ECZÉMA, JE TE PLAQUE ! - L'Infirmière Magazine n° 391 du 01/03/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 391 du 01/03/2018

 

DERMATOLOGIE

SUR LE TERRAIN

TRANSMISSIONS

Sandrine Compain*   PR Smaïl Hadj-Rabia**   Hélène Dufresne***  


*puéricultrice
**dermatologue
***coordinatrice des programmes d’éducation thérapeutique en dermatologie, hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP)

Depuis 2011, le service de dermatologie de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) propose un programme d’éducation thérapeutique à destination des jeunes patients atteints de dermatite atopique sévère et à leurs familles. Des ateliers individuels et collectifs qui aident à la compréhension de la maladie et de sa chronicité.

On a vu plusieurs dermatologues avant d’avoir un diagnostic d’eczéma. On nous a fait essayer tout un tas de produits… En tant que parents, on culpabilise et on se sent impuissant », « Je ne supporte plus le regard des gens sur mon enfant quand on se promène dans la rue… », « L’eczéma, c’est de l’allergie ? » Le parcours menant au diagnostic de dermatite atopique est souvent long et complexe. D’autant que le mode d’expression peut varier selon les individus et se manifester différemment au cours d’une vie. La dermatite atopique peut avoir un impact sur la qualité de vie : les démangeaisons importantes influent sur la qualité du sommeil, les plaques rouges, suintantes et croûteuses, exposent parfois aux moqueries ou à la peur de la contagion. De plus, l’application quotidienne des crèmes, souvent contraignante, rend l’observance chaotique. Une possible corticophobie peut aussi être exprimée par les parents et limiter l’application du traitement. Par conséquent, les crèmes ne sont pas correctement utilisées.

Le service de dermatologie de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) propose, depuis 2011, les « ateliers de l’atopie ». Ce sont des séances d’éducation thérapeutique destinées aux jeunes patients atteints de dermatite atopique et à leurs familles. Celles-ci sont généralement prévues en fonction du rendez-vous médical – tous les mois, les trois mois ou les six mois selon l’atteinte cutanée de l’enfant et l’évolution de la dermatite atopique – et des besoins et de la disponiblité de l’enfant et des parents. Objectifs : favoriser l’autonomie et réduire les risques de complication. Plusieurs séances sont organisées pour aborder les grandes thématiques de la dermatite atopique :

– Compétences de soins et corticophobie : ces séances individuelles suivent généralement la consultation avec le dermatologue et sont animées par une puéricultrice détachée à 50 %(1) pour l’éducation thérapeutique en dermatologie.

– Manifestations cliniques, symptômes émotionnels et sport : ces séances collectives ont lieu le week-end dans le service de dermatologie ou hors des murs de l’hôpital. Elles sont animées par une équipe pluridisciplinaire : médecins, assistante sociale, assistante de coordination, psychologue, ergothérapeute, kinésithérapeute, IDE spécialisées.

Ces derniers ont tous été formés à la pratique de l’éducation thérapeutique(2) : comment l’expliquer et la mettre en place, concevoir des outils et les mettre en pratique auprès des patients, mais aussi évaluer les connaissances, etc.

Un programme en trois temps

L’éducation thérapeutique est intégrée dans la prise en charge du patient atteint de dermatite atopique. L’inscription aux ateliers est proposée après la première consultation avec le dermatologue, dès lors qu’un diagnostic d’eczéma est posé. Celui-ci interroge alors l’enfant et les parents sur les antécédents familiaux, l’histoire de son eczéma, les crèmes utilisées, le nombre de tubes de dermocorticoïdes appliqués, le mode d’application, etc. En fonction des réponses et besoins exprimés, il leur propose d’entrer dans le programme des ateliers de l’atopie. Une fois l’accord obtenu, la puéricultrice contacte les parents pour organiser un premier rendez-vous.

D’une durée d’une heure, cette première rencontre permet d’établir un diagnostic éducatif qui identifie les besoins de l’enfant et de ses parents. La puéricultrice leur explique tout d’abord ce qu’est l’éducation thérapeutique et leur présente le programme et son déroulé. Grâce à des guides d’entretien – l’un destiné aux parents et l’autre à l’enfant, en fonction de son âge – elle recueille leurs inquiétudes, questions et habitudes de vie, et la prise en charge quotidienne de la dermatite atopique. Si, avec les parents, les thématiques préalablement discutées avec le médecin sont reprises – histoire de l’eczéma, allergies connues, antécédents familiaux, impact de la pathologie sur l’organisation de la famille, etc. –, avec les enfants, les aspects de la vie au quotidien sont mis en avant : « Comment ça se passe quand tu appliques ta crème ? » ; « Y a-t-il des choses que tu ne peux pas faire à cause de ton eczéma ? » ; « Que réponds-tu à tes copains lorsqu’ilste demandent ce que tu as ? »… Les réponses obtenues permettent de proposer un programme personnalisé et d’identifier des priorités d’apprentissage.

