Quelle attitude adopter face à une collègue à la personnalité dite « difficile » ? - L'Infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 399 du 01/12/2018

 

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

LISETTE BOUVET-BURGAT*   Anne-Gaëlle Moulun**  


* psychologue clinicienne
et psychologue du personnel
aux Hospices civils de Lyon (HCL)

Les situations conflictuelles au travail sont monnaie courante. Néanmoins, parfois, elles sont dues à une collègue à la personnalité « difficile », dont le comportement et le mode de communication peuvent perturber le collectif de travail. Apprendre à bien gérer la situation peut aider à retrouver des relations de travail harmonieuses.

La notion de personnalité « difficile » peut recouvrir de nombreuses réalités. Elle peut être de mauvaise foi, répandre des rumeurs, être agressive, impulsive, manipulatrice, fabulatrice… Cela peut aussi être une personne « psychorigide », qui veut appliquer sans discernement le protocole ou la règle à la lettre. Cela peut également être une personnalité plutôt caractérielle, réagissant sur le registre du passage à l’acte plus ou moins violent comme mode d’expression. « Il y a aussi celles qui, peut-être blessées ou en quête inassouvie de signes de reconnaissance, ont opté pour une forme de renoncement aigri, celles qui viennent pour « taffer » comme elles disent, faire leurs heures ou leur travail a minima, sans plus aucun « cœur à l’ouvrage » ; elles sont souvent très critiques de tout et de tout le monde. Celles-là font souffrir, car elles démotivent leurs collègues et tirent souvent les autres vers le bas, en mettant également l’encadrement en grande difficulté », analyse Lisette Bouvet-Burgat. Enfin, il y a la personnalité manipulatrice, voire perverse, qui cherche à mettre les autres petit à petit sous sa domination.

Que faire face à…

→ Une collègue agressive ?

« Certaines personnes manifestent leur colère par des vociférations ou des attitudes menaçantes. Il faut se protéger et essayer de garder son calme, recommande Lisette Bouvet-Burgat, psychologue du personnel aux HCL. On peut lui dire tranquillement : « Je pense que ce type de communication n’est pas adapté à la situation. Je vois bien que vous êtes en colère, je peux entendre les critiques, mais parler fort n’a jamais permis de mieux comprendre les choses ni de faire avancer quelque situation que ce soit » ou « Je veux bien remettre en question ma façon de faire, nous pouvons nous parler calmement ». » Ensuite, on peut rechercher un compromis dans une posture adulte/adulte. Il faut d’abord écouter l’autre et reformuler : « Est-ce que j’ai bien compris ce que tu me reproches ? Qu’est-ce que je peux faire pour faire évoluer la situation ? »

→ Une collègue qui répand des rumeurs ?

« Un des outils pour bien communiquer est peut-être le pacte de non-agression : s’interdire toute communication qui aurait pour intention de nuire à l’autre, de l’humilier ou de se venger. Couper court si quelqu’un colporte des rumeurs sur une collègue, conseille Lisette Bouvet-Burgat. Et répondre soit “Pourquoi me dis-tu ça” ou encore “Tu sais, je n’ai pas pour habitude de médire de mes collègues”. » Cela permet de se dégager de ce processus, de ne pas l’alimenter avec toutes les conséquences possibles.

→ Une collègue manipulatrice ? Pour gérer une collègue experte en techniques de manipulation et en communication paradoxale, il convient de prendre conscience que, quelle qu’elle soit, elle n’a aucune légitimité à agir de façon violente. Il convient de faire état du paradoxe dans lequel nous nous retrouvons. On peut lui dire « Stop, je n’ai pas à subir ce genre de situation » et essayer de sortir du “triangle dramatique” sauveur-victime-persécuteur en prenant conscience du mécanisme et en s’en dégageant avec différentes « clés » en fonction de chacune des positions.

LES BONNES PRATIQUES

→ Tout dépend de la situation mais voici quelques conseils pour bien réagir face à une collègue difficile :

- garder son calme et respirer ;

- se protéger ;

- écouter et reformuler ;

- sortir du « non-dit » ;

- sortir de la justification ;

- se dégager du fond et travailler la forme, le mode de communication en question ;

- identifier et réguler ses émotions ;

- travailler l’affirmation de soi ;

- identifier ses besoins et les exprimer ;

- apprendre à dire « non » ;

- poser ses limites ;

- se décentrer et relativiser, poser la question de la « gravité ».

→ Se faire aider, accompagner pour se mettre à distance et travailler le « lâcher-prise ».

→ Si la situation est trop difficile et n’évolue pas, s’échapper, demander à changer de service, de roulement.

Législation

→ Les faits de harcèlement moral sont définis et interdits par la loi. Il s’agit de « propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une personne, d’altérer la santé physique ou mentale de celle-ci ou de compromettre son avenir professionnel ».

Ces comportements, punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, peuvent être dénoncés par lettre à l’employeur ou au médecin du travail.