Face à la mort - L'Infirmière Magazine n° 387 du 01/11/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 387 du 01/11/2017

 

CRITIQUE

RENDEZ-VOUS

L’ESPACE PRO

DOMINIQUE BARBIER  

→ Psychanalyste, l’auteure a co-animé pendant dix-huit ans un groupe de soutien auprès d’enfants de parents atteints de cancer. Son livre, passionnant, dénonce la conspiration du silence par rapport à ceux qui osent regarder en face la mort de leur parent. Le cancer d’un parent est, pour l’enfant, un vrai traumatisme psychique : l’intensité et l’incapacité de répondre de façon adéquate à cet événement entraîne une sidération psychique, à cause de la rupture de continuité par l’effraction de la mort qui devient réelle, présente et irrévocable ! Or, son développement dépend d’un environnement familial suffisamment bon pour qu’il n’y ait pas effraction par l’extérieur (traumatisme et pare-excitation) et sidération par l’intérieur (refoulement de certaines pulsions qui risquent d’être vécues comme invasives). Cette continuité permet au sentiment d’être soi d’étayer la personnalité de l’enfant et son développement. De ce point de vue, les adultes à qui, enfants, on a caché la maladie grave conduisant à la mort d’un parent, évoquent leurs difficultés à se construire. Car en cachant la vérité, les proches ont, en quelque sorte, confisqué une partie de leur histoire… Pourtant, plus la relation entre l’enfant et le parent est bonne, moins sera-t-il menacé d’effondrement à sa mort. La fiabilité et la constance parentale ont une fonction sécurisante. À l’inverse, une attitude changeante, incertaine ou peu fiable des parents sera à l’origine d’une intériorisation d’une relation angoissante.

L’auteure démontre avec humanité et sens clinique qu’on ne peut épargner aux enfants les événements douloureux qui s’accompagnent d’angoisse, de dépression et de solitude, mais que les conséquences de la maladie et de la mort peuvent être limitées. Les parents peuvent atténuer les réactions mortifères en vivant le deuil avec l’enfant et en accompagnant sa solitude. Il existe des souffrances fécondes et lorsqu’elle est à la mesure des capacités psychiques du sujet, l’épreuve stimule un progrès psychique et intellectuel. Tant il est vrai, comme le disait Oscar Wilde, que ceux qui évitent le combat sont plus grièvement blessés que ceux qui y participent.

Ces enfants qui vivent le cancer d’un parent, Nicole Landry-Dattée, Éd. Érès, 13 €