Les champs des possibles - L'Infirmière Magazine n° 380 du 01/03/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 380 du 01/03/2017

 

SANTÉ SOMATIQUE ET MENTALE

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

FRANÇOISE VLAEMÜNCK  

Le premier centre de santé alliant santé somatique et santé mentale a été inauguré en juin 2016 dans les quartiers nord de Marseille. Une initiative plébiscitée par les professionnels de santé qui voient déjà les bénéfices d’une telle offre de soins pour leurs patients.

Ils sont souvent présentés comme les quartiers les plus pauvres de France. Les 15e et 16e arrondissements de Marseille, là où l’offre de médecine générale se raréfie et celle de spécialité est quasi inexistante, bénéficient depuis juin dernier d’un nouveau centre de santé couplé à un centre médico-psychologique (CMP). Une première dans l’Hexagone qui permet d’offrir en un même lieu une prise en charge somatique et/ou médico-psychologique à quelque 80 000 personnes. À l’origine de ce projet, quatre anciennes généralistes de centres de santé de la région pour qui la médecine de service public est une seconde nature.

« Lorsque nous avons pris contact avec l’ARS en 2013, notre projet était déjà bien ficelé. L’agence nous a cependant proposé de nous rapprocher de l’hôpital psychiatrique Édouard-Toulouse qui cherchait à relocaliser le CMP du Parc qu’il avait rapatrié deux ans plus tôt dans ses murs du fait de la vétusté des anciens locaux – avec pour effet, une baisse substantielle de l’activité infirmière, puisque la patientèle du CMP avait une réelle réticence à se rendre à l’hôpital », explique le Dr Annie Guillard. « Tout est allé ensuite relativement vite et Édouard-Toulouse est devenu le porteur du projet. De toute façon, nous étions décidées, même seules, à créer un centre ! Aujourd’hui, nous sommes cependant ravies que l’opportunité ait pu se concrétiser », relève le Dr Françoise Eynaud.

Agences nationales de santé, État, région et département ont apporté leur soutien financier pour aménager et équiper du sol au plafond le centre, situé au cœur d’une petite zone d’activités artisanales à l’entrée de l’Estaque. Le centre André-Roussin est ouvert six jours sur sept de 8 heures à 19 heures. « On touche toute la population, des familles populaires des cités aux personnes âgées. Aujourd’hui, en plus de quatre médecins généralistes et d’une infirmière, nous proposons des consultations en gynécologie, dermatologie, ORL, pédiatrie et gastrologie. Par contre, nous cherchons toujours un rhumatologue et un cardiologue », détaille Françoise Eynaud.

Une misère sociale

« L’extrême paupérisation caractérise les quartiers que nous couvrons. Cette misère sociale engendre des pathologies psychiatriques et des violences de diverses natures. Le tout complexifié par la juxtaposition de cultures qui n’ont pas recours aux mêmes outils de soin. Nos patients, qui ont souvent la cinquantaine, ont pourtant des problèmes cardiaques, pulmonaires, dentaires ou encore du diabète », explique Jean-Jacques Cardinoti, infirmier au CMP. Pour l’équipe du CMP, qui compte six infirmières, une équipe de psychologues et de psychiatres pour une file active d’environ 3 000 patients, pouvoir recourir aisément à l’équipe du centre facilite grandement la prise en charge. « Chacun garde ses missions, mais nous avons des patients en commun. Notre proximité – seul un escalier nous sépare – permet une réelle réactivité et les patients se sentent vraiment en confiance », précise Marina Garraud, infirmière du CMP. « On se nourrit l’un et l’autre de la prise en charge. Dorénavant, on arrive à coordonner la prise en charge alors qu’avec le secteur libéral, on avait des difficultés à organiser un suivi et à obtenir un retour d’information. Maintenant, c’est fluide », note l’IDE.

Des visites à domicile et hors les murs conjointes sont également organisées par les équipes. Elles visent notamment des patients plutôt réfractaires à une prise en charge somatique. Pour certains, en quelques semaines, cette collaboration a produit des effets spectaculaires. Quelques-uns viennent maintenant seuls consulter les médecins ou l’infirmière du centre et acceptent de se rendre au laboratoire d’analyses médicales qui est à 50 mètres du centre. Une petite victoire pour Jean-Jacques Cardinoti : « Avant, c’était inimaginable. Mais grâce à ce travail en commun, aujourd’hui, c’est possible. »