Les ASH, membres de l’équipe soignante ? - Objectif Soins & Management n° 186 du 01/05/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 186 du 01/05/2010

 

Ressources humaines

Jérôme Eggers  

QUALIFICATION → Nombreux sont les établissements qui emploient des agents des services hospitaliers qualifiés (ASH) dans les services de soins et qui en confient l’affectation aux directions des soins. Sans que les ASH outrepassent les missions qui leur sont réglementairement dévolues, on peut raisonnablement se poser la question d’une appartenance à l’équipe de soins.

La définition des fonctions ASH(1) dans la fonction publique hospitalière est contenue dans l’article 4 du décret n °2007-1301 du 31 août 2007 modifié : « Les agents des services hospitaliers qualifiés sont chargés de l’entretien et de l’hygiène des locaux de soins et participent aux tâches permettant d’assurer le confort des malades. Ils effectuent également les travaux que nécessite la prophylaxie des maladies contagieuses et assurent, à ce titre, la désinfection des locaux, des vêtements et du matériel et concourent au maintien de l’hygiène hospitalière. »

LE CADRE D’EMPLOI DES ASH

Ce nouveau décret de 2007 qui porte sur le statut particulier s’adresse aux corps des aides-soignants (AS) et des agents des services hospitaliers qualifiés. Ce point est intéressant dans la mesure où les corps sont dans un même statut particulier et qu’ils doivent être regardés dès lors comme dans un ensemble commun, comme l’est le grade d’agent d’entretien qualifié (AEQ) dans la filière ouvrière. Ce point est validé par une notion de carrière puisque le grade d’AS est ouvert en particulier aux ASH ; certes, il existe des mesures spécifiques pour chacun en matière de nomination, d’avancement ou de définitions, entre autres, mais c’est bien une continuité qui est offerte pour la promotion professionnelle encore plus clairement qu’auparavant.

Il est sans doute nécessaire de préciser en revanche que les agents dont les tâches confiées sont plus éloignées des soins relèvent généralement de la filière ouvrière sur le grade d’AEQ(2) dont la définition est la suivante : « Les agents d’entretien qualifiés sont appelés à exécuter des travaux ouvriers, notamment des fonctions en vue d’assurer l’entretien, le nettoyage des locaux communs dans le respect de l’hygiène hospitalière et de la sécurité. »

Cette distinction entre ASH et AEQ est posée notamment pour les équipes centrales de ménage (quand cette fonction n’est pas sous-traitée) qui gèrent l’hygiène hospitalière sur les locaux communs de l’établissement. Par expérience, l’intégration dans le grade d’AEQ est parfois mal vécue, alors que, sur le plan de la carrière hospitalière, il y sûrement plus de facilité à accéder aux grades supérieurs de la filière ouvrière (ouvrier professionnel, maître ouvrier…) qu’au grade d’aide-soignant pour les ASH.

LA GESTION ADMINISTRATIVE ET L’ORGANISATION DU TRAVAIL

La gestion administrative des ASH n’est évidemment pas très différente de celle de n’importe quel autre corps de la fonction publique hospitalière. Cependant, il faut se souvenir que le déroulement de carrière est quasi nul : en échelle 3 de rémunération, du départ de la carrière à la fin, il y a 63 points d’indice majorés d’écart sur un déroulé de trente ans. Ce n’est donc pas la carrière et sa rémunération qui rendent attractifs les postes d’ASH, même si, dans la conjoncture actuelle, avoir du travail est une chance…

Il paraît donc utile de faire une analyse précise des postes nécessaires d’ASH dans les équipes, au regard du statut et du profil(3) de poste. La prise en charge est déséquilibrée lorsqu’il y a trop de postes d’ASH par rapport aux autres profils professionnels : ASH et AS sont dans des fonctions similaires en termes de tâches. Inversement, le manque de postes d’ASH dans une équipe rend la tâche des ASH à éviter et les autres métiers se renvoient la balle sans investir des tâches subalternes à leur qualification.

