LA PLACE DE LA DÉSENSIBILISATION (OU IMMUNOTHÉRAPIE ALLERGÉNIQUE) - L'Infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017

 

THÉRAPIE

FORMATION

ESSENTIEL

H. R..  

La question de la désensibilisation peut se poser en fonction du type d’allergie, du traitement symptomatique nécessaire au patient, et de son degré de gêne.

Quand l’indication est bien posée, la désensibilisation permet une vraie prise en charge de l’allergie : elle améliore et évite l’aggravation des symptômes dans 60 à 70 % des cas, elle permet une diminution des traitements tant de fond que de crise, et prévient l’apparition de nouvelles allergies. Elle a pour objectif de traiter la maladie allergique « à la racine » et amenant progressivement le système immunitaire à ne plus réagir. Elle ne fonctionne cependant pas pour tous les allergènes.

Si la désensibilisation ne donne pas de résultats satisfaisants contre les allergies aux poils d’animaux, son efficacité a été démontrée contre les acariens, les pollens d’arbre et les pollens de graminées. Elle s’adresse aux patients allergiques sévères, dont les symptômes sont mal contrôlés par les traitements symptomatiques. Les personnes qui ont recours à plusieurs traitements simultanés, sur une période assez longue de l’année, sont de bons candidats à la désensibilisation. Avant d’entamer toute désensibilisation, l’asthme doit être stabilisé grâce à un traitement de fond efficace.

Bataille biologique

La désensibilisation est une sorte de vaccination. Elle consiste à présenter la protéine allergisante à l’organisme, mais par une voie détournée qui ne provoque pas de réaction allergique. Depuis une dizaine d’années, la voie sublinguale, plus pratique et mieux tolérée, a remplacé la voie sous-cutanée (dont l’administration se faisait toutes les semaines, puis tous les mois, et nécessitait une surveillance du patient) dans la désensibilisation des allergies respiratoires. Le patient prend des gouttes qu’il garde deux minutes sous la langue avant de les recracher. « Le patient reçoit la protéine allergisante, à petite dose, explique le Dr Florence Trébuchon, allergologue. Sous la langue se trouvent des cellules qu’on appelle présentatrices de l’antigène. Leur rôle est, comme leur nom l’indique, de présenter au système immunitaire des substances et de lui faire comprendre que ce sont des substances “amies”. La prise, quotidienne, va amener le système immunitaire à s’habituer à la présence de cette protéine et induire une tolérance », poursuit l’allergologue. Le succès de la désensibilisation dépend de la capacité du médecin à cibler le bon allergène.

« La plupart du temps, il y a plusieurs protéines responsables dans la maladie allergique », note le Dr Franck Godesky, allergologue attaché aux hôpitaux de Lyon. « Pendant des années, on tentait de désensibiliser à plusieurs protéines à la fois, en utilisant des “cocktails” antigéniques. Cela fonctionnait mal. Désormais, on se concentre sur l’allergène le plus problématique pour le patient. » Le système immunitaire est stimulé tous les jours pendant plusieurs mois ou années. « En réaction, il commence à produire des lymphocytes T régulateurs, qui viennent empêcher les lymphocytes B effecteurs de produire les anticorps dirigés contre l’antigène », explique l’allergologue. « Au fur et à mesure de la désensibilisation, le pool de lymphocyte T augmente. Cependant, lorsque le patient est en contact avec l’antigène, les lymphocytes B continuent d’être stimulés. Les deux “voies” biologiques se livrent donc une sorte de bataille. »

La stratégie adoptée dépend de l’allergène. Pour les acariens, les bénéfices s’évaluent après 6 mois de traitement. « Si des résultats sont observés, la désensibilisation est poursuivie pendant 3 ans. Dans le cas contraire, elle est arrêtée », explique le Dr Trébuchon.

Pour les pollens, les allergologues misent sur des traitements pré et co-saisonniers. « Nous démarrons le traitement quelques mois avant la saison des pollens, pour préparer le système immunitaire. Puis, le patient continue à le prendre pendant toute la saison. Il faut que, dès la première année, il sente une amélioration tangible, même si le soulagement des symptômes n’est pas total. S’il est répondeur, le traitement est maintenu pendant deux à cinq saisons. »