Psychiatrie : la création des hôpitaux-prisons passée au crible - Objectif Soins & Management n° 191 du 01/12/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 191 du 01/12/2010

 

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PRÉSENCE MÉDICALE → La construction des Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) soulève des questions. Qui ne sont pour l’instant pas encore résolues.

Pour le moment, une seule a ouvert, à Lyon. Mais le feu des critiques les brûle déjà. Le premier grief envers les Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) – destinées à l’hospitalisation, en milieu hospitalier, des détenus souffrant de troubles mentaux, avec ou sans leur consentement – concerne leur insuffisance. L’objectif est, à terme, de 17 structures et 705 lits pour… quelque 50 000 malades potentiels. Les 440 lits de la première tranche ? « Cela fait très peu, surtout pour des malades chroniques », a estimé Jean-Pierre Bouchard, psychologue au Centre hospitalier de Cadillac (Gironde), le 5 novembre, lors du Salon infirmier.

Dans ces “hôpitaux-prisons”, les personnels risquent, eux aussi, de manquer. Par exemple, pour les transports de détenus. Catherine Cutulic, cadre supérieure à Cadillac, s’interroge : « S’il faut deux infirmières pour une escorte, où les trouver ? Et que fait-on des admissions de nuit ? » Son établissement a demandé douze autres postes d’IDE. Ces “frictions” expliqueraient le retard des travaux – une “lenteur” dénoncée par la Cour des comptes. À Cadillac, l’UHSA devrait finalement ouvrir en 2013 (au lieu de 2010), dans l’Unité pour malades difficiles.

« Deux cultures différentes »

La création des UHSA, inscrite dans l’article 48 de la loi Perben du 9 septembre 2002 et l’article L. 3214-1 du Code de la Santé publique, soulève également une interrogation sur la sortie des détenus dont l’état ne se serait pas assez amélioré. « Qui voudra reprendre un patient dont l’écrou a été levé et qui sort d’UHSA ? Faudrait-il faire une obligation de reprise ? La question a été posée au ministère », relève Catherine Cutulic.

Les UHSA, dont l’existence devrait conduire à la fin de l’hospitalisation à temps complet dans les Services médico-psychologiques régionaux (SMPR) des prisons, inaugure la rencontre de “deux cultures différentes” : les soignants et les agents de l’Administration pénitentiaire. Un choc ? « Le personnel de santé a pour rôle de délivrer des soins, détaille Stéphane Schmitt, IDE à Cadillac. Et il est chargé de la gestion interne des unités, y compris de la sécurité. Les agents pénitentiaires ne seront amenés à intervenir à l’intérieur que de façon ponctuelle, en cas d’incident ou pour des fouilles. »

« Un dispositif perfectible »

Plus largement, les UHSA, mixtes et ouvertes aux mineurs, permettront-elles d’améliorer la prise en charge psychiatrique des détenus ? Comme l’a rappelé Stéphane Schmitt, « ce dispositif est perfectible ». Ainsi, à l’entrée des prisons, les maladies ne sont pas toujours dépistées. Quatre des 26 SMPR ne disposent pas de lit et une réelle présence soignante la nuit n’y est pas possible. Et l’hospitalisation en milieu hospitalier s’avère peu aisée, en raison notamment de l’impossibilité d’un consentement – l’article D398 du Code de Procédure pénale impose l’hospitalisation d’office.

Mais le principal problème réside peut-être en amont, au moment de l’expertise mentale des suspects de crimes. Comme d’autres, Jean-Pierre Bouchard observe « une tendance à responsabiliser à tort certains malades mentaux, contrairement à ce que demande le Code pénal » et son article 122.1.