Les activités nocturnes font leurs preuves - L'Infirmière Magazine n° 398 du 01/11/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 398 du 01/11/2018

 

FORMATION

FOCUS

Chrystelle CROITOR  

Cadre de Santé de nuit, Hôpital Sainte-Périne (AP-HP)

Un programme d’animations de nuit pour patients souffrant de la maladie Alzheimer et apparentée, développé et mis en place à l’hôpital Sainte-Périne à Paris, a porté ses fruits. Il a fait l’objet d’un programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP). Démonstration.

Né d’une réflexion commune avec les équipes de nuit, le programme d’animations de nuit a été développé et mis en place à l’hôpital Sainte-Périne (AP-HP), à Paris. Les résultats positifs obtenus en termes de prise en charge des patients méritaient d’être étudiés dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP).

Le projet a reçu le trophée « mieux vivre à l’hôpital-gériatrie », en 2016. Il a, en outre, retenu l’attention du Gérond’If, le Gérontopôle d’Île-de-France, qui, dans le cadre de sa mission générale d’améliorer les pratiques professionnelles, l’organisation des soins et la prise en charge des personnes âgées, aura en charge la coordination opérationnelle et scientifique ainsi que la valorisation du projet.

Présentation

→ Le PHRIP a pour titre « Étude contrôlée randomisée en stepped wedge, multicentrique de l’impact d’un programme d’animations nocturnes sur l’incidence des chutes graves des patients âgés souffrant de démence, en institution, avec une déambulation nocturne aberrante ».

→ L’objectif principal serait d’évaluer l’impact d’un programme d’activités occupationnelles nocturnes sur la fréquence des chutes graves chez des patients âgés souffrant d’une maladie d’Alzheimer ou apparentée, avec des comportements de déambulation, hébergés en institution.

→ Les objectifs secondaires seraient d’évaluer l’impact de ce même programme d’activités sur :

• l’état de santé du patient et ses modalités de prise en charge : le recours aux psychotropes/hypnotiques en prescription conditionnelle ou en urgence la nuit ; la fréquence et durée des périodes de déambulation ; la qualité du sommeil ; l’acceptabilité ;

• les conditions de travail des soignants : la charge de travail et les contraintes psycho-organisationnelles ; le stress lié aux soins.

Hypothèse de la recherche

Nous formulons l’hypothèse qu’un programme d’animations nocturnes permettrait une diminution du risque de chute nocturne ou diurne, en canalisant les épisodes de déambulation des malades âgés souffrant d’une maladie d’Alzheimer ou apparentée et vivant en institution.

→ Outre la réduction du risque de chute chez ces patients, l’étude s’intéressera aux modifications induites sur leur prise en charge, notamment une réduction du recours aux psychotropes pouvant contribuer à une meilleure vigilance diurne et une réduction de risque de chute en journée.

→ Le projet a pour but d’évaluer les bénéfices d’un programme d’activités occupationnelles nocturnes selon un cadre méthodologique rigoureux et sera ainsi la première étude de haut niveau de preuve concernant l’impact des animations nocturnes en institution chez des malades âgés souffrant d’une démence avec déambulation.

→ Une étude pilote a été menée à l’hôpital Sainte-Périne sur le site Chardon-Lagache, en 2014. Elle concernait 90 lits sur trois niveaux, avec un secteur de soins de suite et réadaptation psycho-gériatriques, des secteurs d’hébergement renforcé, de soins de longue durée, et une unité cognitivo-comportementale. Les patients sont très âgés, souffrent en général d’une maladie d’Alzheimer ou apparentée, et sont dépendants pour l’essentiel des activités de la vie quotidienne. Des espaces fermés permettent une déambulation libre des patients. L’équipe de nuit compte six soignants pour 90 patients. Au moins l’un des soignants regroupe les patients déambulants dans un espace déterminé dans lequel du menu matériel est disponible pour les animations qui sont proposées. Les autres soignants peuvent ainsi effectuer les soins planifiés et urgents de tous les autres patients, sous la forme de tours de soins, sans être confrontés simultanément à la difficulté de superviser la déambulation libre de patients.

→ L’animation nocturne a pour résultat observé de pallier les errances tout en protégeant le repos des autres patients qui dorment. Cette prise en charge non médicamenteuse a permis de mettre le patient en confiance et de l’apaiser. Les activités occupationnelles nocturnes favorisent la sérénité des patients. Cette expérience clinique révèle qu’il est possible de stabiliser un patient déambulant grâce au travail d’une équipe coordonnée. Les soignants assurent un accompagnement permettant aux pa-tients de s’abandonner au sommeil lorsque le besoin se fait sentir. Ainsi, ils bénéficient véritablement de la prise en compte de leurs besoins nocturnes.

Les perspectives

La participation à des activités d’animations nocturnes permettrait ainsi une diminution du risque de chute grave des patients et donc des traumatismes et fractures afférents. Cette prise en charge alternative devrait aussi conduire à une réduction de l’usage de médicaments neurotropes, notamment de somnifères, et de la contention physique. Une meilleure qualité de vie du patient est également possible. Les autres bénéfices attendus portent sur l’adhésion des soignants à un processus de bientraitance et une réduction des contraintes psycho-organisationnelles des soignants, à même de limiter l’absentéisme en majorant leur satisfaction et motivation au travail. Cette organisation, transposable dans divers types de structure gériatrique, permettra d’optimiser la prise en charge difficile des patients souffrant d’une démence et déambulant la nuit.