Le comité technique d’établissement - L'Infirmière Magazine n° 402 du 01/03/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 402 du 01/03/2019

 

CARRIÈRE

GUIDE

ANNE-GAËLLE MOULUN  

Instance de représentation du personnel, le comité technique d’établissement a un rôle consultatif sur des questions essentielles comme le projet d’établissement, le budget ou encore les conditions de travail.

Par la loi hospitalière du 31 juillet 1991, le comité technique d’établissement (CTE) s’est substitué au comité technique paritaire (CTP) dans tous les établissements publics de santé. Cette instance représentative du personnel est composée de représentants du personnel non médical et présidée par le directeur chef d’établissement.

À l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), aux Hospices civils de Lyon (HCL) et à l’Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), le décret n° 2010-426 du 29 avril 2010 prévoit la création d’un comité technique d’établissement local, soit au sein d’un groupement d’hôpitaux, soit au sein d’un hôpital.

Le champ des missions

• Le CTE est consulté sur des sujets pour lesquels la commission médicale d’établissement (CME) donne son avis. Il s’agit notamment de documents essentiels comme les projets de délibération du conseil de surveillance, les orientations stratégiques de l’établissement – qui seront déclinées dans le projet d’établissement défini sur cinq ans – ou le plan global de financement pluri-annuel. Sont aussi à inscrire à l’ordre du jour un éventuel plan de redressement, les sujets ayant trait à l’organisation interne de l’établissement, aux modalités d’accueil et d’intégration des professionnels et étudiants, à la gestion prévisionnelle des emplois et compétences, ou encore la convention constitutive d’un groupement hospitalier de territoire.

• Dans le champ social et des conditions de travail, d’autres domaines de consultation intéressent le CTE, indépendamment de la CME. Ce sont les conditions et l’organisation du travail dans l’établissement – notamment les programmes de modernisation des méthodes et techniques de travail et leurs incidences sur la situation du personnel –, la politique générale de formation – notamment le plan de formation – ainsi que le plan de développement professionnel continu.

Côté rémunération, le CTE rend un avis sur les critères de répartition de la prime de service, de la prime forfaitaire technique et de la prime de technicité. Il est encore consulté sur la politique sociale, les modalités de la politique d’intéressement ainsi que le bilan social. Enfin, dans le domaine du soin, il s’exprime sur la politique d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques, ainsi que les conditions d’accueil et de prise en charge des usagers et sur le règlement intérieur de l’établissement.

À titre d’exemple, « le CTE a ainsi été consulté sur le projet d’établissement 2018-2023 des HCL qui s’appelle Pulsations, développe Julie Alberny, attachée d’administration hospitalière et responsable du service des affaires statutaires aux Hospices civils de Lyon. Le CTE a également étudié le plan global de financement pluri-annuel 2019-2028 et la présentation de l’état prévisionnel des dépenses pour 2019. Il s’est prononcé sur la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences et, en fin d’année dernière, sur la mise en place du télétravail. Le règlement général sur la protection des données de santé lui a également été présenté, de même que le projet de plan de formation 2019 et le bilan social réglementaire. »

• Le comité est régulièrement tenu informé de la situation budgétaire et des effectifs prévisionnels et réels de l’établissement. Il est aussi informé du contrat pluri-annuel d’objectifs et de moyens ainsi que du budget.

Le fonctionnement

• Le comité technique d’établissement est présidé par le directeur de l’établissement ou son représentant, qui ne dispose pas de voix.

• Une élection professionnelle a lieu tous les quatre ans permettant d’élire les représentants du personnel. Les dernières élections ont eu lieu en 2011, 2014 et fin 2018. À chaque fois, un nouveau texte précise les modalités. Les agents qui peuvent se présenter aux élections sont les agents titulaires, stagiaires ou contractuels de droit public, en poste depuis trois mois. Les organisations syndicales représentatives présentent des listes, en fonction du nombre de sièges à pourvoir – déterminé en fonction de l’effectif de l’établissement (voir encadré) – en nombre égal de titulaires et de suppléants, et avec une répartition égale d’hommes et de femmes.

• L’élection est organisée selon le mode du scrutin de liste. Les électeurs votent à bulletin secret pour une liste sur laquelle ils ne peuvent ni rayer ni ajouter de nom. Les représentants du personnel sont élus à la représentation proportionnelle. Les sièges de représentants titulaires restants éventuellement à pourvoir sont attribués suivant la règle de la plus forte moyenne.

• La durée du mandat des représentants du personnel est fixée à quatre ans. Ce mandat est renouvelable. Toutefois, lorsqu’un CTE est créé ou renouvelé entre deux renouvellements généraux, les représentants du personnel sont élus pour la durée du mandat restant à courir jusqu’au renouvellement général.

À noter : au sein du CTE, certains représentants du personnel sont élus pour siéger à d’autres instances. Par exemple, à la commission médicale d’établissement. De même, un autre siège à la commission des usagers. Enfin, un représentant de la CME siège au CTE, sans pour autant disposer de voix. « Il y a des passerelles entre les différentes commissions », affirme Julie Alberny.

• Le CTE se réunit au moins une fois par trimestre, sur convocation et à l’initiative de son président ou sur demande écrite d’au moins la moitié des représentants du personnel. « Cela peut, par conséquent, occasionner des réunions supplémentaires ponctuellement », souligne Julie Alberny. Dans ce dernier cas, le CTE est réuni dans un délai de quinze jours. Le comité ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres ayant voix délibérative sont présents lors de l’ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n’est pas atteint, une nouvelle réunion est organisée dans un délai de huit jours. Le comité siège alors sur le même ordre du jour, quel que soit le nombre de membres présents.

