FORMATION REVUE DE LA LITTÉRATURE
Infirmier, service
de réanimation
chirurgicale
polyvalente -
CHU Nantes
Dans les services de réanimation, la ventilation mécanique via une sonde endotrachéale fait partie des soins couramment prodigués. Une sonde endotrachéale est composée d’un tube comportant un ballonnet à son extrémité trachéale. Ce ballonnet permet d’éviter les fuites d’air autour de la sonde endotrachéale lors de l’insufflation par le ventilateur.
Le ballonnet permet également d’éviter l’inhalation de sécrétions comme la salive voire du contenu gastrique. En effet, l’inhalation de ces sécrétions riches en bactéries est le mécanisme principal de l’infection nosocomiale la plus fréquente chez le patient de réanimation : la pneumonie acquise sous ventilation mécanique (PAVM)(1). Éviter que le ballonnet soit sous-gonflé est donc une des principales mesures de prévention de la PAVM(2).
Le ballonnet ne doit pas non plus être gonflé à une pression trop importante au risque de compromettre la perfusion sanguine de la trachée, entraînant la redoutée ischémie de la muqueuse trachéale voire du cartilage trachéal responsable de sténose trachéale séquellaire(3).
Ainsi, il est recommandé d’ajuster la pression du ballonnet de la sonde trachéale (Pballonnet) entre 20 et 30 cm H2O, à l’aide d’un manomètre. Cependant, il n’existe pas de recommandation sur la fréquence des contrôles de la Pballonnet.
Alors que les toutes dernières recommandations communes des Société françaises d’anesthésie-réanimation (Sfar) et Société de réanimation de langue française (SRLF) datant de 2017(4), suggèrent seulement « le contrôle régulier » de la Pballonnet, les pratiques infirmières dans ce domaine retrouvent le plus souvent un contrôle à chaque changement d’équipe, soit toutes les huit ou douze heures.
Cette revue de la littérature vise donc à recenser les fréquences de vérification de la pression du ballonnet permettant de maintenir une pression entre 20 et 30 cm H2O.
L’identification des mots-clés nécessaires à l’interrogation des bases de données a été réalisée par la méthode PICO (patient, intervention, compare to, outcomes) :
- P : ventilation mécanique, pression ballonnet, sonde endotrachéale ;
- I : contrôle, prévention, infirmière ;
- C : non adapté ;
- O : pneumonie acquise sous ventilation mécanique.
Le site HeTop permet ensuite de traduire ces mots-clés en anglais et d’en retrouver les synonymes parmi la liste de MeSH (Medical SubHeading), les mots-clés reconnus par la base de données Pubmed après indexation par les bibliothécaires (ce qui peut prendre plusieurs mois après la parution de la revue). Comme les articles récents ne sont pas indexés avec des MeSH, il faut toujours ajouter une recherche avec des mots-clés standards.
L’équation de recherche, qui est une façon d’agencer les mots-clés entre eux, devient donc :
(((Respiration, Artificial[MeSH]) OR (endotracheal intubation[MeSH])) AND (« pressure » [MeSH])) AND (((« cuff » [Title]) OR (Respiration, Artificial) OR (endotracheal intubation)) AND (« pressure cuff »)))
Un filtrage par date a été nécessaire pour limiter le nombre d’articles. Comme les recommandations dataient de 2005, nous avons choisi de ne conserver que les publications datant de moins de quinze ans. La sélection a ensuite reposé sur la lecture des titres, puis des résumés, et enfin la lecture complète des articles retenus.
Les critères d’inclusion des articles étaient :
- article disponible en texte intégral ;
- article paru depuis quinze ans soit après 2003.
Les critères de non-inclusion étaient :
- l’utilisation de techniques médicales (fibroscopie, dosage, mesure in-vitro…) pour mesures indirectes de la pression ;
- article abordant uniquement les pneumonies acquises sous ventilation mécanique (PAVM) ;
- article pédiatrique.
Nous avons obtenu dix articles, cinq issus de la littérature médicale et cinq de la littérature infirmière, mais nous n’avons pas trouvé d’articles ayant testé les niveaux de pression recommandés. Pour autant, toutes les recommandations proposent d’ajuster la pression entre 20 et 30 cm H2O.