Le travail sur le recueil des tâches des équipes est un véritable travail de groupe. Il faut distinguer ce qui est propre à chaque métier et ce qui est partageable sur les 24 heures. Une grande feuille A3 en couleur permet ce recueil par heure et pour chaque groupe professionnel. Une fois cela réalisé, on mesure facilement les postes nécessaires pour chaque grade et l’adaptation du tableau des emplois(4) qui en découle est parfois en augmentation (mais ce n’est pas dans l’air du temps), parfois en échange entre plusieurs unités si c’est possible, mais le plus souvent à moyens constants.

Deux constats sont alors possibles :

→ en listant les tâches, celles qui sont partageables notamment entre ASH et AS(5), on réalise que l’équipe est bien constituée des ASH puisque ces tâches “appellent” les AS à les couvrir en l’absence des ASH et inversement ;

→ la présence des ASH est bien continue : ce n’est pas une intervention ponctuelle comme un personnel ouvrier qui vient réparer un problème technique. Certes, certains hôpitaux(6) ont choisi de ne mettre aucun ASH dans les unités, confiant le ménage des sols à une équipe centralisée externalisée ou non, et faisant assurer les autres tâches, qui sont nombreuses, par des auxiliaires de puériculture (AP) ou AS. Cette façon de faire est aujourd’hui économiquement contestable et empêche conséquemment l’intégration des ASH dans les équipes, ce que nous allons voir.

DU POINT DE VUE DE L’ÉQUIPE

Dans l’organisation de la prise en charge, un point fondamental consiste à transmettre les informations entre chaque roulement de l’équipe sur 24 heures. Les ASH participent bien naturellement aux transmissions car elles recueillent des informations utiles à l’activité ; mais elles ont également besoin d’éléments sur les patients, par exemple un isolement ou encore un décès. Elles apportent également des données de prise en charge sur ce qu’elles peuvent voir, entendre ou comprendre.

L’appartenance à l’équipe

Le deuxième point en rapport avec l’équipe est une notion sociologique : c’est l’appartenance de l’ASH à son équipe et à son service, ce que Ivan Sainsaulieu(7) appelle le “groupe productif de base”, au-delà de la profession proprement dite. Tous ceux qui s’occupent de ces questions mesurent combien il est difficile de changer de service lorsque ce n’est pas volontaire et combien il faut de temps pour se faire une place dans une nouvelle équipe. L’appartenance à l’établissement est beaucoup moins nette(8), ce qui explique peut-être cette difficulté.

Exemple vécu : un service de maternité de 30 lits en suites de couches avec 7 postes équivalent temps plein (ETP) d’ASH qui, tour à tour, occupent des fonctions d’auxiliaire de puériculture, parfois depuis plus de vingt ans, et des fonctions d’ASH. Le calcul des postes, par transformation de postes d’ASH en AP à coûts constants, permet de doter le service de 3,60 ETP ASH avec 4 personnes physiques, et de redéployer les autres personnels sur d’autres services. Et c’est là que la difficulté commence : le choix de ceux qui restent ou de ceux qui partent, et pour ces derniers, où les mettre ? Dire qu’à compter d’une date un ASH ne fera plus telle tâche effectuée depuis longtemps est naturellement très mal vécu.

À la marge du sujet de cet article, il s’agit de réunir les équipes collectivement puis individuellement et d’offrir en priorité les postes disponibles sur la structure aux agents à déplacer. Cette opération, aussi modeste soit-elle, est toujours douloureuse pour les agents et les équipes : impression d’être un pion, peur du changement, rupture de l’équilibre personnel au sein de l’équipe, rupture sociologique du groupe et des rapports sociaux, rupture du rapport au corps malade etc.

C’est véritablement l’analyse précise des tâches qui permet de resituer les ASH – et indirectement les AS – sur leurs tâches, et elles sont importantes pour les équipes et les usagers : un service sale est un service à risques augmentés etc.

