deuxième zone (ou plan B) concerne les déshydratations modérées. Les patients y bénéficient d’une observation plus poussée et toujours d’une réhydratation orale. Enfin la troisième (plan C) concerne les cas les plus sévères, où la réhydratation est réalisée par perfusion, éventuellement de manière accélérée, en posant deux voies parentérales. « L’état de certains patients peut se dégrader très vite, note Nadia. Il faut être à même de réagir en conséquence : savoir évaluer l’état de déshydratation, poser des voies sur des veines fragilisées par la déshydratation, contrôler régulièrement les signes vitaux… » L’observance stricte des règles d’asepsie est une contrainte supplémentaire pour le soignants. « Il faut multiplier par dix ou vingt fois le lavage des mains en période d’épidémie », note Lourdes Isaac, adjointe à la direction des soins infirmiers de l’hôpital général de Port-au-Prince, établissement qui possède également un CTC.

Manque d’effectifs

L’activité exige donc un personnel nombreux. « Dans notre unité, nous avons un infirmier et deux auxiliaires par garde pour dix patients dans la zone de réhydratation intensive », résume Nadia. Les auxiliaires participent à l’observation des patients. Zanmi Lasante a mis à contribution le personnel recruté dans les suites du séisme du 12 janvier 2010. Mais pour les centres de traitement du choléra (CTC) gérés uniquement par le ministère de la Santé, il a fallu déshabiller Paul pour habiller Jacques. « Nous ne pouvions augmenter notre nombre de postes, explique Lourdes Isaac, nous avons donc pris sur les effectifs des autres services pour faire fonctionner le CTC. » Enfin, un personnel spécifique doit être recruté et formé pour la décontamination. « C’est dire qu’un centre de traitement du choléra coûte cher », résume le Dr Anany Gretchko Prosper, directeur des programmes médicaux de Zanmi Lasante. Un point qui explique probablement pourquoi moins de 5 % des UTC/CTC relèvent exclusivement du ministère de la Santé. Faute de moyens, la gestion et l’organisation de tous les autres sont laissées aux ONG.