Premier tronc commun pour les cadres de toutes filières - Objectif Soins & Management n° 183 du 01/02/2010 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 183 du 01/02/2010

 

Recherche et formation

PLURIDISCIPLINARITÉ → Et si la gouvernance se penchait sur le potentiel des cadres, quelle que soit leur filière ? La mission menée par Chantal de Singly, basée sur des rencontres sur le terrain, met l'accent sur la nécessité de doter tous les cadres d'une culture commune en termes de management. La Picardie a déjà pris les devants.

Qu'y a-t-il de commun entre un cadre de santé, un cadre administratif, un cadre technique ou un cadre médico-social ? Pas le métier, cela va sans dire, ni la formation, mais un rôle de management qui revêt bien des points communs et une mission commune au sein d'un projet collectif. Pourtant, les frontières entre les cadres de ces différentes filières restent souvent étanches. Sauf entre les cadres soignants de pôle et leurs homologues administratifs. La mission confiée par Roselyne Bachelot-Narquin à Chantal de Singly en février 2009 sur la formation, le rôle, les missions et la valorisation des cadres hospitaliers a offert un «espace des possibles» à tous ceux qui se sentaient concernés par ces thématiques d'encadrement. Notamment Pascal Forcioli, directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Picardie, que ses anciennes fonctions de directeur d'hôpital ont souvent conduit à se pencher sur les questions de gouvernance. « À Eaubonne-Montmorency, j'avais mis en place un conseil des cadres, un peu à l'image d'un conseil des sages, dont la composition était assez représentative de l'ensemble des cadres de l'hôpital entre soignants, médico-techniques, administratifs et logistiques. Les membres étaient des candidats volontaires tirés au sort par collège professionnel. »

ÉCHO

Au moment du lancement de la mission Cadres, à Amiens le 3 avril 2009, le sujet a fait résonner cette expérience. « J'y ai vu l'occasion de faire réfléchir les cadres hospitaliers et j'ai proposé que la Picardie apporte sa contribution aux travaux de la mission nationale », souligne le directeur de l'ARH. Un comité de pilotage, réunissant un directeur de soins, un directeur d'Institut de formation des cadres de santé (IFCS), un médecin et le conseiller technique régional des soins infirmiers, a animé la réflexion régionale en organisant des réunions de cadres dans tous les territoires de santé picards. Quelque 70 cadres volontaires issus de 12 établissements se sont ainsi mobilisés pour cerner et formaliser les attentes des cadres, toutes filières confondues, qui ont été transmises à Chantal de Singly. L'une d'entre elles, le souhait des cadres de bénéficier d'un socle de formation commun, a semblé pouvoir faire l'objet d'une expérience immédiate, que l'ARH pouvait impulser et soutenir.

TRONC COMMUN

Certes, le rapport rendu par la mission Cadres en septembre dernier préconise d'élaborer « un tronc identique, voire commun, à toutes les formations professionnelles de cadres » qui pourrait être dispensé dans des « instituts régionaux de management en santé ». Il serait aussi assorti de « mesures spécifiques » pour les cadres de santé, pour les cadres sages-femmes et pour les attachés d'administration hospitalière*.

Ce tronc commun, selon la mission Cadres, porterait ainsi sur les fondamentaux de la santé publique, les missions des établissements au sein du système de santé ou encore le management stratégique et la prise de décision. Il aborderait également l'environnement institutionnel et organisationnel, économique, juridique et sociologique du monde hospitalier. Les cadres de toutes les filières plancheraient aussi sur l'organisation de l'hôpital, des jeux de pouvoirs et des stratégies des différentes filières en son sein, sur les outils de pilotage et de gestion des ressources humaines, financières, d'analyse de la qualité, etc., ainsi que le management d'équipe.

« Idéalement, ces domaines de formation commune devraient être traités dans des groupes pluriprofessionnels », indique le rapport. Y compris avec les médecins occupant des positions d'encadrement, à la tête de pôles, par exemple.

VERS UNE CULTURE PARTAGÉE

Passionnantes perspectives, mais ces mesures ne sont pas encore adoptées et ne concerneraient que la formation initiale des cadres hospitaliers. Quid alors de ceux déjà en fonction ? Pour eux, la Picardie a mis en place un module commun de quatre jours à l'intention des cadres hospitaliers de toutes filières, destiné à abaisser les frontières entre elles et à développer une culture managériale partagée. Un module financé par l'ARH sur la marge de l'aide à la contractualisation de l'agence pour 2009.