Une formation de base nécessaire

La formation constitue le troisième point en rapport avec l’équipe. On ne peut plus embaucher aujourd’hui une ASH et la “coller” au ménage, sans formation en hygiène hospitalière, ou en maison de retraite à l’aide aux toilettes sans un minimum de bagages. L’ASH doit avoir suivi une formation antérieure utile à la structure : BEPA service aux personnes ou formation équivalente…

En ce qui concerne le ménage, l’utilisation de matériel spécifique, avec des produits particuliers aux milieux sanitaires ou médico-sociaux, doit être appris en complément des acquis antérieurs. Pour les maisons de retraite, il ne peut être question de faire des AS au rabais en formant des ASH aux soins : faire la différence entre l’accompagnement des personnes, la suppléance des actes de la vie courante et l’exercice des soins confiés aux AS est difficile, voire délicat pour ceux qui y participent souvent depuis longtemps.

Lorsque le travail en amont sur le recueil des tâches est réalisé, la distinction entre AS et ASH est réaliste et réalisable : les AS sont davantage tournées vers les infirmières en raison de l’application de l’article R.4311-4 du Code de la Santé publique (CSP)(9), alors que les ASH le sont vers les tâches indirectes de soins : lingerie, blanchisserie, ménage, vaisselle… sans négliger pour autant l’aide apportée à la suppléance des actes de la vie courante comme l’accompagnement à la toilette individuelle, l’aide aux repas, etc.

Les actes de la vie courante

Cette participation aux actes de la vie courante part d’un constat simple : un parent assure à la maison ces mêmes actes pour un enfant malade ou handicapé ou tout bonnement en bas âge par exemple. Ce raisonnement est étayé par un avis du Conseil d’État concernant le médicament(10). D’une manière générale, on pourrait dire que les actes de vie courante sont ceux accomplis par une personne seule à la maison et ne présentant pas de difficultés particulières ni un apprentissage spécifique. On peut ajouter qu’ils sont les actes banals et répétitifs de la vie.

Ces actes de la vie courante peuvent être accomplis, lorsque la personne en est empêchée durablement ou non de les assurer seule, par toute personne qui en est chargée et qui est suffisamment informée des gestes d’aide à apporter et des circonstances dans lesquelles elle peut le faire, compte tenu que la personne à aider se trouve en institution.

C’est un point qui distingue très nettement le rôle des ASH en milieu sanitaire et leur rôle en milieu médico-social où les mots “confort des malades”(11) prennent tout leur sens.

La qualité

Penser qualité de la prestation en excluant les ASH est naturellement une hérésie : la qualité de la prestation du service se mesure aussi à la propreté des locaux. Quel plan d’amélioration continue de la qualité pourrait exclure de l’analyse de la prise en charge des soins le service rendu par les ASH ? La procédure de certification va d’ailleurs regarder le résultat obtenu mais également la progressivité de la méthode, alors qu’elle s’intéressera assez peu à la personne à l’origine de l’action, hors actes réglementés bien sûr.

La qualité de la prestation dans l’entretien des locaux, et plus généralement sur les tâches assurées par les ASH, participe à l’image de l’unité mais plus encore à la prévention des infections nosocomiales. Il y a à la fois une qualité dans l’accueil et une reconnaissance à la part qu’elles prennent à la qualité des soins.

Le secret

La notion de secret partagé, même si elle n’est pas écrite de cette façon dans le texte, est issue de la loi du 4 mars 2002, codifiée au 3e alinéa de l’article L.1110-4 du CSP. Cette notion détermine que deux professionnels de santé peuvent : « sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d’assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l’ensemble de l’équipe ».

