Une cure sur-mesure - L'Infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017

 

REPORTAGE

DOSSIER

Les Thermes de Saujon (17) proposent aux soignants en burn out un accompagnement spécial. Des ateliers les aident à prendre du recul et à changer de regard sur leur situation.

En attendant l’heure des soins, des curistes sanglés dans d’épais peignoirs discutent de leur relation aux benzodiazépines. L’une après l’autre, les portes donnant accès aux baignoires ou aux douches thermales s’ouvrent sur des hydrothérapeutes souriants. Dans la moiteur des couloirs, les pas sont ralentis et les pensées profondes. Directeur des Thermes de Saujon et issu d’une lignée de psychiatres spécialisés dans le traitement des troubles de l’anxiété, Olivier Dubois décrit l’eau et ses bienfaits comme « un anxiolytique incomparable, une relaxation magistrale, ne demandant pas les mêmes efforts de concentration que la relaxation “en ville” et permettant une détente complète du corps ». Une étude multicentrique menée en partenariat avec l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (Isped) de Bordeaux lui a permis de démontrer que la cure thermale a une efficacité supérieure de 44 % à celle d’un médicament de référence dans le traitement de l’anxiété généralisée.

Pendant trois semaines, les curistes reçoivent quatre soins quotidiens d’hydrothérapie et se consacrent à une mission : lâcher prise. Lors de la deuxième semaine, les troubles du sommeil et l’angoisse réapparaissent, de manière plus importante. Il faut alors rassurer les curistes, ces manifestations étant généralement le signe que la détente s’amorce. C’est l’un des rôles d’Angèle Bazin, infirmière aux Thermes. Régulièrement sollicitée dans les couloirs, elle reçoit dans sa salle de consultation pour des entretiens impromptus. « Les gens qui sont ici, confie-t-elle, sont en souffrance psychologique. Ils craquent, ils ont besoin de parler. J’essaie de me rendre présente. Je repère des personnes qui ne vont pas bien et j’en parle au médecin. Pour certains, venir ici était déjà un grand pas, mais ils ne peuvent pas aller plus loin. Nous tâchons de les convaincre de se laisser porter par nous. Je les aide à trouver une activité pour se détendre. Cela leur sera aussi utile quand ils rentreront chez eux. » Les bénéfices du traitement – diminution et disparition des troubles du sommeil, des douleurs, apaisement, pensées plus positives – durent jusqu’à six mois après la cure.

Savoir lâcher prise

Les Thermes de Saujon font partie du réseau d’établissements, en lien avec l’association SPS, engagés dans la lutte contre le burn out des soignants. En complément de la cure, le centre propose des stages spécialisés, dont un réservé aux personnes concernées par cet épuisement. Depuis l’an dernier, des groupes exclusivement composés de professionnels de santé sont accueillis à Saujon. « Ils ont une proximité, un intérêt commun pour la souffrance humaine. Et quand ils sont ensemble, cela limite les risques de vouloir soigner les autres », s’amuse Olivier Dubois. Selon le psychiatre, la cure thermale couplée aux ateliers est très efficace pour combattre le burn out intermédiaire, celui où l’on présente des troubles anxieux, mais pas encore d’état dépressif. Pour ce stade plus avancé, une hospitalisation s’impose.

Un projet de création de lits pour les professionnels de santé aux cliniques de Saujon est en cours de validation par l’ARS. « La problématique de burn out des soignants est spécifique, par rapport à nos autres patients, explique le psychiatre. Elle est liée à l’exigence émotionnelle. La plainte du patient peut renvoyer le soignant à ses propres difficultés ou insuffisances, et s’il ne garde pas la bonne distance, il entre dans le cercle vicieux de la frustration et de la culpabilité, oubliant que dans les soins, malgré tous nos efforts, la perfection n’existe pas. » Un travail de réassurance sur la qualité de son travail, les discussions et la dynamique de groupe, liés aux bienfaits de la détente, permettent de porter un autre regard sur soi et sur sa relation de soin. À condition de relever le défi de consacrer trois semaines à s’occuper de soi, et à laisser les autres le faire…

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