Un premier recommandait l’utilisation de manomètres dédiés à la mesure de la Pballonnet(5) et une autre étude testait la capacité des soignants et médecins à évaluer cette Pballonnet par palpation manuelle de la partie externe du ballonnet. Seuls 10 % des professionnels parvenaient à évaluer correctement la Pballonnet dans l’intervalle des 20-30 cm H2O recommandé(6). L’utilisation d’un manomètre est donc plus sécurisante pour la surveillance de la Pballonnet.
Par ailleurs, une variation de cette Pballonnet était décrite au cours de la journée(7). Ainsi, lors de mesures continues, seuls 19 % des ballonnets avaient une pression dans l’intervalle recommandé. Deux articles expliquaient ces variations par les changements de position du patient(8,9) lors des soins d’hygiène et de prévention de l’altération cutanée. Deux autres articles montraient qu’un contrôle toutes les huit heures permettait de conserver la Pballonnetdans l’intervalle recommandé par rapport à une mesure moins régulière(10). Cependant, le deuxième montrait que trop de contrôles affectaient aussi la mesure de la pression(11).
D’autre part, plusieurs programmes de formation ont fait l’objet d’évaluations et ont montré qu’après la sensibilisation, les résultats sur le maintien de la Pballonnet étaient meilleurs(12). Les programmes de formation dédiés aux équipes de réanimation devraient donc inclure un module sur la prise en charge des ballonnets.
Enfin, des dispositifs permettant un contrôle continu de la Pballonnet ont fait l’objet d’évaluations, certaines toujours en cours(13). Une récente méta-analyse concluait à un léger bénéfice, sur le respect des pressions recommandées, du contrôle continu sur le contrôle intermittent sans pour autant être significatif sur le nombre d’épisode de PAVM(14).
Il semble que l’utilisation d’un manomètre dédié à cette mesure et qu’un contrôle toutes les huit heures soient deux actions efficaces pour maintenir la Pballonnet dans l’intervalle visé par les recommandations. Ces mesures s’ajoutent à celles déjà recommandées de contrôler la Pballonnet avant et au retour d’un transport intra-hospitalier(15).
Néanmoins, les résultats de cette revue de littérature ne permettent pas de connaître la fréquence de surveillance la plus efficace pour maintenir le ballonnet d’une sonde d’intubation dans l’intervalle des 20 à 30 cm H2O recommandés. Le contrôle de la Pballonnet étant du rôle sur prescription, les soignants pourraient s’emparer de cette problématique.
Les publications paramédicales sont encore trop peu nombreuses comparées à l’abondance des articles médicaux. Des travaux de recherche clinique dans ce domaine sont donc nécessaires pour asseoir la surveillance de la pression du ballonnet sur des données probantes.
Dans le domaine des soins infirmiers aux patients sous ventilation mécanique en réanimation, l’utilisation des données probantes pour fonder la pratique des soins infirmiers doit être encouragée. Elle garantit au patient des soins de qualité et situe les professionnels comme acteurs principaux de la prévention des PAVM. La lecture de cette littérature de synthèse est donc une réelle chance pour les infirmiers d’actualiser leurs connaissances.
CHAQUE MOIS, UNE INFIRMIÈRE RÉALISE UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE À PARTIR D’UN QUESTIONNEMENT SUR SA PRATIQUE ET VOUS LIVRE LE RÉSULTAT DE SES RECHERCHES.
EN PARTENARIAT AVEC : LA COMMISSION NATIONALE DES COORDONNATEURS PARAMÉDICAUX DE LA RECHERCHE
L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
COORDINATION :
VALÉRIE BERGER
IDE, Ph. D., cadre supérieure de santé, coordonnatrice de la recherche en soins CHU de Bordeaux, membre de la CNCPR. valerie.berger@ chu-bordeaux.fr
EMMANUELLE CARTRON IDE, Ph. Ds., coordonnatrice de la recherche en soins CHU de Nantes, membre de la CNCPR. emmanuelle.cartron@ chu-nantes.fr