LE BIOFILM EN DÉBAT - L'Infirmière Magazine n° 380 du 01/03/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 380 du 01/03/2017

 

JOURNÉES CICATRISATION 2017

ACTUALITÉS

COLLOQUES

CAROLINE BOUHALA  

Le biofilm, mythe ou réalité ? Accusé de retarder la cicatrisation, le sujet soulève encore beaucoup de questions.

Quoi de neuf ? C’est la question rituelle qui, cette année encore, a ouvert les Journées cicatrisations organisées à Paris par la par la Société française et francophone des plaies et cicatrisations (SFFPC) en janvier dernier. Pas de véritable innovation du côté des pansements, plutôt des améliorations techniques. Et demain ? Le Dr Christine Faure, pharmacien hospitalier à Montpellier (34), envisage deux possibilités : « Soit ce sera un retour aux sources vers le naturel » avec, pour illustration, un produit breveté en 2016 contenant de la cannelle pour ses propriétés anti-odeur, « soit un pas vers le futur, avec un pansement connecté qui nous permettra de détecter l’état de la plaie et de transmettre l’information directement au praticien. » En attendant une annonce révolutionnaire, faisons un point sur le biofilm.

Effet de mode ?

Alors, le biofilm, un mythe ou une réalité ? Vaste question sur laquelle s’est penchée le Dr Sylvie Meaume, dermatologue et gériatre à l’hôpital Rothschild (AP-HP), à Paris. Correspondant à une organisation bactérienne complexe, le biofilm est capable de créer une matrice protectrice la rendant difficile à éliminer. Présent un peu partout dans l’environnement, il est également accusé de se développer sur certaines plaies et d’en retarder la cicatrisation. Il serait également responsable d’infections répétées en raison de bactéries contenues dans le biofilm qui sont relarguées à l’extérieur de la matrice. « Est-ce un effet de mode ? Un concept marketing ? On l’a cru un peu, mais il y a quand même plus que des prémices d’une approche scientifique », explique le Dr Meaume. Le biofilm coloniserait surtout les plaies chroniques, avec une fréquence variable selon les études, allant de 12 à 100 % de ces plaies. Sa présence doit surtout être évoquée face à une plaie qui ne se cicatrise pas malgré une prise en charge adaptée ou en cas d’infections récurrentes d’une plaie. En l’absence de test diagnostic simple et efficace, des algorithmes ont été mis en place afin d’aider le soignant à savoir s’il y a un biofilm. Si sa présence est fortement probable, le traitement repose globalement sur les mêmes règles de bonnes pratiques en soin des plaies, mais avec quelques ajustements. Le Dr Meaume recommande ainsi « un changement de pansement quotidien avec un lavage et une détersion systématiques ». L’usage d’antiseptique peut également aider. Mais pas n’importe lequel, car « les antiseptiques classiques ne sont pas vraiment actifs ». Elle recommande le recours à un antiseptique à large spectre avec une action antibiofilm comme le Protonsan. De nombreuses recherches restent néanmoins à faire afin de développer les connaissances et thérapeutiques sur cette problématique.

PLAIES AU CINÉMA

Montre moi ta plaie, je te dirais qui tu es

Alors que le monde médical cherche à les faire disparaître, le cinéma regorge d’imagination pour en créer. « Les plaies ont un écho dramatique très fort et très efficace. Des sortes d’accélérateurs émotionnels », décrypte Emmanuel Raspiengeas, critique pour le cinéma. Apparues en 1895 au cinéma, elles ont évolué avec le temps, notamment lors des guerres mondiales qui « ont représenté un véritable virage en changeant le regard sur la violence et les blessures », explique-t-il. « On va découvrir des blessures qu’on ne connaissait pas avant et là où la peinture ira vers quelque chose de plus abstrait, le cinéma va assumer un réalisme total. » Selon lui, Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg en est un très bon exemple : « Contrairement à ses prédécesseurs, il a mis la caméra au centre de la plaie pour immerger le spectateur dans ce spectacle extrêmement violent et montrer toute l’horreur de la guerre. » Les plaies peuvent également être tout simplement des révélateurs de maladies, comme dans Philadelphia où le héros, atteint du sida, est trahi auprès de ses collègues à travers ses lésions. Elles peuvent aussi servir d’outil narratif intéressant, comme l’explique le critique de cinéma : « C’est une méthode très efficace pour s’épargner des dialogues qui pourraient être un peu ridicules ou trop techniques finalement. » Enfin, les avancées technologiques ont donné naissance à un nouveau genre de film, la science-fiction, où les plaies vont jouer encore un nouveau rôle comme il l’explique : « La plaie va permettre de mettre en balance le robot et l’être humain, on pourrait dire, de façon étrange, montre-moi ta plaie, je te dirai qui tu es. »