Les Iade ne baissent pas les bras pendant les négociations - Objectif Soins & Management n° 187 du 01/06/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 187 du 01/06/2010

 

Actualités

Nicolas Cochard  

MOBILISATION → Encore suivie massivement, la manifestation des infirmières anesthésistes (Iade) du mardi 8 juin s’est achevée, après un parcours à rebondissements, sur la perspective de véritables négociations.

« Les conseillers et les techniciens, c’est bien, mais nous voulons passer à l’étape du dessus. C’est aux politiques que nous voulons avoir affaire. » Olivier Youinou, responsable Iade au syndicat Sud-Santé, ne croyait pas si bien dire au début de la manifestation de ce mardi. Le cortège a rassemblé, selon les organisateurs (Sud, la CGT et les collectifs locaux d’Iade), 3 500 manifestants*, couronnant une journée de grève suivie à près de 95 %. Alors que Roselyne Bachelot n’est toujours pas intervenue en personne face aux représentants des Iade, ceux-ci se sont finalement invités au Quai d’Orsay auprès de Bernard Kouchner et Pierre Lellouche (secrétaire d’État aux affaires européennes).

Satisfaction à Matignon

À la clé, un entretien à l’hôtel Matignon, dont le déroulement a visiblement satisfait la délégation reçue par les services de François Fillon. « Nous avons été entendus, écoutés », a salué Olivier Youinou à l’issue d’un entretien d’une heure avec le conseiller social du Premier Ministre, Éric Aubry, et son adjoint David Gruson. Lesquels vont « appuyer pour que la réunion prévue le 14 au ministère de la Santé soit une véritable réunion de négociations ». Avancée à l’issue de l’occupation des voies de la gare Montparnasse le 18 mai dernier, ladite réunion devait être, comme les précédentes, une simple « réunion de travail ».

Principales revendications

Si l’engagement est suivi d’effets, les négociations qui s’ouvriraient dans une semaine devraient donc porter sur quatre grandes revendications mises en avant par les manifestants :

→ la reconnaissance au niveau master de la formation d’Iade, y compris pour ceux déjà diplômés ;

→ une revalorisation salariale uniquement indiciaire et non pas, pour partie, sous forme de prime ;

→ l’exclusivité de fonction dont bénéficient les seuls Iade au sein de la profession infirmière (les Iade font référence au volet 6 du protocole du 2 février dernier qui ouvre une porte à la validation des acquis de l’expérience) ;

→ la reconnaissance de la pénibilité liée à la fonction d’Iade.

« Au-delà des problèmes techniques, nous avons signifié que depuis trois mois, nous faisons face à une absence de dialogue social, a commenté Bruno Franceschi, porte-parole du collectif Iade de l’Ufmict-CGT. La ministre préfère s’occuper des footballeurs plutôt que des acteurs [de la santé] au quotidien… De vraies négociations, ce serait des propositions du ministère, des discussions, des comptes-rendus, des rendez-vous multiples à venir, pas des tables rondes informelles », a-t-il précisé, estimant que Roselyne Bachelot « était au ministère » et que « si elle avait voulu nous rencontrer, elle aurait pu le faire ».

En début d’après-midi, une première délégation avait été reçue au ministère de la Santé par deux représentants de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) : Patrice Vayne, chargé de mission veille sociale, et Emmanuelle Quillet, sous-directrice des ressources humaines du système de santé. Mais « le ministère n’a rien eu de plus à nous dire que le 3 juin, a déploré Olivier Youinou. On nous a demandé comme à chaque fois de reformuler nos revendications », après quoi la délégation a levé la séance.