Marie a une bonne connaissance de la maladie. Elle sait que le fait de se gratter aggrave la situation mais semble le faire inconsciemment la nuit. Son père confie que les dermocorticoïdes sont parfois appliqués le soir sous occlusion, à l’aide de film alimentaire et de chaussettes. Ce qui ne lui plaît pas. La puéricultrice leur propose d’opter pour des petites bandes, plus faciles d’utilisation. Lors de la séance, elle explique à Marie l’importance de se laver les mains avant l’application de crèmes hydratantes ou de dermocorticoïdes. À l’aide de peinture bleue pour simuler sa crème, la fillette montre une bonne maîtrise du geste. À l’école, si elle sait parler de la dermatite atopique à ses camarades, elle dit être parfois embêtée de devoir souvent le réexpliquer.

Envisager la suite

À la fin du programme, les connaisances acquises par l’enfant et ses parents sont évaluées. Ce qui permettra de leur proposer soit un suivi régulier de soutien, soit des séances de renforcement des acquisitions encore fragiles. Une évaluation du programme sera également proposée dans le but d’ajuster ou de faire évoluer les différents ateliers pour qu’ils correspondent mieux aux besoins et au quotidien des enfants et de leurs parents.

L’analyse des questionnaires d’évaluation et de satisfaction associée aux données médicales a mis en évidence une meilleure prise en charge de la dermatite atopique entraînant une amélioration de la qualité de vie. On a aussi noté une diminution du nombre d’hospitalisations et une amélioration du suivi qui est dorénavant plus régulier.

Aborder avec le patient et sa famille le vécu de la maladie et sa gestion les aide à maintenir leur motivation tout au long de la prise en charge. Cela permet de reconnaître la sévérité de la maladie et l’impact sur le quotidien : psychologique mais aussi financier (crèmes hydratantes non remboursées). L’éducation thérapeutique va permettre au patient de maîtriser la maladie sans la subir et d’éviter tout recours à des traitements plus lourds à cause d’une utilisation non optimale des traitements existants.

1- Complété par un 50 % en éducation thérapeutique pour la drépanocytose.

2- Une formation de quarante heures miminum est requise. Elle permet de se préparer aux compétences définies par l’art. 84 de la loi HPST et le décret n° 2010-906 du 2 août 2010, actualisé par l’arrêté du 31 mai 2013 et l’arrêté du 14 janvier 2015.

CAS DE DÉPART

Marie, 7 ans, a une dermatite atopique depuis son plus jeune âge. Elle présente des rougeurs et des plaques essentiellement au niveau des mains et des plis des coudes, ainsi que des lésions derrière les genoux et sur les cuisses. En cas de forte poussée, des crevasses peuvent apparaître sur les mains.

Marie évoque ses difficultés à appliquer ses crèmes au quotidien et confie qu’elle subit les questions de ses petits camarades, intrigués par l’état de sa peau.

HISTORIQUE DU PROJET

→ 2011 : Autorisation par l’ARS du programme d’éducation thérapeutique pour les patients atteints de dermatite atopique sévère et leurs familles.

Formation des différents intervenants à la pratique de l’éducation thérapeutique et mise en place de séances collectives à travers les « ateliers de l’atopie ».

→ 2016 : Mise en place des journées « sports day ».

→ 2016 : Création d’un poste d’infirmière à 50 % dédié à l’éducation thérapeutique, et mise en place de séances individuelles.

PATHOLOGIE

Une affection parfois dure à vivre

→ Définition : L’eczéma atopique, aussi appelé dermatite atopique, est une dermatose chronique prurigineuse et inflammatoire. L’altération de la barrière cutanée (déficit en filaggrine) rend la peau sèche et sensible aux agressions. L’épiderme ne joue plus son rôle de protection : il laisse s’évaporer trop d’eau et entrer plus facilement les allergènes.

→ Symptômes : Plaques rouges, peau sèche et démangeaisons.

→ Âge et localisation : La dermatite atopique peut apparaître dès les premières semaines de vie. Chez le nourrisson, elle se manifeste par des plaques rouges localisées essentiellement sur les zones rebondies du visage (joues, front, menton). Chez l’enfant plus âgé, les lésions cutanées vont surtout se loger au niveau du cou, des plis du coude, à l’arrière des genoux, derrière les oreilles et sur les paupières.

→ Évolution : Elle évolue en alternant poussées et phases de rémission. Dans environ 80 % des cas, elle disparaît au cours de l’enfance. Mais peut parfois persister à l’âge adulte.

→ Traitement : Il repose sur l’application de topiques : les dermocorticoïdes, qui vont calmer l’inflammation et diminuer le prurit, et les émollients, qui vont reconstruire la barrière cutanée et diminuer la sécheresse ainsi que l’inconfort lié à la peau sèche et aux démangeaisons.