Asthme allergique : l’indispensable ETP - L'Infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 383 du 01/06/2017

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

H. R.  

La maladie asthmatique, qui peut appartenir au tableau clinique des allergies respiratoires, ne doit jamais être prise à la légère. L’éducation thérapeutique a une place centrale dans sa prise en charge.

L’allergie respiratoire survient le plus souvent chez le grand enfant. Elle peut se manifester par différents symptômes, très variables. Dans les formes les plus bénignes, seuls les yeux et la muqueuse nasale sont touchés. Dans les cas plus sérieux, un asthme peut aussi être présent. Il peut l’être d’emblée, ou peut apparaître au cours de l’évolution de la maladie. L’allergie respiratoire va avoir tendance à s’aggraver au cours du temps : 30 % des rhinites non traitées évoluent en asthme. Et plus de 40 % des personnes souffrant de rhinite allergique souffrent également d’asthme. 80 % des cas d’asthme ont une composante allergique.

Physiopathologie de l’asthme

L’asthme est une maladie chronique qui touche les bronches. La muqueuse respiratoire est tapissée de cellules présentant des cils mobiles chargées d’éliminer les particules indésirables, avec l’aide de cellules qui produisent du mucus. En cas d’asthme allergique, une inflammation de la muqueuse est présente au niveau des bronches et des bronchioles. La muqueuse réagit de façon exacerbée à certains facteurs comme les pollens, les poils d’animaux, les acariens, la fumée de tabac, ou encore la pollution. Son inflammation entraîne une hypersécrétion de mucus qui obstrue les bronches. L’allergie provoque la contraction des muscles des bronches, ce qui a pour conséquence de réduire leur diamètre. Quand un bronchospasme se produit : c’est la crise d’asthme. L’air a du mal à passer, la respiration devient difficile et sifflante. Plus les symptômes s’aggravent et plus le patient peut ressentir une angoisse, une difficulté à parler.

Un asthme mal équilibré a un retentissement sur la vie quotidienne du patient. Il peut le limiter dans ses activités et affecter son sommeil. Il peut aussi entraîner des conséquences graves à long terme et en l’absence de traitement adapté, comme des lésions irréversibles des poumons, ou encore exposer le patient à l’installation d’une insuffisance respiratoire.

L’éducation thérapeutique du patient (ETP) ainsi que l’établissement d’un plan d’action personnalisé sont indispensables dans la stratégie de prise en charge de l’asthme allergique.

Le diagnostic thérapeutique

« La première étape est la réalisation du diagnostic thérapeutique », explique Marie-Paule Gançarski, infirmière en allergologie au CHRU de Strasbourg (67) et impliquée dans les animations des ateliers thérapeutiques qui s’adressent, entre autres, aux asthmatiques allergiques. Le diagnostic thérapeutique permet, grâce à un questionnaire, de mieux connaître le patient. « Il peut être réalisé par une infirmière et permet de recueillir les informations essentielles sur sa maladie et la façon dont il la vit, pour répondre au mieux à ses besoins », ajoute-t-elle. Il vise donc à proposer une éducation « sur mesure » au patient, sur la base d’informations relatives à sa situation.

L’échange a lieu lors d’un entretien individuel structuré. Les soignants questionnent le patient sur :

- la dimension biomédicale de la maladie : de quels symptômes souffre-il ? quel est l’ancienneté de l’asthme ? comment a-t-il évolué ? ;

- la dimension socioprofessionnelle : quel métier exerce-t-il ? que fait-il au quotidien ? quels sont ses loisirs ? quelle est son hygiène de vie ? quel est son environnement social et familial ? ;

- la dimension cognitive : que sait le patient sur sa maladie ? comment se la représente-t-il ? Quid des traitements, des conséquences pour lui et ses proches?? connaît-il les mécanismes de la maladie, les facteurs déclenchants de la crise ? comprend-il le mode d’action des médicaments ? ;

- la dimension psycho-affective : qui est le patient ?

Ateliers d’éducation thérapeutique : l’exemple du CHRU de Strasbourg

Le diagnostic est la base sur laquelle le projet d’éducation thérapeutique va être construit. « Les informations obtenues vont permettre d’identifier les compétences que le patient doit acquérir et les aspects de l’ETP qui seront les plus adaptés et les plus bénéfiques pour lui », précise Marie-Paule Gançarski. « Le diagnostic n’est pas figé et doit être réévalué régulièrement », ajoute-t-elle. Quatre ateliers sont proposés au CHRU de Strasbourg : physiopatho?logie de l’asthme, technique et prise des sprays, facteurs déclenchants, conduite à tenir en cas de crise. En fonction des compétences à acquérir, les patients peuvent se voir conseiller un ou plusieurs ateliers.