Divergences syndicales

Lors de la table ronde de la semaine dernière, Yann Bubien, directeur de cabinet de Roselyne Bachelot, et Annie Podeur, directrice de la DGOS, avaient proposé (de façon informelle, regrettent les manifestants) de rétablir le différentiel entre les grilles IDE et Iade à 91 points bruts (70 INM), via un mélange de revalorisation du sommet de la grille indiciaire et des indemnités sous forme de prime de fonction et de résultat (PFR, individualisée). Le ministère avait rappelé, sur le principe, son attachement à l’exclusivité de compétences. Il avait cependant estimé que la reconnaissance au niveau master ne pourrait avoir lieu avant fin 2010, le temps de finaliser les discussions sur les pratiques avancées. Le Syndicat national des infirmiers anesthésistes (Snia), relevant des « avancées », avait alors appelé à « suspendre le mouvement jusqu’au 15 juin ».

Les manifestants de ce mardi étaient décidés à ne pas en rester là. Après quelques débats stratégiques, le cortège a pris la route de l’Assemblée nationale au pas de course, puis a été stoppé à la hauteur du Quai d’Orsay par les matraques et les lacrymogènes des CRS… C’était sans compter une porte ouverte sur le côté du ministère des Affaires étrangères, par laquelle se sont engouffrés les militants. L’occupation des salons dorés du premier étage a pris fin après l’intercession par téléphone de Bernard Kouchner et Pierre Lellouche auprès du Premier Ministre.

A l’issue de l’entretien à Matignon, le ton de la délégation avait changé du tout au tout. Même si des avertissements sont déjà lancés : « On n’est pas des perdreaux de l’année, on attend la convocation à cette réunion », estime Olivier Youinou. Quant à Bruno Franceschi, il glisse que « si les négociations périclitent », les Iade se feront entendre à nouveau.

*Sur quelque 7 500 Iade en France. La police, quant à elle, a compté 1 500 manifestants.

Manifs

En mai aussi…

EN GRÈVE

Dans beaucoup de villes de France, les Iade et autres infirmiers spécialisés ont aussi manifesté les 4 et 18 mai derniers.

À LYON, 4 MAI

Mobiliser une profession déjà peu nombreuse (moins de 8 000 en France) sur plusieurs villes, alors que la moitié est assignée, relève presque de l’impossible… « Notre représentativité peut paraître faible mais notre motivation est très forte », commente Agnès Moreaux, Iade à l’hôpital neurologique de Lyon, porte-parole du collectif lyonnais. Ce dernier a vu le jour une dizaine de jours avant ce troisième jour de grève, pour mieux coordonner l’action déjà initiée au plan national les 11 et 30 mars dernier. Ce 4 mai, la centaine de manifestants lyonnais a de nouveau été reçue par le directeur de cabinet du préfet du Rhône. L’occasion de « faire passer nos messages car le protocole ne nous satisfait pas sur plusieurs points », rappelle Agnès Moreaux. Les Iade veulent en effet que leur spécialisation soit reconnue tant sur le plan de la formation, avec maintien d’un niveau master (bac+5) après un concours d’entrée sélectif, que sur le plan du salaire, alors que le nivellement envisagé réduirait le différentiel de salaire, en fin de carrière dans le secteur public, à 38 points (174 euros, contre 322 actuellement) entre une IDE et une Iade. Les infirmiers anesthésistes, qui ont le soutien des médecins anesthésistes, espèrent par leur action pouvoir faire sortir leur profession de l’ombre.

Claire Pourprix

A PARIS, 4 ET 18 MAI

Environ un millier d’Iade, véritable marée humaine bleue et verte (une bonne représentation pour la profession), a battu le pavé dans les rues de Paris le 4 mai dernier. Place du 18 juin 1940, un « sitting » a été fait pour « montrer que la profession Iade va mourir » , bloquant pendant vingt minutes la circulation. En fin de matinée, l’arrivée au ministère de la Santé a été mouvementée, des œufs ont été lancés contre l’édifice ministériel et les CRS ont dû intervenir pour contenir la colère des manifestants.

Le 18 mai, les infirmiers anesthésistes ont bloqué la circulation des trains de la gare Montaparnasse pendant près de cinq heures. Une manière forte de revendiquer, une fois de plus, la prise en compte de leurs revendications par le ministère de la Santé. L.K.