LE PLAISIR EST DANS L’ASSIETTE - L'Infirmière Magazine n° 394 du 01/06/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 394 du 01/06/2018

 

ALIMENTATION

ACTUALITÉS

FOCUS

Isabelle Jarjaille  

En janvier dernier, le CHU de Rennes a lancé une nouvelle offre alimentaire. Une démarche autour de deux objectifs : miser sur la qualité des produits et des repas, et soutenir le tissu économique local.

La réflexion a débuté il y a deux ans. « Nous avons voulu nous réapproprier nos achats alimentaires, en nous associant aux CH de Lorient et Vannes, qui avaient déjà cette politique d’achats locaux sur certains produits », explique Anne Gerbeau, responsable du département logistique et de l’hôtellerie au CHU de Rennes. À ses côtés, François Michel, responsable de la restauration, abonde : « L’idée, c’était de remettre en question nos pratiques sur la restauration. » En cause, selon eux ? Une réputation désastreuse du CHU en matière d’alimentation. Ce que confirme Véronique Tourillon, cadre de santé en pneumologie : « C’était un sujet récurrent : les questionnaires de fin de séjour étaient éloquents ! » Un point pourtant essentiel dans le parcours de soin : « Face à un cancer, par exemple, bien manger est nécessaire, ajoute-t-elle. Or, pour cela, il faut donner envie au patient ! »

C’est à partir de cette réflexion, menée avec les médecins nutritionnistes, que le service restauration a souhaité revoir sa politique d’achat. Avec un autre objectif en tête : « Nous sommes le plus gros employeur de Bretagne, souligne Anne Gerbeau. Nous avons aussi un rôle économique à jouer vis-à-vis du tissu local. »

Des critères stricts

Le service lance donc une étude de marché en prospectant les fournisseurs locaux. Et décide de passer par le groupement national pour les produits génériques (riz, pâtes, céréales, etc.) et d’utiliser les économies réalisées pour acheter des produits locaux sur la base de trois critères : produit fabriqué dans un rayon de moins de 250 km ; produit en Bretagne ; issu d’un circuit court, avec le minimum d’intermédiaires. C’est ce dernier critère qui donne le plus de points lors de l’appel d’offres, avec celui de la sécurisation de l’approvisionnement. « Par exemple, on avait le choix entre un producteur de yaourts à Fougères, près de Rennes, et un autre dans le Morbihan, explique Anne Gerbeau. Mais celui de Fougères ne pouvait pas assurer nos besoins : 700 yaourts nature par jour. » C’est donc Ker Ronan, laiterie artisanale dans le Morbihan, qui a obtenu le marché pour quatre ans.

Pour Véronique Tourillon, les patients ont vu la différence : « On mise sur la qualité : le yaourt fermier au lait entier est meilleur. On a testé auprès des patients, ils apprécient la différence ! » En revanche, la contrainte de sécurité de l’approvisionnement en grande quantité limite, pour le moment, les produits bio. « Nous travaillons avec des labels de qualité, note François Michel. Je préfère un produit local de qualité plutôt qu’une tomate bio d’Espagne ! »

Mais le service restauration ne veut pas s’arrêter là. Après la révision de sa politique d’achat, il s’attaque à la préparation des plats avec du fait-maison. Une offre qui sera généralisée d’ici 2019. « Nous avions un problème avec ces barquettes toutes prêtes, assure François Michel. Cela ne donne pas envie et aboutissait parfois à des accords absurdes entre la viande et l’accompagnement ! » Désormais, le plat sera présenté dans une barquette unique, préparée en cuisine : « Nous avons investi deux millions d’euros pour rééquiper la cuisine, et avons simplement formé nos cuisiniers(1). Désormais, ils achètent de la viande fraîche qu’ils cuisinent. Il a fallu optimiser l’espace en utilisant des méthodes de cuisson longues de nuit, par exemple », poursuit le responsable de la restauration. De quoi redorer l’image – et le goût – de l’assiette !

1- Le CHU emploie 140 ETP pour la restauration, dont 30 cuisiniers.

EN CHIFFRES

Rythme annuel au CHU :

→ 1 695 000 repas dont 2/3 repas patients

→ 36 fournisseurs dont 42 % locaux, à moins de 250 km

→ 2 % de produits bio

→ 80 000 litres de lait pasteurisé

→ 250 000 yaourts nature

FINANCEMENT

Le coût de la démarche

Si le CHU de Rennes consacre 4 millions d’euros par an à ses achats alimentaires, le budget n’a pas évolué avec la nouvelle politique d’achat.

« Cela ne doit pas coûter plus cher, explique Anne Gerbeau, responsable du département logistique et de l’hôtellerie. L’idée, c’est de faire des économies en supprimant les intermédiaires. »

Si elle n’est pas encore en mesure de produire un bilan chiffré, elle estime pourtant qu’elle tiendra l’objectif fixé.