À la pêche aux sous - L'Infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 389 du 01/01/2018

 

FINANCEMENT PARTICIPATIF

DOSSIER

Pour offrir de meilleures prestations hôtelières, les hôpitaux publics sont nombreux à diversifier leurs ressources et à recourir aux fonds privés.

Le vrai confort, c’est un hôpital moderne, avec des espaces d’accueil agréables et des chambres individuelles, avec salle de bain privative. Mais, pour cela, il faudrait mettre des milliards. Quand on ne les a pas, il faut lutter sur d’autres segments. » Ces autres segments, selon Bertrand Martin, directeur du CH d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise, ce sont « de petites choses symboliques mais qui ont de la valeur ajoutée » et que les hôpitaux ont du mal à budgéter « parce qu’il y a toujours d’autres priorités ». Comme de plus en plus d’établissements publics, l’hôpital d’Argenteuil a donc créé un fonds de dotation pour pouvoir faire appel à la générosité du public. Le projet Ciel bleu, à l’initiative de soignants, a vu le jour : des plafonds lumineux apaisants installés en salle de traitement de radiothérapie. Plus original, c’est par le financement participatif que des améliorations ont été apportées à la prise en charge des enfants aux urgences générales. 3 800 € ont été récoltés via la plateforme Kiss Kiss Bank Bank, permettant l’acquisition de jeux, d’un lecteur DVD, de tablettes, de dalles de plafond colorées, etc. Afin de promouvoir le projet sur les réseaux sociaux, l’équipe des urgences, qui l’a conçu de A à Z, a mouillé la blouse en se mettant en scène lors de séances photo. « On était à fond, témoigne Alexandra, infirmière. C’était beaucoup d’investissement personnel et cela dépassait ma mission, mais ça valait le coup. C’était le seul moyen de faire bouger les choses. »

Au CHI de Créteil, dans le Val-de-Marne, on explore de nouvelles pistes. L’hôpital a rénové progressivement son offre hôtelière. « Mais on ne peut pas envisager de gros investissements, indique Stéphane Pardoux, directeur général. Pour poursuivre les améliorations, on travaille avec des partenaires extérieurs sur des modèles économiques peu coûteux, qui pèsent moins sur les finances publiques. » La création en 2015 du fonds de dotation « Chic idée » s’inscrit dans cette volonté d’être « imaginatif » et de ne faire l’impasse sur aucune solution. Pour l’heure, un projet sensoriel, destiné à transformer l’expérience patient avant le bloc, n’a pas encore trouvé son financement via le fonds de dotation (environ 120 000 €). « Il est difficile de mobiliser les mécènes dans une région où les établissements de renommée ne manquent pas », explique Stéphane Pardoux.

Fédérer autour de l’hôpital

Le CH du Pays d’Apta eu moins de mal à solliciter les donateurs du Vaucluse. Créé en 2015 en vue d’accompagner les opérations d’investissement menées par l’hôpital, son fonds de dotation a permis, en deux ans, de récolter 300 000 €, notamment via des ventes aux enchères de vin et d’œuvres d’art. « Nous nous sommes demandé si un fonds de dotation était adapté à la taille modeste de notre établissement, explique Danielle Fregosi, directrice de l’hôpital. L’étude de faisabilité a montré que la santé était un thème fédérateur dans notre territoire - y compris pour les résidents secondaires présents dans le Lubéron - et que la population était prête à se mobiliser. Notre territoire est assez enclavé, avec une relation ancienne et forte à l’hôpital, premier employeur. Le grand public, le monde économique et institutionnel, tout le monde s’est senti concerné. »

L’objectif est de lever un million d’euros sur les 6,6 millions que coûte la restructuration d’un bâtiment de court séjour. Dans la première unité rénovée, les fonds ont financé des éléments de décoration, un lit accompagnant dans chaque chambre, des terminaux multimédias au lit du patient ou encore l’aménagement d’un salon des familles. « En France, on a un système de santé de qualité, souligne Shelagh Lester-Smith, la présidente du fonds de dotation. Soit on ne fait rien, soit on réagit pour le conserver. » Une vision anglo-saxonne qui gagne l’Hexagone. Avec une limite nette, que les établissements rappellent : les fonds privés n’ont pas vocation à se substituer aux financements publics.