Informer tous azimuts

Mais en pratique, l’équipe médicale peine à faire le plein dans ses ateliers, même si les malades se disent souvent intéressés. « Quand les patients s’inscrivent, ils ne viennent pas toujours, parce que cela représente pour eux un investissement et une contrainte importante. C’est un problème auquel tous les centres qui font de l’éducation thérapeutique sont confrontés », constate Delphine Masquelier qui participe aux ateliers, avec quatre autres collègues infirmières. Le personnel soignant s’efforce donc de délivrer les informations de base quand l’occasion leur en est donnée comme au moment de la consultation. « Nous avons différentes façon de faire de l’éducation. Une des stratégies consiste à interagir avec les personnes immédiatement à leur sortie de consultation, en profitant de leur présence dans le service. En pratique, nous leur faisons bénéficier d’une éducation rapide, avec un rappel de la physiopathologie de l’asthme. Nous savons que les patients ne retiennent que très peu de chose du discours du médecin alors que bien comprendre la maladie est la base de tout, insiste Delphine Masquelier. C’est aussi pour nous l’occasion de leur délivrer les informations essentielles sur la façon d’utiliser les traitements et sur leurs objectifs. » Ces petits « briefs » peuvent être réitérés auprès de patients déjà connus.

La parole aux patients

Les ateliers en tant que tel sont proposés à une fréquence bimestrielle et sont animés par un binôme médecin-infirmière. Ils ont lieu en petit groupe de trois ou quatre patients. « Les patients apprécient énormément le fait que les ateliers soient un lieu d’échange, où chacun peut expliquer comment il vit son asthme, et par exemple comment il appréhende la crise, explique Delphine Masquelier. Nous ne donnons pas de recettes toutes faites aux patients. Nous ne faisons que les guider, et poser des questions en suivant une trame. » Pour ce faire, les infirmières s’appuient beaucoup sur des supports visuels (voir la photo ci-dessus).

De la prise du traitement à la gestion de la crise

La maîtrise du traitement est un enjeu majeur de l’éducation thérapeutique. Dans la maladie asthmatique, deux types de traitement sont disponibles.

→ Le traitement de la crise, qui agit sur les symptômes. Les médicaments utilisés sont des bronchodilatateurs d’action rapide. Ils agissent en induisant un relâchement des muscles bronchiques et une augmentation de leur diamètre et doivent être pris dès l’apparition des symptômes. Se présentant sous forme de spray, différents modèles existent : des inhalateurs avec des systèmes de « clic » qui libèrent de la poudre, ou encore des inhalateurs qui libèrent le produit à la pression. Il est fondamental pour le patient de bien savoir les utiliser pour qu’ils soient efficaces. L’inhalateur de la Ventoline, par exemple, est complexe. Il doit être préalablement agité et tenu bien droit. Le patient doit expirer doucement pour vider ses poumons et appuyer sur l’inhalateur pour libérer le médicament, dès le début de l’inspiration : la bonne prise du médicament dépend d’une bonne coordination main-inspiration. Il est ensuite recommandé de bloquer sa respiration pendant 5 à 10 secondes avant d’expirer doucement.

→ Le traitement de fond qui agit sur les causes de la maladie. Il vise à contrôler l’asthme et donc réduire au maximum la survenue des crises et le recours au traitement d’urgence. Il est prescrit aux patients souffrant d’un asthme léger, modéré ou sévère. Il s’agit pour le médecin de prescrire la plus petite dose efficace. Les médicaments utilisés peuvent être des corticoïdes - en inhalateur et parfois en comprimé -, de la théophylline, des antileucotriènes ou encore des cromones. L’efficacité du traitement dépend de l’adhésion du patient et de son observance. On estime qu’un asthmatique sur deux ne prend pas son traitement de fond(1). « Beaucoup d’asthmatiques arrêtent leur traitement au bout de quelques jours, lorsqu’il commence à être efficace. L’enjeu de l’atelier est crucial : leur faire comprendre que s’ils se sentent mieux, ils ne doivent justement pas arrêter. On constate très régulièrement des hospitalisations suite à des crises d’asthme graves, à cause d’une mauvaise observance », témoigne Marie-Paule Gançarski.

Les infirmières d’ETP ont un rôle majeur à jouer dans l’établissement du bon traitement et sa bonne observation, en collaboration avec le médecin, et ce, dès la sortie de la consultation. « À l’issue de la consultation, le médecin nous informe de la molécule qu’il a choisie. Nous voyons alors avec le malade la forme d’administration qui lui convient le mieux. Nous en informons le médecin, qui finalise la prescription. Si un traitement est en cours, quand le patient revient consulter, notre rôle est d’analyser la situation : le traitement est-il bien pris ? S’il est mal suivi, cela est révélateur d’un problème. Nous allons alors choisir avec lui une autre présentation parmi l’offre thérapeutique disponible », poursuit Marie-Paule Gançarski. Tous les patients ont leurs préférences et certains sont sensibles à des dispositifs pouvant faciliter l’observance, comme ceux munis d’alarmes pour rappeler les prises. « Nous mettons cependant notre véto sur certaines présentations lorsque nous constatons que le patient ne parvient vraiment pas à les utiliser de manière optimale », tranche l’infirmière.

