Des évolutions législatives - L'Infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 392 du 01/04/2018

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

La loi du 2 février 2016 dite Claeys-Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie renforce la loi Leonetti de 2005. Elle crée le droit à la sédation profonde et continue. Trois points développés ci-après visent à améliorer les conditions du « mourir en France ».

1. LE PRINCIPE D’AUTODÉTERMINATION RENFORCÉ

Refus de traitement

L’article 5 de la loi énonce : « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement ». « Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité », et doit assurer le suivi du malade en dispensant des soins palliatifs.

Directives anticipées

D’après l’article 8, pour le cas où elle ne pourrait plus s’exprimer, chaque personne peut rédiger ses volontés concernant sa fin de vie, en termes de « […] conditions de la poursuite, de la limitation, de l’arrêt ou de refus de traitement ou d’acte médicaux ». Ces directives anticipées sont « révisables et révocables ».

• Elles « s’imposent au médecin », qui se doit de les respecter, sauf dans deux situations :

1°) « […] en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation… » L’urgentiste met en place les traitements et actes médicaux pour sauvegarder la vie. La réanimation entreprise peut aboutir à un arrêt des traitements de suppléance vitale si les directives anticipées s’y opposent.

2°) « …et lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. » Exemple d’une personne qui précise dans ses directives anticipées qu’elle ne souhaite pas vivre en dépendant d’une machine pour respirer : en cas de détresse respiratoire en lien avec une grippe, une suppléance respiratoire pourra être mise en œuvre temporairement pour passer l’épisode aigu avec un sevrage progressif. Il s’agira d’une suppléance transitoire, et non permanente, puisque la personne n’en aura plus besoin passé ce pic aigu.

• Dans le cas où le médecin ne souhaite pas suivre les directives anticipées, conformément aux deux situations particulières prévues par la loi, il doit suivre une procédure collégiale, décrite dans le décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 : il doit consulter l’équipe soignante, un autre médecin sans lien hiérarchique, la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou un proche à même de témoigner des volontés du malade. Après ces concertations, il prend sa décision et l’argumente par écrit dans le dossier du patient.

• Les directives anticipées doivent comprendre : les nom, prénom, date et lieu de naissance de l’auteur, la date de rédaction et la signature. Si la personne n’est pas en capacité d’écrire, elle est assistée de deux témoins. Ce document doit être conservé afin d’être aisément accessible au médecin. Il peut être réalisé sur papier libre mais il existe des modèles comme celui de l’HAS 1. Peu de personnes utilisent ce dispositif : est-il si simple d’anticiper ce que l’on refuserait si notre vie était en jeu ?

Personne de confiance

Selon l’article 9 : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant […]. » La proposition de désigner une personne de confiance est obligatoire en structure de soins, mais la désignation n’est pas obligatoire. Elle se fait par écrit et est cosignée par la personne désignée. La personne de confiance « rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. » Elle doit être consultée avant toute intervention ou investigation si le patient ne peut plus exprimer sa volonté ou recevoir des informations. En tant que porte-parole, il est important de bien nuancer le fait que ce n’est pas l’avis personnel de la personne de confiance qui est recherché, mais l’avis du malade.

2. L’OBSTINATION DÉRAISONNABLE CLARIFIÉE

L’article 2 énonce : « Les actes (traitements et soins) ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. » Les critères pour juger du caractère déraisonnable sont : les actes « inutiles », « disproportionnés » ou « lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Il n’est pas possible d’établir une liste de ce qui est déraisonnable. Chaque situation doit être examinée dans sa singularité : il peut être raisonnable pour M. X. de réaliser des transfusions régulières qui limitent sa fatigue, sa gêne respiratoire et lui permettent de maintenir une activité avec sa famille ; tandis qu’il peut être déraisonnable d’envisager le même traitement pour M. Y. qui n’en ressent pas de bénéfice. Le questionnement doit se faire au cas par cas. La personne concernée est la plus à même de témoigner de ce qui est raisonnable ou non pour elle-même. Si elle n’est pas en capacité de le faire, c’est vers les directives anticipées, la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou un proche que le médecin se tournera pour recueillir son témoignage.