Dans le milieu médico-social, l’article L.121-6-2 du Code de l’Action sociale et des familles (CASF) a prévu les mêmes dispositions (issues de la loi du 5 mars 2007): « Par exception à l’article 226-13(12) du même code, les professionnels qui interviennent auprès d’une même personne ou d’une même famille sont autorisés à partager entre eux des informations à caractère secret, afin d’évaluer leur situation, de déterminer les mesures d’action sociale nécessaires et de les mettre en œuvre. […]Le partage de ces informations est limité à ce qui est strictement nécessaire à l’accomplissement de la mission d’action sociale. »

Du point de vue juridique, il ne fait pas obstacle que l’ASH ait connaissance de secrets touchant la vie du résident ou du malade, pour ce qui est nécessaire à son activité dans les unités. Pour aller plus loin, la notion d’équipe développée dans le CSP est intéressante puisqu’elle associe sans distinction les professionnels en vue de la prise en charge. Dans le CASF, le développement de l’équipe est sous-tendu par la notion du coordonnateur qui figure dans l’alinéa précédant celui cité.

La représentation professionnelle des ASH

Dès l’instant où les directions des soins sont appelées à avoir un rôle prépondérant dans l’affectation des personnels dont les ASH et que les ASH assurent des tâches fondamentales dans l’hygiène ou dans l’accompagnement des personnes – ce qui est un lien évident avec les activités des soins – il faut se poser la question de la représentation des ASH dans l’institution, en particulier à l’hôpital dans la commission des soins où sont débattus des points du travail des ASH. Compte tenu du fonctionnement en collège, il peut être envisagé un collège des ASH, certes modeste, qui peut jouer un rôle dans l’organisation du travail et dans le contenu des tâches des agents.

Les ASH sont mis à côté de l’organisation des soins mais cela n’a pas toujours été le cas(13). Les affectations sont parfois celles des directions des soins, parfois celles de la DRH en milieu hospitalier, au gré des organigrammes. L’évolution réglementaire qui consacre un seul statut particulier aux corps ASH et AS est peut-être une chance pour les ASH d’obtenir une place et une reconnaissance dans l’organisation des soins et de la prise en charge, particulièrement avec des définitions de fonctions suffisamment souples pour s’adapter à toutes les situations rencontrées. Ce point de vue est largement renforcé par le regard froid posé sur le fonctionnement des équipes, les objectifs qualité, la formation initiale attendue et le partage du secret professionnel. Ce qui est demandé n’est pas de propulser les ASH dans les métiers des personnels de santé – ils n’en ont ni la vocation ni les compétences(14) – mais bien de structurer l’équipe en y intégrant tous ses membres.

NOTES

(1) L’adjectif “qualifié” est une survivance du temps où il existait deux grades d’ASH dans le corps. Ce nouveau décret aurait gagné à simplifier.

(2) Décret n°91-45 du 14 janvier 1991 modifié, article 12.

(3) Le profil est général à un exercice professionnel, la fiche de poste en étant la déclinaison propre à une personne en particulier, et inclut les objectifs fixés avec l’encadrement permettant l’appréciation annuelle.

(4) Dans notre situation, nous sommes en médico-social puisqu’il n’existe plus de tableau des emplois en sanitaire.

(5) Le corps est constitué des aides-médico-psychologiques (AMP), auxiliaires de puériculture (AP) et des aides-soignants (AS).

(6) Et non des moindres, comme l’AP-HP.

(7) In l’hôpital et ses acteurs, appartenance et égalité, page 144, Belin, Paris, 267 pages.

(8) Ibidem, page 151.

(9) C’est l’article du code qui parle de la coopération entre aide-soignante et infirmière.

(10) Circulaire DGS/PS 3/DAS n°99-320 du 4 juin 1999 relative à la distribution des médicaments.

(11) Même si l’on parle de résidents ou d’usagers en médico-social.

(12) C’est l’article qui définit le secret professionnel dans le Code pénal.

(13) Lire Ivan Sainsaulieu et Jérôme Eggers et all. Les cadres hospitaliers : représentations et pratiques, Lamarre, Rueil-Malmaison, 2008, en particulier dans la partie historique.

(14) Et c’est bien le rôle de la promotion professionnelle.