Dans l’atelier « gestion de la crise », l’enjeu est de délivrer les informations essentielles pour éviter le pire. « Il s’agit de connaître les signes avant-coureurs afin de ne pas attendre le dernier moment pour agir. Toute une éducation est faite pour éviter les consultations aux urgences », rappelle Delphine Masquelier.

Acquérir de l’autonomie

Au-delà de la simple compréhension et observance du traitement, les ateliers visent à amener le patient à une certaine autonomie. Un objectif très important pour lui est de savoir surveiller son asthme et ainsi repérer les signes d’annonce d’une crise et agir en conséquence. Les malades doivent savoir maîtriser la mesure du DEP (débit expiratoire de pointe), qui désigne le débit instantané maximal réalisé au cours d’une manœuvre d’expiration forcée exécutée à partir de la position inspiration complète. Le DEP reflète le calibre des voies aériennes centrales et la force exercée par les muscles expiratoires et permet d’objectiver l’état respiratoire du patient. Les valeurs de référence varient en fonction de l’âge, de la taille et du sexe. Il s’agit d’un outil pour adapter sa conduite à tenir. Trois zones sont à distinguer : la zone verte (valeur mesurée entre 80 et 100 % de la valeur habituellement observée) qui ne nécessite aucune adaptation de traitement, la zone orange (valeur entre 50 et 80 %) qui appelle une modification de traitement, en tenant compte du plan de traitement établi avec le médecin. En zone rouge (crise d’asthme, moins de 50 %), les recommandations sont habituellement de prendre 2 à 4 bouffées du traitement d’urgence et de se rendre aux urgences.

Dans l’atelier qui porte sur les facteurs déclenchant, les informations essentielles sont délivrées pour les éviter et pour aider les patients à contrôler leur environnement. Le personnel soignant veille aussi à les laisser s’exprimer. « Nous leur proposons de choisir parmi une cinquantaine d’images (activités sportives, pollution…) pour évoquer les éléments qu’ils ont identifié comme liés à la dégradation de leur capacité respiratoire. Ces facteurs déclenchants, ils doivent les trouver eux-mêmes afin de leur laisser trouver leur solution », conclut Marie-Paule Gancarski.

1 - Rapport Irdes 2011 : « L’asthme en France en 2006 : prévalence, contrôle et déterminants ».

EN CHIFFRES

→ Une personne sur cinq touchée par une allergie respiratoire souffre d’une forme sévère de la maladie.

→ 80 % des asthmes de l’enfant et 50 % des asthmes de l’adulte sont d’origine allergique.

→ Le coût de l’asthme s’élève à 900 millions d’euros par an en hospitalisation.

→ 70 % des patients allergiques respiratoires aux acariens en France ont renoncé à une activité en raison de leur allergie.

→ 7 ans d’errance médicale en moyenne en France avant de s’adresser à un allergologue.

Source : « Pour un plan d’action allergies respiratoires sévères », Livre blanc 2017-2020.

À SUIVRE

Des allergies plus complexes

En 30 ans, la prévalence des allergies respiratoires a triplé en France et en Europe… Face à ce fléau, la Fédération française d’allergologie a lancé un cri d’alarme et réclame un plan d’action dans un livre blanc(1). Les auteurs pointent de nouvelles formes d’allergies respiratoires « plus complexes et multifactorielles » amenant à parler de « maladies nouvelles ». On rencontre de plus en plus de patients polyallergiques, notamment alimentaires et respiratoires, pour lesquels le risque de développer un asthme sévère est accru. Chez ces derniers, le risque de choc anaphylactique alimentaire est également plus élevé que chez les personnes allergiques alimentaires non asthmatiques. Plus largement, des études épidémiologiques(2) mettent en évidence « une corrélation entre pollution atmosphérique et l’amplification, l’aggravation, voire l’induction des allergies respiratoires mais aussi cutanées et alimentaires ».

1 - « Pour un plan d’action allergies respiratoires sévères », Livre blanc 2017-2020. Lire aussi p. 53.

2 - C. Pénard-Morand, I. Annesi-Maesano, « Maladies allergiques respiratoires et pollution atmosphérique extérieure », Revue des maladies respiratoires, vol. 25, n° 8, octobre 2008.