La recherche, une passion partagée - Objectif Soins & Management n° 184 du 01/03/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 184 du 01/03/2010

 

MARLYNE DABRION

Parcours

Cadre supérieur de santé et docteur en sociologie, Marlyne Dabrion a choisi de vivre une soixantaine active et productive en partageant son enthousiasme pour la recherche avec les étudiants en soins infirmiers. Formatrice en Ifsi, elle souhaite accompagner la profession vers la construction d'une véritable science infirmière.

Marlyne Dabrion, qui a fêté en novembre dernier ses 61 printemps, n'est visiblement pas du genre à prendre une retraite pour le moins méritée. Infirmière depuis 1970, cette grand-mère de cinq petits-enfants a eu pourtant une vie professionnelle et sociale particulièrement bien remplie. « J'ai besoin de travailler pour mon équilibre personnel, je n'ai pas l'intention de m'arrêter de produire. Je prends toujours autant de plaisir à la chose intellectuelle : c'est un excellent exercice de sublimation », explique-t-elle en souriant.

Outre son activité de formatrice à l'Ifsi de la Verrière (78), cette jeune soixantenaire dynamique écrit et continue de préparer ses communications pour les colloques professionnels. Le dernier en date est celui de l'Arsi (Association de recherche en soins infirmiers) où elle est intervenue notamment au sein d'un groupe de travail de docteurs et doctorants infirmiers. « J'accompagne aujourd'hui ce que j'attendais depuis longtemps : une formation universitaire pour les professionnels infirmiers, la reconnaissance de la discipline universitaire des sciences infirmières », ajoute-t-elle.

Titulaire d'un doctorat en sociologie obtenu en 1995, Marlyne Dabrion est responsable, entre autres, du module d'initiation à la recherche pour les étudiants en soins infirmiers. Elle encourage ses étudiants à continuer leurs études universitaires pour leur permettre d'acquérir les capacités d'argumenter leur raisonnement, voire de s'inscrire dans la controverse. « Les infirmières ne doivent plus être considérées comme de simples exécutantes. La profession doit aujourd'hui trouver sa maturité, acquérir et développer sa science infirmière. Les infirmières pourront ainsi accéder à l'ingénierie infirmière au même titre que l'ingénierie médicale pour le médecin ou l'ingénierie pédagogique pour l'enseignant », estime-t-elle.

Deux décennies comme infirmière en psychiatrie

Née et formée en Guadeloupe, Marlyne Dabrion a choisi de devenir infirmière en secteur psychiatrique pour être rapidement autonome, après ses études secondaires. « Je n'ai pas fait infirmière par vocation, mais c'est par vocation que je suis restée dans la profession », précise-t-elle.

Elle occupe son premier poste de soignante au Centre hospitalier spécialisé (CHS) de Saint-Claude en Guadeloupe. Elle se souvient encore de l'apport des infirmières antillaises à côté des psychiatres venus de métropole : « C'était nous qui décryptions, qui comprenions ce qui se passait, explique-t-elle. La dimension magique est encore importante en Guadeloupe, les médecins avaient tendance à prendre pour des délires ce qui pouvait relever de la culture créole. »

Après l'éruption du volcan la Soufrière sur l'île de Basse-Terre en 1976, la psychiatrie guadeloupéenne est réorganisée, l'extra-hospitalier se développe. Intéressée par ce mouvement de réinsertion sociale des patients, Marlyne Dabrion devient «infirmière visiteuse en extra-hospitalier» pour le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre.

Un voyage d'étude au Canada lui donne envie d'aller plus loin dans le développement de ses compétences. « J'avais l'impression que nous étions encore dans le bricolage », se rappelle-t-elle. En 1985, elle passe le concours de l'école des cadres en métropole. Puis elle revient aux Antilles mais reste à son poste d'infirmière visiteuse pour mener à bien son projet, celui de suivre des études universitaires dans le domaine des sciences sociales. Elle travaille à temps plein, elle a deux enfants, et poursuit son cursus universitaire. « Aucun de mes collègues ne comprenait à l'époque pourquoi je me lançais dans une telle aventure, continue-t-elle. Je suis simplement passionnée par l'être humain, sa complexité et ses méandres. »

Après avoir obtenu un DEA en anthropologie, elle se décide à passer une thèse de doctorat à l'université René-Descartes Paris V. Elle trouve alors un poste de cadre de santé à la Fondation Vallée en Île-de-France, ce qui lui permet d'être à proximité de son laboratoire de recherches. Elle sera au total restée pendant vingt-deux ans comme infirmière de terrain, n'hésitant pas à différer sa prise de poste en tant que cadre pour poursuivre ses études.

Des soins à la formation

En 1995, Marlyne Dabrion passe son doctorat de sociologie. Sa thèse a pour thème la santé communautaire en Guadeloupe. On lui recommande de postuler sur un poste de maître de conférences à l'université, mais elle préfère rester dans le domaine infirmier. « Il ne faut pas quitter la discipline lorsqu'on devient «savant». La profession a plus que jamais besoin d'infirmière docteur », insiste-t-elle.

Soucieuse de se distancer de la pratique de terrain, elle s'oriente alors vers la formation en intégrant l'équipe de formateurs de l'Ifsi du Centre hospitalier Esquirol. Elle revient une année plus tard en Guadeloupe, à l'Ifsi du CHU de Pointe-à-Pitre, puis repart dans les services du CHU comme cadre de santé. « Je trouve très intéressant ce va-et-vient entre l'enseignement et le terrain, la pratique et la théorie, comme cela se fait chez nos amies canadiennes », analyse-t-elle. Mais ce balancement entre formation et pratique n'est pas toujours aisé à maintenir.

De retour en métropole en décembre 1998, Marlyne Dabrion ne va plus quitter la formation. Pendant cinq ans, elle travaille à l'Ifsi de l'établissement public de santé de Perray-Vaucluse comme chargée d'enseignement. Nommée cadre supérieur de santé, elle occupe à partir de 2003 le poste de coordinatrice pédagogique, adjointe à la directrice, pour l'Ifsi du CHU de Besançon. Retraitée de la fonction publique hospitalière un an plus tard, la législation alors en vigueur ne lui permet pas de cumuler sa retraite avec un poste à temps plein dans le public.

C'est la raison pour laquelle elle choisit de continuer sa carrière dans un Ifsi privé, en l'occurrence l'Ifsi de l'Institut MGEN de la Verrière en Île-de-France. Elle occupe ce poste depuis janvier 2005. « J'aime toujours autant communiquer à mes étudiants la passion du métier », rappelle-t-elle.

Loin d'être insensible aux difficultés de la profession, la sociologue vient aussi d'écrire un essai critique, Pénurie infirmière, les racines du mal*. Et elle compte se consacrer entièrement à l'écriture d'ici une dizaine d'années.

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