Faire face à la mort - L'Infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018

 

PROTOCOLES

DOSSIER

Accompagner la fin de vie, être soutenu (e) en cas d’événements violents… La mort qui survient la nuit a une place particulière pour les soignants.

Si la nuit est propice à tant d’angoisses, c’est que l’obscurité et le calme font un écho insidieux à la mort. Inévitable dans certains cas, combattue à tout prix dans d’autres, voire traumatisante pour les équipes, elle fait l’objet d’une attention particulière. « La nuit, l’accompagnement de fin de vie était particulièrement riche, se rappelle Camille, qui a travaillé pendant neuf ans dans un service de réanimation adulte. On prenait le temps avec le patient, on respectait les différentes religions, les rites. On faisait un travail dévolu en journée aux équipes du funérarium : chercher les vêtements choisis par la famille, habiller le défunt, présenter le corps aux proches. J’ai vécu des moments très forts. » Elle se souvient notamment avoir eu le temps, avec ses collègues, de proposer de faire un shampoing à une patiente coiffeuse. « Comme le service était calme, on a pris le temps de soigner ses cheveux au milieu de la nuit. Quand je suis revenue travailler deux jours plus tard, elle était décédée. Je suis contente d’avoir pu aider à préserver sa dignité. »

Dans d’autres services, des protocoles particuliers sont mis en place pour permettre aux infirmières de réagir, même en effectif réduit. « On accorde une attention spéciale aux patients qui ont des pensées suicidaires, témoigne Marjorie, IDE dans un hôpital psychiatrique. La nuit, les angoisses sont exacerbées. »

Trouver les renforts nécessaires

Au CHU de Bordeaux (33), dans les pôles pédiatrie et obstétrique-reproduction-gynécologie, une ligne téléphonique spéciale relie les services à une équipe de réanimation pédiatrique, où un médecin est présent. « Ils arrivent en quelques instants pour prendre en charge l’urgence, qu’elle soit liée à un enfant, un parent ou un soignant », explique Caroline-Annie Martin, cadre de nuit. Auprès des personnes âgées, des expérimentations d’équipes renforcées font mouche. « On propose de plus en plus aux personnes âgées de rester chez elles ou dans leur Ehpad jusqu’au bout. Il faut que du personnel soignant soit disponible pour les accompagner dans leur fin de vie, même la nuit », estime Sylvie Le Meur, directrice de l’Adssid 95(1). Son Ssiad(2) propose des soins de nuit depuis 2007, notamment dans cet objectif. Depuis 2013, des IDE sont affectées par l’Adssid dans des Ehpad, un appui bienvenu pour les AS (lire p. 24).

Soutien psychologique

Après le décès d’un patient, il faut encore composer sans toutes les équipes présentes en journée. « La nuit, il n’y a pas de brancardiers pour aller au dépôt mortuaire. Mon rôle est de trouver des aides-soignantes disponibles pour prêter main-forte », détaille Corinne Monteverdi, cadre de nuit en soins généraux au CH de Troyes (10). Et quand la mort est traumatisante, en pédiatrie notamment, l’encadrement s’assure que le personnel bénéficie du même dispositif de soutien que les équipes de jour. « En cas d’événement compliqué qui survient de nuit, on organise des réunions sur le temps de travail des agents. Le médecin, la cadre de proximité, la psychologue du travail se rendent disponibles sur ce temps inhabituel pour eux », témoigne ainsi Caroline-Annie Martin.

1- Association pour le développement des services de soins infirmiers à domicile.

2- Service de soins infirmiers à domicile.

SÉCURITÉ

Et en cas d’agression, la nuit ?

La nuit, quand l’hôpital se vide, il y a également moins de personnes pour réagir en cas d’agression. « Apaiser les patients ou les proches qui s’énervent, ça fait partie des missions des cadres de nuit », explique Caroline-Annie Martin. Les services d’urgences, qui ont des équipes plus étoffées, peuvent aussi être des appuis précieux.

Mais si le personnel est isolé, il faut imaginer d’autres solutions. « Je dispose d’un système de protection du travailleur isolé, raconte Marjorie, IDE en psychiatrie. C’est une sorte de talkie-walkie qui détecte la position horizontale. Je peux aussi l’actionner si je me sens en danger. Une autre équipe de soignants et la sécurité interviennent très rapidement. »

Dans le centre de réadaptation de Lay-Saint-Christophe (54), il n’y a que deux binômes IDE/AS la nuit. « Mais les parkings et les portes sont fermés dès 20 h 45. La sonnette est reliée à un interphone et il y a des caméras de surveillance », détaille Anne-Cécile Petit, cadre du service de rééducation neurologique.