BLOC OPÉRATOIRE - L'Infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 381 du 01/04/2017

 

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

GAËLLE PERROT-BRENZINGER  

Au bloc, les interventions se font souvent en musique. Mais elle peut gêner la communication entre soignants… Faut-il couper le son ?

Si la présence de la musique au bloc est une évidence pour certaines équipes tant elle accompagne le geste chirurgical, la question mérite pourtant d’être posée. D’autant qu’entre le ressenti et la réalité, les résultats de deux études prouvent que l’impact que peut avoir la musique sur la communication entre soignants diffère (voir encadrés). Une pratique qui remonte pourtant à 1914, quand Evan O’Neill Kane, chirurgien américain, a l’idée d’y introduire la musique pour apaiser les patients durant l’anesthésie. Un bénéfice patient vite prouvé, bien qu’il fut demandé d’éviter de faire écouter du jazz ou des chansons romantiques au profit de mélodies plus douces. Qui choisit le morceau qu’on écoute ? « Quand le patient est éveillé, sous anesthésie locorégionale, c’est lui qui prime avant tout. Nous lui demandons s’il veut écouter de la musique, et quelles sont ses préférences. Parfois, il vient avec sa playlist et, pour une césarienne, par exemple, les futurs parents choisissent de faire naître leur enfant sur un fond musical particulier. En revanche, si le patient est endormi, la décision du choix musical revient à l’équipe soignante. Ce sont le chirurgien et le médecin anesthésiste qui portent l’acte opératoire, leur concentration doit être maximale et la gestion du stress peut être atténuée par la musique. C’est à eux que revient cette question, ce qui n’est pas choquant en soi. D’autant que dans notre établissement, le choix de la musique relève d’une décision collégiale »?, explique Gaëlle Perrot-Brenzinger, infirmière de bloc au CH de Belvédère, à Mont-Saint-Aignan (76), et auteure d’un mémoire sur la sonorité au bloc opératoire.

LES BONNES PRATIQUES

→ Le choix de la musique doit être, dans la mesure du possible, une décision collégiale, tant pour le choix des morceaux que pour le volume sonore.

→ Être respectueux du patient et de ses collègues, et garder le volume sonore adapté.

Playlist

→ Qu’écoute-t-on au bloc ? Si la plupart des services privilégient la musique classique ou douce, peut-être en raison de l’absence de paroles, avance le Dr David Bosanquet, chirurgien à l’hôpital universitaire du Pays de Galles (Cardiff), il n’en demeure pas moins que le choix des morceaux dépend de la personnalité du chirurgien. Son service a d’ailleurs proposé une playlist qui comprend « Staying alive » des Bee Gees, « Smooth operator » de Sage ou encore, « Wake me up before you go go », incontournable pendant la phase de réveil.

La main du chirurgien

→ En 1997, une étude britannique* précisait que 72 % des 200 chirurgiens anesthésistes interrogés travaillaient régulièrement sur fond musical. 26 % d’entre eux estimaient que la musique réduisait leur vigilance et gênait la communication avec les autres soignants, et 11,5 % qu’elle pouvait les rendre moins vigilants face aux alarmes.

De plus, bien qu’ils reconnaissent les bienfaits de la musique sur leur dextérité, ils étaient 51 % à penser que la musique pouvait les rendre moins réactifs face aux problèmes rencontrés lors d’une anesthésie.

* « Music in theatre : not so harmonious, A survey of attitudes to music in the operating theatre », C. Hawksworth, A. J. Asbury et K. Millar, Anesthesia, 1997

Étude

→ Réalisée entre 2012 et 2013, une étude britannique* publiée dans le Journal of Advanced Nursing a analysé 20 vidéos d’interventions de 4 chirurgiens - dont 13 laparoscopies et 7 interventions de chirurgie classique - dans deux blocs opératoires qui diffusaient ou non de la musique. Son objectif ? Observer l’impact de la musique sur la communication au sein du bloc.

→ Pour l’analyse de ces 69 heures d’enregistrement, le panel s’est penché sur les séquences de questions-réponses entre le chirurgien et l’équipe soignante, et le nombre de répétitions nécessaires pour faire passer une information. Ainsi, en l’absence de musique, ils ont relevé 6 répétitions sur 1 649 demandes contre 63 sur 3 585 demandes sur fond musical. La nécessité de répéter ses demandes faute d’être entendu était donc cinq fois plus fréquente en présence de musique.

* « Music and communication in the operating theatre », S. M. Weldon, T. Tehri Korkiakangas, J. Bezemer, R. Kneebone, Journal of Advanced Nursing, 2015.