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L'infirmière Magazine n° 402 du 01/03/2019

 

INSERTION PROFESSIONNELLE DES IDE

ACTUALITÉS

À LA UNE

HÉLÈNE COLAU  

Même si les infirmières restent mieux loties que la plupart des autres professions hors santé, les délais pour trouver un emploi stable s’allongent et le chômage continue de grimper.

Une dégradation lente mais continue. En 2013, 74 % des jeunes diplômées ont trouvé leur premier emploi en moins d’un mois, alors que ce taux était de 85 % pour les IDE de la promotion 2007, selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée fin janvier.

« L’insertion professionnelle reste très aisée, nuance Yannick Croguennec, chargé d’étude à la Drees. C’est un peu moins bien que les autres métiers de santé de niveau II, comme les kinésithérapeutes, mais bien mieux que les métiers de même niveau hors santé. » En effet, si la moyenne dans la santé est désormais de 80 % des jeunes diplômés en emploi au bout d’un mois, pour les autres secteurs, ce chiffre tombe à 51 %. Trois ans après le diplôme, la qualité d’insertion des IDE reste bien supérieure à la moyenne : leur temps passé en emploi était de 95 % pour les diplômées de 2013 (98 % pour celles de 2007). Et 78 % d’entre elles avaient signé un CDI. Ce qui ne semble plus très évident dans un contexte de mutation de l’emploi infirmier (lire encadré p. 8). Désormais, 73 % des jeunes diplômées commencent par un emploi temporaire (CDD, intérim, contrat aidé…), un taux proche de celui observé dans les autres secteurs. À noter que la moitié d’entre elles débutent leur carrière dans le secteur public et 38 % sont employées du secteur privé. Les primo-sortantes connaissent plus souvent la précarité que les post-initiales, qui ont déjà connu des périodes d’emploi, note l’étude. Ces dernières ne sont que 62 % à passer par des contrats temporaires, sans doute grâce à leur expérience - la moitié d’entre elles travaillaient déjà dans le domaine de la santé auparavant, comme agent de service hospitalier, aide-soignante, auxiliaire de puériculture ou bien ambulancière.

De plus en plus d’infirmières

Comment expliquer ces difficultés à s’insérer - toutes relatives il est vrai - et l’accroissement de la précarité ? D’abord, les jeunes IDE sont de plus en plus nombreuses : en 2017, on comptait 26 000 nouvelles diplômées, soit 88 % de plus qu’en 2000. Le nombre d’infirmières augmente donc de 3 % par an, contre 0,6 % pour l’ensemble des professions. « Cette tendance devrait se poursuivre dans les prochaines années, à un rythme qui diminuerait toutefois progressivement pour s’établir à 2 % par an jusqu’en 2020, puis à 1 % par an jusqu’en 2040, dans l’hypothèse que les comportements actuels et la législation en vigueur se maintiennent », prévoit la Drees. Cette évolution est liée à la hausse des quotas d’entrée en formation de soins infirmiers, mais aussi à une meilleure adéquation entre ces quotas et le nombre d’élèves inscrites… et à un taux de réussite en progrès, plus de 83 % des inscrites ayant obtenu leur diplôme en 2013, contre 76 % les six promotions précédentes. « La hausse démographique commence à entraîner des difficultés d’emploi, déplore Jean-Marc Aubert, directeur de la Drees. Si ça continue comme ça, dans cinq à dix ans, le taux de chômage des infirmières pourrait se rapprocher de celui de la population générale. » À ce jour, on en reste assez loin : fin 2017, seules 4,2 % des infirmières étaient inscrites à Pôle emploi. Mais le nombre de soignantes de catégorie A, B et C au chômage a pourtant quadruplé depuis 2000, avec une accélération plus marquée depuis 2010 (+ 186 % entre 2010 et 2017), selon les statistiques du marché du travail. « Cela s’explique par le flux de nouveaux entrants qui n’est plus compensé par des sortants depuis 2010 », explique Yannick Croguennec. Les demandeurs d’emploi ne representent cependant que 3,6 % des effectifs d’IDE en activité en 2017.

Plus préoccupante encore, la progression du chômage de longue durée : fin 2017, 30 % des infirmières demandeuses d’emploi étaient inscrites depuis plus d’un an, alors qu’elles n’étaient que 19 % dans ce cas fin 2009. La tendance pourrait cependant s’inverser dans les prochaines années. « On prévoit encore une hausse du nombre d’infirmières mais la demande de soins va aussi augmenter avec le vieillissement des baby-boomers, qui commence à peine, analyse Muriel Barlet, sous-directrice de la Drees. Le rapport entre l’offre et la demande devrait complètement changer. Une réduction des quotas d’entrée en Ifsi n’est donc pas d’actualité. »

PERSPECTIVES

L’exercice libéral a le vent en poupe

Alors que les opportunités d’embauche se réduisent, l’exercice libéral, lui, est en pleine expansion. D’après une autre étude de la Drees, présentée elle aussi fin janvier, les effectifs des infirmières libérales ont augmenté de 7 % par an entre 1999 et 2017, contre 5 % pour l’ensemble de la profession.

Les raisons de cet engouement ? « On ne peut pas exclure une corrélation avec les nouvelles organisations de soins, notamment le développement de l’ambulatoire, mais c’est surtout parce que le nombre de postes salariés augmente moins vite que celui des infirmières », analyse Muriel Barlet.

Autre élément d’explication : l’étude montre que trois ans après l’obtention du diplôme, les infirmières libérales déclarent des revenus de 28 % supérieurs à ceux des salariées, ce qui rend ce mode d’exercice plus attractif.

Les bénéfices de cette hausse démographique commencent déjà à se faire sentir, puisqu’il est de plus en plus facile de trouver une libérale près de chez soi, d’après la Drees, qui estime que leur accessibilité a augmenté de 2,3 % entre 2016 et 2017.

En effet, grâce à une meilleure répartition géographique des soignantes, l’écart d’accessibilité entre les 10 % de Français les mieux dotés et les 10 % les moins bien lotis a diminué de 17 % entre 2013 et 2017.

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