Un geste solidaire - L'Infirmière Magazine n° 391 du 01/03/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 391 du 01/03/2018

 

FINANCEMENT PARTICIPATIF

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

Sandrine LANA  

La Cagnotte des proches, nouvelle plateforme de « crowdfunding », sert à financer des soins non remboursés ou des à-côtés pour le patient et sa famille.

J’ai grandi avec une sœur handicapée et j’ai été confrontée à des familles en manque de structures d’accueil, qui se sont brisées à cause des coûts des thérapies et de psychomotricité durs à assumer », raconte Anne-Sophie Roturier, ex-infirmière bourlingueuse, qui s’est posée il y a trois ans à Aix-en-Provence. Son idée : une plateforme en ligne de financement participatif consacrée à la solidarité dans le soin. Une problématique qu’elle découvre lors d’un séjour aux États-Unis avec son mari, développeur de logiciels commerciaux dans le secteur de la santé. « Recourir à la solidarité des proches est courant outre-Atlantique, où le reste à charge pour les familles est souvent très élevé », déplore-t-elle. En France, si la couverture sociale protège davantage, ce reste à charge était estimé en 2016 à 16,5 milliards d’euros, soit 8,8 % de la CSBM(1).

De retour en France, Anne-Sophie Roturier et son mari lancent La Cagnotte des proches et ont, à ce jour, accompagné une cinquantaine de projets : financement d’une thérapie alternative, aménagement d’une chambre pour de jeunes autistes, collecte de fonds pour une course en faveur des enfants d’un hôpital… « À travers mon métier d’infirmière, j’ai été au plus près de ces familles. J’ai pu sentir leur isolement, leur sentiment d’injustice. Cette plateforme est une manière de m’engager, pour tenter de remettre de l’humanité là où j’estime qu’il y en a pas assez… »

Raconter leur histoire

Mettre en place un financement participatif se réfléchit en amont, autour d’un projet bien défini. Nathalie Gueguen a lancé, à la fin de l’été dernier, une cagnotte via cette plateforme pour financer l’achat d’une voiture aménagée pour son fils Johann, atteint du locked-in syndrom après un accident de voiture qui s’est produit il y a cinq ans. « Nous avions déjà lancé une cagnotte qui n’avait pas trop fonctionné. Pour que cela marche, il faut expliquer aux gens pourquoi on demande de l’argent », recommande-t-elle. Et c’est là qu’intervient Anne-Sophie Roturier : chaque plateforme de financement proposant d’accompagner le porteur de projet, elle réalise un travail rédactionnel minutieux pour chaque cagnotte : « J’essaie de raconter leur histoire quand ce n’est pas possible pour eux de l’écrire. » Installée en région Paca, l’ancienne infirmière se déplace à la rencontre des familles ou les contacte pour organiser une collecte à leur image. « Ils nous suivent durant la mise en ligne des vidéos et des messages sur les réseaux sociaux, pour que l’on ait un maximum de partages », poursuit Nathalie Gueguen.

Il faut, pour cela, mobiliser une communauté, d’abord de proches puis plus large. Dans le cas de la famille Gueguen, il a fallu expliquer l’isolement de leur fils dans son corps… « Il utilise un fauteuil qui a été financé grâce à la Maison départementale des personnes handicapées et au Fonds de solidarité(2). Ce pendant, l’ambulance n’est pas équipée pour le transporter », explique sa maman. D’où l’objet de sa cagnotte : faciliter le quotidien de Johann, l’aider à sortir du centre ou à aller voir un match de foot…

« On accepte environ huit projets de collecte sur dix », explique Anne-Sophie Roturier. Sa plateforme mise sur la mobilisation d’un réseau de proximité composé, en premier lieu, de la famille et des amis. « Tout résulte de l’investissement que va mettre le “cagnotteur” dans sa collecte de fonds. Quand la famille ou le malade ouvre une cagnotte mais qu’aucune action ne suit, on ne peut malheureusement pas faire grand-chose », poursuit-elle. L’équipe, composée de trois bénévoles, oriente alors les participants vers d’autres associations et fait marcher son réseau : « Lorsque la famille ou le malade remuent ciel et terre mais que les dons n’arrivent pas, on a encore plus envie de se battre avec eux. Dans ce cas, on peut faire appel à des associations locales et à des clubs privés – type Lions club ou Rotary – pour essayer de sensibiliser à cette collecte. »

Encore peu connue, la plateforme de crowdfunding fera peau neuve dans les prochains mois pour devenir plus attractive et continuer à soutenir des financements pour des patients en mal de soutien.

1- Consommation de soins et de biens médicaux. Source : www.viepublique.fr.

2- Le Fonds de solidarité a été supprimé le 31 décembre 2017.

EN PRATIQUE

Comment ça marche ?

Pour percevoir légalement les dons, les familles doivent créer une association autour du patient. « Cela permet aussi de défiscaliser le don », explique Anne-Sophie Roturier. À l’instar d’autres sites de financement participatif, La Cagnotte des proches prélève une commission d’environ 4 %, pour des frais bancaires et de fonctionnement. En cas d’échec du financement, la somme recueillie est restituée aux donateurs ou la cagnotte est prolongée.