• L’ordre du jour est fixé par le président. Doivent notamment y être inscrites les questions entrant dans la compétence du comité dont l’examen a été demandé par la moitié au moins des représentants titulaires du personnel. Les dossiers qui vont être présentés au comité sont transmis aux représentants du personnel quinze jours avant la séance. Ils doivent alors préparer ces dossiers pour pouvoir faire leurs observations et voter après un débat en séance.

• Des experts peuvent être convoqués à l’initiative du président du CTE ou à la demande de membres titulaires du comité, afin qu’ils soient entendus sur un point inscrit à l’ordre du jour. Les experts n’ont pas voix délibérative. Ils ne peuvent assister qu’à la partie des débats relative aux questions motivant leur présence sans pouvoir participer au vote. Lorsque l’ordre du jour du comité comporte des questions intéressant l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail, le médecin du travail assiste avec voix consultative à la réunion du comité.

• Un secrétaire de séance est élu à chaque renouvellement du CTE. Un procès-verbal de chaque séance est établi et signé par le président et le secrétaire. Les avis sont émis à la majorité des suffrages exprimés.

Un avis, et après ?

• Lorsqu’un projet ou une question recueille un vote défavorable unanime de la part des représentants du personnel, membres du comité, le projet ou la question fait l’objet d’un ré-examen et une nouvelle délibération est organisée dans un délai qui ne peut être inférieur à huit jours et supérieur à trente jours.

• Les avis et vœux sont communiqués au conseil de surveillance de l’établissement et portés à la connaissance de tout le personnel par voie d’affichage dans les quinze jours. Chaque membre du CTE est informé par communication écrite de son président, dans les deux mois, des suites données aux avis formulés.

Repères

La composition des CTE

Art. R. 6144-42 du code de la santé publique :

Pour les établissements de santé, le comité technique d’établissement comprend, outre le directeur de l’établissement ou son représentant, président, les représentants du personnel suivants :

1- Dans les établissements de moins de 50 agents : 3 membres titulaires et 3 membres suppléants ;

2- Dans les établissements de 50 à 99 agents : 4 membres titulaires et 4 membres suppléants ;

3- Dans les établissements de 100 à 299 agents : 6 membres titulaires et 6 membres suppléants ;

4- Dans les établissements de 300 à 499 agents : 8 membres titulaires et 8 membres suppléants ;

5- Dans les établissements de 500 à 999 agents : 10 membres titulaires et 10 membres suppléants ;

6- Dans les établissements de 1 000 à 1 999 agents : 12 membres titulaires et 12 membres suppléants ;

7- Dans les établissements de 2 000 agents et plus : 15 membres titulaires et 15 membres suppléants.

SAVOIR PLUS

→ Code de la santé publique, articles L. 6144-3 à L. 6144-5 et R. 6144-40 à R. 6144-85.

→ Décret n° 2011-584 du 26 mai 2011 relatif au CTE des établissements publics de santé.

→ Décret n° 2014-822 du 18 juillet 2014 relatif au CTE des établissements publics de santé.

INTERVIEW

AMÉLIE ROUX adjointe à la responsable du pôle ressources humaines de la Fédération hospitalière de France (FHF)

Quelles sont les différences entre le comité technique d’établissement (CTE) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ?

• Dans les deux cas, ces comités sont composés de représentants élus. Néanmoins, il y a un enjeu sur les conditions de travail très concret au CHSCT, alors qu’il y a une dimension plus stratégique en termes de pilotage de l’établissement au CTE. Même si les ordres du jour peuvent se recouper, il y a une dimension financière au CTE, qui n’existe pas du tout en CHSCT. L’étude du projet d’établissement est également propre au CTE. Par ailleurs, CTE et CHSCT émettent des avis consultatifs. Cependant, le CHSCT a des pouvoirs propres issus du code du travail comme celui de solliciter une expertise sur un projet sur lequel il ne s’estime pas suffisamment éclairé, qui suspend la mise en œuvre du projet.

Que se passe-t-il lorsque le CTE est en désaccord avec le directeur de l’établissement ?

• Il y a des sujets qui sont soumis pour avis, d’autres pour information. Les premiers restent un simple avis. Néanmoins, cet avis étant obligatoire et cette instance un lieu de dialogue, les chefs d’établissement en tiennent compte. De plus, lorsqu’un projet fait l’objet d’un vote unanimement défavorable, il doit être représenté, après un délai d’au moins huit jours et de maximum un mois. Souvent, il y a un dialogue préalable permettant de cibler les éléments ayant conduit à un avis négatif. Le projet doit être représenté avec des explications. Ce principe de réexamen permet de dire : si tous les représentants du personnel sont opposés au projet, on invite la direction à prendre en considération les remarques formulées par les organisations syndicales, voire à amender et modifier le projet. Après, tout dépend du dialogue social propre à chaque établissement. Certains n’ont jamais de vote unanimement contre.

Quel est l’avenir des CTE à l’intérieur des groupements hospitaliers de territoire ?

À ce stade, au niveau des organisations représentatives du personnel, il existe les conférences territoriales de dialogue social, dans lesquelles il n’y a pas de vote. Pour l’instant, elles n’ont pas pour vocation de supplanter les CTE. Tant que les établissements restent des entités à part entière, il reste un CTE par établissement.

Propos recueillis par Anne-Gaëlle Moulun