LA CHIMIOTHÉRAPIE SE MET AU VERT - L'Infirmière Magazine n° 400 du 01/01/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 400 du 01/01/2019

 

ONCOLOGIE

ACTUALITÉS

COLLOQUES

ISABEL SOUBELET  

Le colloque « Soigner les terriens : sauver la planète » a mis à l’honneur la création d’un passeport pour une chimiothérapie responsable. Un outil au cœur de l’éco-conception des soins.

Le colloque « Soigner les terriens : sauver la planète », organisé par l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH), le 30 novembre dernier au Palais des papes d’Avignon (84), a mis en lumière de nombreux retours d’expériences, dont la création d’un passeport pour une chimiothérapie responsable. Depuis maintenant trois ans, les ANFH Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), dont les missions sont d’accompagner les établissements et agents de la fonction publique hospitalière dans leurs démarches de formation, mènent un projet sur la responsabilité sociétale des établissements (RSE). Grâce à l’accompagnement de l’agence Primum Non Nocere, spécialisée dans le développement durable en santé, une vingtaine d’établissements des deux régions ont mis en place des actions concrètes. Plusieurs d’entre eux, mais aussi d’autres hôpitaux en France, sont venus témoigner lors du colloque régional.

Les soins, autrement

« Notre démarche est d’être plus pertinents dans les soins, en étant moins toxiques pour les patients et la planète, et plus économes, explique Valérie Moulin, médecin en oncologie digestive, au service d’onco-hématologie du CH de La Rochelle. L’éco-conception des soins vient en enrichir la pertinence. Le service d’oncologie et d’hématologie est pourvoyeur de molécules cytotoxiques dans l’espace public. Il n’est bien sûr pas question d’arrêter de faire des chimiothérapies car nous n’avons malheureusement pas d’autres traitements pour essayer de traiter les cancers. Mais il faut essayer de minimiser l’impact que l’on a, à la fois sur les patients, leur famille et la nature. Nous avons donc décidé de leur remettre, depuis septembre, un passeport pour une chimiothérapie éco-responsable. »

Le document, sous la forme d’un éventail coloré, écrit avec un ton humoristique, reprend neuf éco-gestes à connaître. Cela concerne l’élimination des produits de chimiothérapie, l’hygiène des toilettes, les rapports sexuels, le lavage des mains, les contacts avec les personnes fragiles dans les quarante-huit heures suivant le traitement, la relation avec des animaux… Dans un premier temps, le passeport a été présenté aux équipes du service qui compte 50 soignants - IDE et AS - lors de trois sessions différentes afin de toucher le maximum de personnes. Depuis l’introduction du passeport, une réunion hebdomadaire permet de répondre aux questions qu’il peut susciter.

Le rôle de l’infirmière

Sur le terrain, ce sont les infirmières qui sont aux commandes pour en parler. En effet, après la première consultation d’annonce où le médecin rencontre le patient, lui explique sa pathologie et le protocole à suivre, c’est l’infirmière qui aborde le sujet lors de la seconde consultation d’annonce. « J’ai introduit le passeport à la fin, après une heure d’échanges, précise Béatrice Ivars, IDE dans le service depuis onze ans, et en consultation infirmière depuis sept ans. Je l’ai intégré assez vite et cela m’a paru logique. Il n’est pas possible d’aborder, matériellement, tous les items, donc j’adapte mes propos en fonction de l’environnement du patient, du climat de confiance qui s’est établi et de sa capacité à recevoir les informations. De nombreuses personnes prennent d’elles-mêmes certaines précautions et globalement, l’information est bien acceptée. »

Pour Aurélie Pla-Pinaud, IDE de-puis cinq ans, l’approche a été moins facile. « J’ai commencé la consultation infirmière en septembre, en même temps que le lancement du passeport, explique-t-elle. Cela faisait beaucoup d’informations à donner à la fois et je me demandais comment aborder le sujet. Désormais, je présente le passeport à la fin de la consultation en fonction de l’intérêt qu’il peut susciter. » Dans tous les cas, le patient repart à son domicile avec le document. Il pourra revenir sur le sujet et poser des questions plus tard. L’instauration du passeport pour une chimiothérapie responsable a pu se faire grâce à un travail d’équipe et à l’implication des médecins, cadres, IDE et AS. Par ailleurs, depuis avril 2018, le service a généralisé les dosages génétiques pour l’utilisation du 5-FU avant l’administration de la chimiothérapie. Cette adaptation de la dose de chimiothérapie réduit les effets secondaires chez les patients et diminue la quantité de chimiothérapie utilisée. « Faire de l’éco-conception des soins, ce n’est pas forcément faire des économies mais c’est être dans le bon usage », conclut Valérie Moulin.