Le graal des GHT - L'Infirmière Magazine n° 390 du 01/02/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 390 du 01/02/2018

 

DOSSIER DE SOIN COMMUN

DOSSIER

L’harmonisation des systèmes d’information est probablement l’un des aspects de la réforme des groupements hospitaliers de territoire qui aura le plus d’impact sur le quotidien des infirmières. Mais le chemin est encore long avant d’y arriver.

Cas d’école : un patient arrive en réa au CHU. Il a été transféré depuis un CH voisin. L’infirmière qui le prend en charge se retrouve alors avec sur les bras… un gros dossier papier à recopier dans le logiciel de son hôpital. Antécédents, médicaments, interventions passées… Tout doit être saisi manuellement dans le système d’information. Avec, en plus de la charge de travail que cela représente, les risques d’erreur inhérents à ce type de tâche. Heureusement, avec les GHT, ce pensum ne sera demain qu’un lointain souvenir ! La loi Touraine de janvier 2016 prévoit en effet d’intégrer « la gestion commune d’un système d’information hospitalier convergent » parmi les fonctions mutualisées entre les établissements membres d’un GHT. En clair : le dossier patient doit pouvoir être accessible sans effort, que l’on se trouve dans un hôpital périphérique, dans un Ehpad ou au CHU. Un vrai défi quand on sait qu’au sein d’un même établissement, plusieurs logiciels cohabitent le plus souvent tout en posant de véritables problèmes de compatibilité.

Des attentes fortes

Et c’est peu de dire que les attentes en la matière sont fortes : de l’avis de tous, la mutualisation des systèmes d’information est le pan de la réforme des GHT le plus susceptible de modifier le travail infirmier. « C’est l’outil avec lequel l’infirmière travaille tous les jours, note Alexandre Mokede, responsable du pôle « organisation sanitaire » et chargé du dossier des GHT à la Fédération hospitalière de France (FHF). Mutualiser le dossier patient et le dossier pharmaceutique, cela permettra d’être plus communiquant à l’échelle du groupement. » Même son de cloche du côté des directions hospitalières. « L’idée, c’est que si un patient des urgences de Coutances est transféré à Saint-Lô, son dossier arrive avant lui, explique Thierry Lugbull, directeur du CH de Saint-Lô (14), qui pilote un GHT de trois établissements. Cela diminue le risque de faire deux fois le même examen, et cela fait gagner du temps au patient, à l’infirmier, à tout le monde. » Même Thierry Amouroux, président du SNPI-CFE-CGC(1), retient ses coups sur le sujet. « C’est une piste intéressante, qui ne sera négative ni pour le patient ni pour le soignant », concède-t-il. Alors, puisque l’idée est si bonne, pourquoi n’est-elle pas déjà une réalité ? Parce que tout cela est plus facile à dire qu’à faire. Et ce, même si les établissements qui veulent faire converger leur système d’information travaillent sur le même logiciel.

Thierry Lugbull peut en témoigner : alors que le CH de Saint-Lô et celui de Coutances avaient le même fournisseur, il leur faudra, pour rendre leurs systèmes inter-opérables, développer un serveur d’identité commun, ce qui permettra de regrouper les deux bases de numéros d’identification des patients. Le problème, c’est qu’historiquement, les hôpitaux se sont orientés vers différents éditeurs de logiciel, et qu’il est difficile pour l’un des établissements partie à un GHT d’abandonner le sien. « On ne veut pas enlever un système qui fonctionne », résume Thierry Lugbull. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec l’autre établissement de son GHT, le CH de Carentan. « Du coup, chacun gardera son dossier de soin, mais nous avons un numéro d’identification unique », précise le directeur. Principal inconvénient : l’IDE de Saint-Lô ne pourra pas écrire dans le dossier patient de Carentan (et inversement). Mais elle pourra le consulter.

Technique, complexe et coûteux

Alors, cette convergence, c’est pour quand ? Chaque GHT devait déposer avant le 1er janvier dernier un « schéma directeur », c’est-à-dire un document résumant l’ensemble de sa stratégie concernant les systèmes d’information. « Tout le monde n’est pas dans les temps, avoue Thierry Lugbull, car c’est complexe et coûteux. » Du côté du ministère de la Santé, on souligne que l’échéance du 1er janvier ne concerne que la rédaction du projet, et que la véritable convergence des systèmes d’information est prévue pour 2021. Encore quelques années à recopier manuellement les dossiers papier, donc.

1- Syndicat national des professionnels infirmiers.