Pourquoi soigne-t-on ? - L'Infirmière Magazine n° 397 du 01/10/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 397 du 01/10/2018

 

CRITIQUE

RENDEZ-VOUS

L’espace pro

Dominique Barbier  

Psychanalyste

→ Cadre supérieur de santé, Jacky Merkling participe à la formation et est auteur du Soin en santé mentale et de L’infirmier en santé mentale, aux éditions Seli Arslan. Chacun le sait : il existe une antinomie entre la qualité des soins et la rigidité des contraintes institutionnelles ou l’impact des restrictions budgétaires, qui risque de dénaturer la valeur humaine ajoutée du soin. Pourtant, l’objectif d’un soin de qualité est toujours au programme et la plupart des soignants la revendiquent. Il s’agit à la fois d’un effort personnel et d’un travail d’équipe. Individuellement, la relation de soin se fonde sur le transfert. Le patient, du fait de sa dépendance, peut régresser et rejouer au contact des soignants quelque chose de la relation avec ses figures parentales. Les craintes par rapport au pronostic, la souffrance ou la perte des repères engendrent souvent des attentes qui parasitent la relation d’aide. Il est préférable de bien connaître certaines formes de passivité, d’agressivité, de dépendance ou d’érotisation, pour ne pas être pris au dépourvu. Même si elles sont gênantes, ces réactions nécessitent de la part du soignant une attitude contenante pour ne pas tomber dans le piège d’une contre-attitude inadaptée. Le soignant ne doit pas réagir en fonction de ce que le patient provoque en lui mais à partir de ses besoins, c’està- dire en réajustant le mode réactionnel pour améliorer la relation. Inclure le patient dans la réalité du service peut, d’une certaine façon, favoriser la reconnaissance d’une instance tierce. Les récriminations du malade peuvent être une façon d’éviter de se centrer sur ce qu’il ressent. Être un soignant « suffisamment bon » suppose d’adapter le plus possible les réponses, de développer ses compétences, d’accepter un retour sur soi et, finalement, d’aimer son métier et s’y épanouir. Mais il ne faut pas oublier, par ailleurs, que l’état psychique et émotionnel du soignant, sa vie privée, le climat général du service, les rapports avec les collègues ou la hiérarchie participent pour beaucoup à la qualité des soins. Ce qui revient régulièrement à se poser la question : pourquoi soigne-t-on autrui ? Némésis médicale, vocation névrotique, volonté de pouvoir, nécessité de se soigner par projection ? Tout soignant devrait s’interroger sur ces pièges dans la relation à l’autre et être au clair sur la furor sanandi (volonté de guérir) qui peut se cacher derrière un altruisme affiché !

Jacky merkling, Les fondements de la relation de soin, Éd. Seli Arslan, Paris, 208 p.