Infractions sexuelles : thérapie pour des patients-détenus - Objectif Soins & Management n° 191 du 01/12/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 191 du 01/12/2010

 

Actualités

SOUTIEN → À Fresnes, les infirmières jouent un rôle central dans la prise en charge proposée aux détenus volontaires, condamnés ou pas encore jugés.

Le Service médico-psychologique régional (SMPR) de Fresnes a débuté sa sixième session de prise en charge des détenus auteurs d’infractions sexuelles (AIS). Jusqu’ici réservé aux condamnés, ce dispositif s’est ouvert aux personnes non encore jugées. Il accueille douze hommes volontaires (la capacité maximale du service), détenus en cellules individuelles, comme l’ont expliqué lors du Salon infirmier, le 5 novembre dernier, Magali Bodon-Bruzel, médecin-chef du SMPR, et Isabelle Redon, infirmière.

Sur une durée de six mois

Cette prise en charge, conçue dans le respect des lois du 18 janvier 1994 d’accès aux soins en détention et du 10 août 2007 sur la récidive, est destinée aux non-psychotiques et non-déficients intellectuels. D’une durée de six mois, elle se compose d’entretiens individuels et de groupes thérapeutiques, en journée, ainsi que d’éventuels traitements médicamenteux. Un binôme d’infirmières, épaulé, en cas de doute, d’un psychologue ou psychiatre, est chargé du “recrutement” des patients, à l’aide, en particulier, de deux entretiens.

« Handicapés de l’émotion »

Le rôle des IDE – trois équivalents temps plein normalement – est donc central. Elles aident, notamment, les détenus à réaliser des génogrammes, représentations graphiques de leur famille sur trois générations. « Les patients repèrent les transmissions visibles (prénoms, maladies, métiers…) et invisibles (secrets, non-dits, échecs, conflits…), les liens affectifs, les rôles familiaux. Ce travail “remue” beaucoup, constate Isabelle Redon. Des patients recontactent leur famille pour avoir des informations. Il nous arrive de repérer un non-respect des générations, à l’image de ce père incestueux qui n’avait pas représenté sa fille. » Semaine après semaine, le génogramme peut évoluer.

Des vidéos – présentant témoignages de victimes et propos de pédophiles – sont également projetées, puis les patients sont invités à exprimer leur ressenti. Un travail sur une bande dessinée vise à évoquer leurs parents ou leur rôle de parents. La question du couple, entre autres, est également évoquée. « On est aussi là pour apaiser dans les moments difficiles », poursuit Isabelle Redon.

Ces « handicapés de l’émotion », selon l’image de l’IDE, souffrent d’impulsivité ou encore de déficit d’empathie. À l’issue de la prise en charge, « l’absence de remords et de culpabilité » passe de 82 à 42 % des patients ; « l’insensibilité et le manque d’empathie » de 86 à 50 % ; « l’incapacité à assumer ses faits et gestes » de 71 % à 25 %, etc. Mais des problèmes demeurent. Des détenus renoncent, pour suivre la thérapie, à être transférés dans un autre établissement. Par ailleurs, comment accepter plus de patients ? Et comment, après leur libération, mieux les suivre et prévenir la récidive ?

Sur ce dernier point, les statistiques tordent le cou aux clichés. En termes de délit, le taux de récidive s’élève ainsi à 35 % pour l’exhibitionnisme, contre 60 % pour le vol simple ; au niveau des crimes, il est de 1,8 % pour le viol, contre 14 % pour le vol à main armée. Les infractions sexuelles sont la première cause d’incarcération en France, concernant, en 2006, un condamné sur cinq.