Les freins à la contraception - L'Infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 386 du 01/10/2017

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

Claire Manicot  

Il existe encore de nombreux préjugés sur la contraception. Entretien croisé avec Florence Dizin Gros, conseillère conjugale, et Françoise Chefaï, médecin généraliste(1).

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : En France, les grossesses non prévues sont dues à l’absence ou à la défaillance d’une contraception. Comment l’expliquez-vous ?

FRANÇOISE CHEFAÏ : Premièrement, le risque zéro n’existe pas. Une grossesse sous DIU, ça peut arriver. Deuxièmement, la contraception prescrite n’est pas toujours adaptée aux besoins et au mode de vie de la femme. On donne la pilule à des jeunes filles sans trop se soucier si elles vont adhérer au fait de devoir la prendre tous les jours.

FLORENCE DIZIN GROS : Il y a encore un manque d’information sur la contraception et sur les endroits où se la procurer. Par ailleurs, une grossesse qui arrive sous contraception peut être due à un défaut d’explication : par exemple, on indique rarement aux femmes qui vomissent après la prise d’une pilulequ’elles doivent la reprendre.

L’I. M. : Et pourtant, les médecins ne sont pas seuls à pouvoir prescrire…

F. C. : Demandez à des personnes dans la rue si elles savent que les sages-femmes peuvent prescrire la contraception ou que les infirmières peuvent effectuer des renouvellements…

F. D. G. : D’une région à l’autre, le nombre de centres de planification, qui peuvent délivrer gratuitement la contraception, est très disparate. En Isère, nous sommes bien lotis mais nous n’avons pas les moyens d’assurer, dans les établissements scolaires, les trois séances d’éducation à la vie sexuelle affective, par classe et par an, prévues par la loi.

L’I. M. : Des femmes se plaignent de refus de la pose d’un stérilet ou de stérilisation définitive. Recueillez-vous ce type de témoignages ?

F. D. G. : Oui. Certains médecins rechignent à poser des stérilets car ils estiment que c’est une contraception qui ne convient pas à telle ou telle femme, mais refusent de donner des explications. En ce qui concerne la stérilisation définitive, mieux vaut avoir 40 ans et trois enfants minimum, sinon c’est le parcours du combattant.

F. C. : Parfois, des pharmaciens refusent de renouveler une ordonnance de moins d’un an ou se permettent des réflexions négatives : « Si vous prenez trop souvent la contraception d’urgence, vous allez être stérile. » Une fois, nous avions prescrit un stérilet à une jeune fille et le pharmacien a refusé de le lui délivrer car elle était mineure, ce qui n’avait pas de sens.

L’I. M. : Les médecins sont-ils les bons interlocuteurs pour mettre en place une contraception quand on sait qu’une consultation dure moins de dix-huit minutes ?

F. D. G. : Les médecins libéraux sont surchargés. Dans notre centre, l’entretien avec la conseillère conjugale dure une heure et les consultations médicales sont prévues sur des plages d’une demi-heure.

F. C. : La femme peut s’adresser à une sage-femme libérale. Avant de prendre rendez-vous, elle doit juste vérifier que celle-ci s’occupe bien de contraception.

L’I. M. : Les médecins sont assez critiques sur le retour aux méthodes naturelles et au préservatif. Qu’en pensez-vous ?

F. D. G. : À partir du moment où on forme les médecins à zéro risque, c’est évident qu’ils vont écarter ces méthodes. Ici, on présente tous les moyens de contraception, en parlant des avantages, des inconvénients et de l’efficacité. Mais on n’a pas à exprimer son avis.

F. C. : On entend de plus en plus « Je ne veux pas d’hormones ». C’est à chaque couple de choisir les risques qu’il est prêt à assumer, ceux liés aux méthodes de contraception et ceux liés à une grossesse éventuelle.

L’I. M. : Les professionnels peuvent refuser une contraception définitive en arguant la clause de conscience. Pourquoi tant de réticences ?

F. C. : Il y a une peur de l’inéluctable. La reperméabilisation des trompes chez la femme ne marche pas et la congélation des ovocytes n’est pas autorisée dans le contexte de la stérilisation définitive.

Chez les hommes, on peut proposer la congélation de sperme. Dans notre pays latin, la vasectomie a peu de succès, les hommes ont peur pour leur libido et craignent de ne pas avoir d’érection ou d’éjaculation correcte.

L’I. M. : Tous ces freins ne sont-ils pas l’expression d’une société plus machiste qu’il n’y paraît, qui a du mal à laisser aux femmes le droit de maîtriser leur fécondité ?

F. D. G. : Tout à fait. Nous sommes loin de la libération sexuelle des années 1970. Nous avons des lois favorables aux femmes mais c’est sur les plans moral et social qu’on observe un recul. Notre société a encore du mal à accepter qu’une femme ose dire « Je ne veux pas d’enfant ». Une fille de 35 ans célibataire, c’est qu’elle n’a pas de mec, qu’elle est lesbienne ou qu’elle est stérile.

L’I. M. : Depuis la controverse sur la pilule en 2012, la polémique récente sur le stérilet Mirena et encore le retrait de commercialisation de l’implant Essure, les femmes ne prennent plus pour argent comptant la parole du médecin. Que faire ?

F. C. : Nous devons faire preuve d’humilité et lâcher notre pouvoir médical. Nous informer continuellement et nous former. Mais nous avons aussi un rôle pédagogique à jouer auprès des usagers. Les pilules ou les stérilets sont des médicaments, avec des effets indésirables et des contre-indications qui ne sont pas nouveaux et figurent noir sur blanc sur les notices.

L’I. M. : Que conseillez-vous pour être vraiment à l’écoute des patients ?

F. D. G. : Changer d’approche, prendre en compte les désirs et les attentes des femmes et des hommes pour les accompagner dans leur choix et non décider à leur place.

1- Au planning familial de Bourgoin-Jallieu, en Isère (38).

SUIVI GYNÉCO

Rétablir les vérités

→ Le stérilet peut être posé à tout âge, chez une femme sans enfant comme chez une mineure. Sa pose n’est presque pas douloureuse, surtout si le praticien pratique la technique directe. On utilisait traditionnellement la pince de Pozzi pour attraper le col utérin, ce qui pouvait être douloureux.

→ L’examen gynécologique n’est pas obligatoire. Il est nécessaire en cas de symptômes liés aux organes génitaux, de pose d’un DIU, de prescription de cape cervicale ou de diaphragme. Mais il ne l’est pas pour la prescription d’une pilule, d’un patch ou d’un implant. Cet examen peut être redouté par une jeune fille. Avant de prendre rendez-vous, vérifier que le praticien ne le pratique pas systématiquement. Si c’est le cas, on peut le refuser. Le consentement reste nécessaire.

→ Le dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis n’est utile qu’à partir de 25 ans et tous les trois ans.

→ La contraception qui convient est celle que la femme choisit. Sa prescription doit être le fruit d’une décision médicale partagée et la consultation doit se faire dans un climat de respect et de confiance. Si ce n’était pas le cas, ne pas hésiter à choisir un autre praticien. Si besoin, se faire accompagner pour la consultation.