Plusieurs thèmes ont été envisagés par le comité de pilotage comme l'impact de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) sur la place des cadres dans l'organisation hospitalière ou le bien-être au travail, par exemple. Des sujets largement évoqués lors des rencontres régionales de la mission Cadres. La loi HPST aura des implications sur la gouvernance mais aussi sur l'organisation hospitalière territoriale. Et au quotidien, « les cadres se trouvent aussi au coeur d'injonctions paradoxales et ont le sentiment d'être tiraillés entre des logiques différentes, considérées souvent comme opposées : la tarification à l'activité (T2A), le travail d'équipe, la qualité, les attentes des médecins, la pression hiérarchique ou les attentes individuelles, énumère Pascal Forcioli. Comment les cadres peuvent-ils organiser leur propre travail et celui de leur équipe en garantissant un bien-être collectif ? Comment en être à la fois émetteur et récepteur ? »

Accompagner ces changements, faire remonter les difficultés, piloter ces évolutions et en assurer la réussite tout en continuant de donner le cap aux équipes : tels sont les défis que le renforcement et l'harmonisation des compétences managériales des cadres devraient les aider à relever. Pour Anne Fumery, directeur des soins au CHU d'Amiens et membre du comité de pilotage, ce dispositif de formation devrait « permettre aux cadres de rencontrer d'autres professionnels et d'acquérir une vision plus globale, multiprofessionnelle et multicontexte de leur mission, tout en gardant à l'esprit leur coeur de métier. Cela devrait aussi les aider à mieux comprendre les enjeux, à les travailler et travailler leur posture vis-à-vis de ce qui se joue et de prendre du recul par rapport à leur propre fonctionnement ».

QUATRE RENCONTRES RÉGIONALES

La première de ces »rencontres du management des établissements de santé« s'est tenue au CHU d'Amiens le 16 novembre 2009. Elle a été consacrée à la restitution des travaux de la mission de Singly. Devant plus de 200 cadres picards des différents filières, Bernard Verrier, conseiller général des établissements de santé, et Sylvie Lucas, professeur à l'université de Paris-Dauphine, ont présenté les grandes priorités du rapport de la mission, comme par exemple la création de collèges de cadres.

Pour Muriel Legris, cadre supérieur de santé au CHU d'Amiens, ce type de rencontre sera d'autant plus profitable qu'elles porteront sur des thématiques purement axées sur le management. Elles peuvent également « être un temps où l'on appréhende son métier sous un regard différent », ajoute la cadre, qui a beaucoup apprécié une formation pluridisciplinaire suivie il y a plusieurs années sur le thème «être cadre au quotidien». En tant que cadre responsable de pôle, elle a la chance de pouvoir travailler régulièrement avec un cadre administratif, ce qui lui a permis, dit-elle, de mieux appréhender les deux métiers. Mais, ajoute-t-elle, « tous les cadres supérieurs de pôle ne fonctionnent pas comme cela et, pour les cadres de santé, ce n'est pas une chose évidente ». Les responsables de pôles, par la force des choses, ont déjà la possibilité d'approcher les préoccupations des cadres administratifs et des médecins chefs de pôle. Pour Marie-Pierre Evrard, cadre supérieur du pôle de cardiologie au groupe hospitalier sud du CHU d'Amiens, les cadres supérieurs de santé sont rompus au management. Les nouveaux cadres administratifs découvrent un nouveau métier, différent de celui d'attaché d'administration, et la fonction de chef de pôle dévolue aux médecins tranche avec les responsabilités qui leur étaient échues jusqu'à il y a peu, même en tant que chef de service. Reste à acquérir, au niveau des conseils de pôle mais aussi et peut-être surtout à tous les niveaux d'encadrement, une culture managériale commune, accordée avec le contexte des réformes hospitalières en cours ainsi qu'avec le projet d'établissement et le contexte local. « Le fait de bénéficier d'une formation commune serait très intéressant, estime Marie-Pierre Evrard, car cela permettrait d'avoir une culture commune et de mieux connaître les métiers des uns et des autres. »

Fin janvier, une nouvelle rencontre pluridisciplinaire du management était programmée au centre hospitalier de Saint-Quentin (Aisne), moins sur le mode de la présentation que sous forme plénière suivie d'ateliers interactifs restitués en fin de journée. Autour d'un thème très fédérateur : la fonction encadrement.

*Le rapport est consultable sur le site du ministère de la Santé , rubrique Rapports.