Nutrition et hydratation artificielles

L’article 2 précise que « la nutrition et l’hydratation artificielles (administration par sonde ou cathéter par voie entérale ou parentérale) constituent des traitements qui peuvent être arrêtés », dans le cadre d’une obstination déraisonnable. Jusque-là, l’hydratation et la nutrition étaient dans le champ du soin. Considérées comme traitements, il faudra donc, selon leurs finalités, questionner leur mise en œuvre, leurs poursuites ou encore leur arrêt.

La limitation ou l’arrêt de traitement

Si une personne malade est hors d’état d’exprimer sa volonté (en cas d’inconscience ou de démence par exemple), et qu’un questionnement apparaît sur l’intensité et les objectifs des soins, la limitation ou l’arrêt de ceux-ci ne pourra être décidé par le médecin qu’à l’issue d’une « procédure collégiale définie par voie règlementaire ». Il doit se référer aux directives anticipées si elles existent et consulter la personne de confiance ou, à défaut, la famille ou un proche. Il doit également se concerter avec les membres de l’équipe de soins et prendre l’avis motivé d’au moins un médecin consultant sans lien hiérarchique. Le médecin en charge du patient peut alors prendre une décision « éclairée » de limitation ou d’arrêt de traitement. L’ensemble de la procédure, les avis recueillis et la décision prise devront être notés et argumentés dans le dossier médical du patient par le médecin. Il doit enfin informer la personne de confiance, à défaut la famille ou l’un des proches, « de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement ».

3. LA LUTTE CONTRE LA SOUFFRANCE : DES DROITS RENFORCÉS

• Selon l’article 1 : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. » « Tous les moyens » signifie : traitements, actes de soins, approches spécifiques telles que soutien psychologique, prise en compte de la spiritualité, accompagnement et soutien des proches, recherche du meilleur lieu de prise en soins possible, etc.

• L’article 4 reprend le principe de double effet (bénéfice attendu d’un traitement versus risques encourus) : « Le médecin met en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie. Il doit en informer le malade, […] la personne de confiance […], la famille ou, à défaut, un des proches du malade. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. » Face à une souffrance ressentie et jugée intolérable par le patient malgré tous les moyens envisagés et/ou mis en œuvre, le médecin doit proposer un traitement visant à supprimer la souffrance physique et/ou psychique, même s’il a conscience que ce traitement peut réduire la durée de vie. L’objectif étant bien de supprimer la souffrance, et non de supprimer le souffrant.

La sédation profonde et continue

L’article 3 inscrit la sédation profonde et continue comme un nouveau droit pour les patients : « À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants : 1°) Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable, et dont le pronostic vital est engagé à court terme, présente une souffrance réfractaire aux traitements ; 2°) Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.

• Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionné à l’article L. 1110-5-1 (article 2 de la loi), dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie.

• « La sédation profonde et continue associée à une analgésie prévue au présent article est mise en œuvre selon la procédure collégiale définie par voie réglementaire, qui permet à l’équipe soignante de vérifier préalablement que les conditions d’application prévues aux alinéas précédents soient remplies. » Même s’il s’agit de la demande du patient, une procédure collégiale est obligatoire. Elle consiste en une concertation entre le médecin et les membres de l’équipe de soins et au moins un autre médecin, consultant, sans lien hiérarchique entre eux. L’objet de cette concertation est de vérifier que les critères sont respectés. À noter que « l’ensemble de la procédure suivie est inscrite au dossier médical du patient ».

Si le terme de sédation n’apparaissait pas dans la loi jusqu’en 2016, cette pratique était néanmoins utilisée dans le cas de souffrance réfractaire. La Sfap, en 2009, avait établi des recommandations sur la sédation pour détresse en phase terminale dans les situations spécifiques et complexes. Après la promulgation de la loi dite Claeys-Leonetti, des groupes de travail se sont constitués au sein de la Sfap pour produire de nouvelles recommandations et des fiches repères, afin d’aider les professionnels dans la mise en œuvre d’une sédation. Malgré la diffusion par les médias des remaniements de la loi, le contenu de celle-ci semble encore peu connu, tant par les soignants que par le grand public. Le terme sédation a été médiatisé mais sa définition n’a pas été explicitée, laissant libre cours à des représentations diverses.

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