Suivi après la pose d’une stomie - L'Infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

Sylvie Martin-Metayer est IDE stomathérapeute dans les services de chirurgie digestive et urologique du groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph. Elle prend régulièrement en charge des patientes atteintes d’endométriose pelvienne nécessitant la mise en place d’une stomie digestive provisoire. Retour d’expérience.

L’annonce de la création d’une stomie est vécue par ces jeunes patientes comme une atteinte majeure à leur intégrité corporelle et entraîne généralement un moment de sidération et une grande angoisse face à laquelle il importe de leur fournir rapidement un éclairage rassurant et des réponses aux questions qu’elles se posent. C’est la raison pour laquelle je suis amenée à les rencontrer, soit immédiatement après que le chirurgien leur a expliqué les modalités de la chirurgie et la nécessité de recourir à la stomie, soit après un temps de réflexion.

→ Dans un premier temps, je contrôle ce qu’elles ont retenu et compris et corrige si nécessaire. J’explique, à l’aide de photos, en quoi consiste la stomie et leur présente l’appareillage en leur expliquant qu’il évoluera en fonction du changement de consistance des selles.

→ Quelques jours avant l’hospitalisation, je procède au tatouage de l’emplacement de la future stomie pour qu’elle soit facile d’accès pour les patientes. Je les avertis toutefois que le chirurgien sera peut-être amené à choisir un autre emplacement au décours de la chirurgie.

→ Pendant l’hospitalisation, en lien avec les IDE du service, elles apprennent à changer le matériel et à réaliser les soins de la stomie afin de conserver une peau péristomiale saine lors du retour à domicile : toilette à l’eau du robinet et au savon non coloré, non parfumé ; découpe de l’appareillage à la forme exacte de la stomie ; pose sur une peau parfaitement sèche. L’ETP a également pour but de leur donner des conseils en matière d’hygiène (pas de bain le premier mois, changement systématique de poche après la douche…), d’habillement (éviter les vêtements qui compriment pour permettre à la poche de se distendre) et de vie quotidienne (avoir toujours un appareillage de rechange sur soi lorsqu’elles quittent le domicile). Nous attirons leur attention sur les points de vigilance qu’elles devront surveiller une fois rentrées chez elles :

- état de la peau : elle doit être sans irritation et saine (me revoir en cas de rougeurs ou de brûlures) ;

- aspect de la stomie : me revoir en cas de prolapsus de la stomie ;

- consistance des selles et leur fréquence : en moyenne elles vident la poche entre trois et six fois par jour. Si le débit global quotidien est supérieur à 1 l par jour, et la consistance des selles liquide, il y a un risque de déshydratation. Elles doivent alors modifier leur alimentation ou nous contacter pour pouvoir, après avis médical et prescription, prendre un médicament ralentisseur de transit ;

- prévention de la déshydratation : pour éviter ce risque, elles doivent boire au minimum 1,5 à 2 l par jour. Au-delà de 700 ml de selles, nous leur conseillons de boire une eau riche en sel, en bicarbornate et en potassium (Vichy Saint-Yorre, par exemple) pour compenser la perte en sels minéraux.

L’ETP comprend aussi un volet sur l’alimentation que j’aborde en lien avec la diététicienne. C’est un point important en termes de confort pour la patiente car c’est l’alimentation qui permet de réguler le transit et d’éviter que le débit des selles soit trop important. En général, nous leur recommandons de démarrer durant les trois premiers jours avec une alimentation à base de riz, pâtes, semoule, pommes de terre, viande, poisson, œufs à volonté sans aucune crudité, et des biscottes plutôt que le pain. Ensuite, elles peuvent réintroduire des légumes cuits tendres et peu fibreux (endives, courgettes, carottes, betterave cuites) puis progressivement, un peu de haricots verts cuits extra fins, du pain blanc (le pain complet est déconseillé car les céréales ne sont pas digérées et sont accélérateurs de transit), des fruits cuits (compotes, fruits au sirop, pomme au four) et en fruit cru, de la banane. Les laitages (yaourt ou fromage à pâte cuite) sont réintroduits en fonction de ce qu’elles ont l’habitude de consommer. Si tout se passe bien et qu’elles ne sont pas dérangées par un excès de vidange, elles réintroduisent des fruits crus et éventuellement des crudités en adaptant en fonction de la tolérance de chacune.

Au-delà de cet accompagnement, lorsqu’au moment de l’ablation post-opératoire de la sonde vésicale, la vidange de la vessie est incomplète, je participe à l’apprentissage des autosondages. Ceux-ci doivent être réalisés au minimum deux fois par jour et parfois après chaque miction pour éviter tout risque de résidu post-mictionnel susceptible de s’aggraver au décours de la journée. Transitoires, dans la majorité des cas, ces autosondages post-opératoires durent en moyenne un mois.

À la sortie, les autosondages ajoutent aux contraintes de la stomie et compliquent le retour à domicile. Ils peuvent justifier une sortie assistée, soit avec une Idel, soit en hospitalisation à domicile, pour accompagner les femmes et les aider à s’autonomiser dans leurs soins. Lorsqu’elles quittent l’hôpital, les selles sont souvent liquides et elles seront équipées d’une poche vidangeable par un robinet. Ensuite les selles deviennent plus consistantes (texture “compote”) et il sera plus confortable qu’elles aient une ouverture plus large ce qui nécessite de changer le modèle de poche. Personnellement, je préconise un système en deux pièces qui permet de changer la poche une fois par jour sans changer le support collé à la peau. Celui-ci peut ainsi n’être remplacé que tous les trois à quatre jours. En général, je les revois après une semaine pour adapter l’appareillage puis un mois après la sortie pour faire le point et renouveler l’ordonnance de matériel. Toutefois, je reste à leur disposition à tout moment tant qu’elles sont appareillées. »

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’unités d’enseignement et extraits :

→ UE 2.2 S 1 : « Cycles de la vie et grandes fonctions » : les grandes fonctions, aspects anatomiques et physiologiques (compétence 4) ;

→ UE 2.3 S 2 : « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » : la maladie chronique, notion de chronicité, caractéristiques, adaptation à la maladie à long terme, conséquences sur la qualité de vie (compétence 1) ;

→ UE 2.11 S 1 : « Pharmacologie et thérapeutiques » (compétence 4) ;

→ UE 4.1 S 1 : « Soins de confort et de bien-être » : concepts de bien-être selon les contextes et les cultures : dignité, pudeur, intimité (compétence 3) ;

→ UE 4.6 S 3 : « Soins éducatifs et préventifs » : les concepts éducation, prévention, éducation en santé, éducation thérapeutique, apprentissage (compétence 5) ;

→ UE 4.6 S 4 : « Soins éducatifs et préventifs » : élaborer une démarche d’éducation thérapeutique en interdisciplinarité (compétence 5) ;

→ UE 5.1 S 1 : « Accompagnement de la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens » (compétence 3) ;

→ UE 5.2 S 2 : « Évaluation d’une situation clinique » : analyser une situation de santé et de soins, poser des hypothèses (compétence 1).