Une escarre découverte lors d’une hospitalisation - L'Infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017

 

FORMATION

CAS CLINIQUE

Alexia Lallemand  

Alors qu’elle est admise en médecine interne et soins aigus gériatriques pour altération de l’état général et broncho-pneumopathie, une escarre de stade 4 est découverte sur une patiente de 93 ans. Tout est mis en œuvre pour « guérir sa plaie ».

L’HISTOIRE

→ Mme B., 93 ans, est veuve sans enfant, elle est autonome et vit seule au domicile.

→ Le 10 janvier, elle chute chez elle en se baissant pour ramasser une feuille. Elle a alors un traumatisme crânien avec un hématome frontal et périorbitaire droit. Elle reste au sol pendant environ huit heures. Elle aurait présenté à ce moment-là des difficultés d’élocution puis, par la suite, des vomissements itératifs. Une clinophilie s’installe progressivement.

→ Son médecin traitant l’adresse alors aux urgences pour réaliser un scanner cérébral qui montre une séquelle d’accident vasculaire cérébral (AVC). Son poids est de 58 kg.

→ De retour à son domicile, Mme B. est dysarthrique et elle a des troubles de la déglutition sévères entraînant des fausses routes et une anorexie, l’ensemble ayant pour conséquence une altération de l’état général (AEG) avec une clinophilie. Des aides sont alors mises en place par son médecin traitant : Idel pour les soins, lit médicalisé, kinésithérapie, aide aux repas, orthophoniste. Son état s’aggrave progressivement avec l’arrêt des médicaments.

→ Le 22 février, Mme B. est amenée aux urgences pour une dyspnée aiguë avec une désaturation en air ambiant et un encombrement. Les différents examens concluent à une broncho-pneumopathie ; un traitement antibiotique est alors débuté.

→ Le bilan biologique montre une dénutrition sévère avec une albumine à 20 g/l (pour une protéine C réactive - CRP - à 7 mg/l) et une déshydratation intracellulaire.

→ Le 23 février, la patiente est hospitalisée en médecine interne et soins aigus gériatriques pour altération de l’état général avec asthénie importante et broncho-pneumopathie sous antibiotiques.

→ À l’entrée, l’interne constate une dysarthrie avec une faiblesse des membres notamment à droite, une déshydratation importante et une dénutrition (albumine à 20 g/l) au bilan biologique avec anasarque (syndrome œdémateux généralisé).

→ Une escarre du sacrum de stade 4, nécrotique, d’environ 8 cm de diamètre est découverte avec une peau périphérique inflammatoire. Son poids à l’entrée en médecine est de 52,7 kg.

PRISE EN CHARGE

Devant l’état général et les troubles neurologiques de la patiente, l’équipe décide de réaliser un angio-scanner cérébral en urgence : ce dernier retrouve des signes d’un AVC sylvien gauche semi-récent. Comme l’alimentation per os est impossible du fait des nombreuses fausses routes, la patiente est alors mise à jeun et la pose d’un Piccline(1) est nécessaire pour débuter une réhydratation et une alimentation parentérale.

Refus d’hospitalisation en soins palliatifs

→ La détersion de l’escarre du sacrum est débutée mais la nécrose est dure : un protocole de pansement par hydrogel et film est débuté afin de ramollir la nécrose, associé à une détersion mécanique quotidienne. Mme B. est installée sur un matelas à air dynamique avec des changements de position réguliers d’autant plus que son sacrum est douloureux.

→ Quelques jours plus tard, Mme B. est en sepsis sévère. Son état général est critique ; somnolente, elle ne s’alimente toujours pas. Il y a alors une discussion avec l’ensemble de l’équipe pluri-professionnelle pour une prise en charge en soins palliatifs. En effet, Mme B. est âgée de 93 ans avec, à ce moment précis, un pronostic vital engagé et peu de réserves du fait de sa dénutrition. Nous ne pouvons toujours pas l’alimenter suffisamment. Cependant, après avoir longuement parlé avec Mme B. de son état de santé critique et de tous les soins qui seraient nécessaires, celle-ci refuse les soins palliatifs. Elle souhaite que nous poursuivions les soins afin de la « remettre sur pieds ». Elle souhaite également que nous mettions tout en œuvre pour « guérir sa plaie ».

Aggravation de l’escarre et soins

Entre temps, son escarre du sacrum s’est aggravée. Elle est nauséabonde avec un important exsudat purulent. Un décollement s’est formé sur tout le pourtour de la plaie et un contact osseux fini par apparaître. Il est envisagé une ostéite sur l’escarre sacrée pour expliquer le passage en choc septique.

→ La détersion quotidienne est poursuivie avec un protocole d’alginate de calcium humide puis introduction de Flammazine (sulfadiazine argentique) après avoir réalisé des prélèvements bactériologiques profonds (osseux) en chambre par le médecin du service.

→ Un scanner du bassin est réalisé. On retrouve un « trajet fistuleux en regard de l’escarre avec une forte probabilité d’ostéite ». Une antibiothérapie probabiliste est débutée. Nous poursuivons la détersion sous protoxyde d’azote (Kalinox, Entonox), car Mme B. est de plus en plus douloureuse lors des soins.

→ Les prélèvements bactériologiques reviennent positifs à deux germes. L’antibiothérapie est réajustée avec l’antibiogramme. L’état de la plaie s’améliore sous protocole sulfadiazine argentique et alginate de calcium.

Amélioration de l’état général

→ Depuis son entrée, la dysarthrie et les troubles de la déglutition ont nettement régressé grâce à des séances d’orthophonie, la patiente a repris une alimentation légère sans fausses routes.

La patiente s’alimente de mieux en mieux, mais l’alimentation parentérale est poursuivie, car ses apports restent insuffisants. Même si le Piccline doit être retiré le 31 mars suite à une infection, l’état général de Mme B. s’améliore de jours en jours.

→ La plaie sacrée s’améliorant toujours avec l’antibiothérapie et les soins locaux, il est discuté avec Mme B. de son devenir. Elle renouvelle alors son souhait de voir cicatriser son escarre. Il est donc décidé la pose d’une thérapie par pression négative (TPN).

→ La patiente est transférée en service SSR (soins de suite et de rééducation) le 13 avril pour la continuité de sa prise en charge. Son poids est de 54,3 kg et son albumine est à 24 g/l.

1 - Voie veineuse centrale insérée dans une veine périphérique du bras dont l’extrémité distale se positionne au niveau de la veine cave supérieure avec l’oreillette droite.

Les étapes vers la guérison

12 mars Après la détersion de la plaque de nécrose, l’hypoderme et le tissu adipeux apparaît. La peau périphérique est lésée. Une fois le tissu adipeux retiré, car dévitalisé, nous découvrons une cavité de plusieurs centimètres de profondeur.

19 mars La peau périphérique lésée est protégée par un hydrocolloïde afin de pouvoir coller le pansement secondaire. Les exsudats purulents et nauséabonds sont très importants, faisant suspecter une infection. Des décollements apparaissent. Difficiles d’accès pour une détersion au bistouri, ils doivent être méchés avec de l’alginate de calcium afin de faire une détersion autolytique à l’aide du pansement.

23 mars La quantité des exsudats diminue et la plaie est de plus en plus bourgeonnante. Les décollements sont toujours présents.

20 avril La fibrine a totalement disparue. Le tissu de bourgeonnement obtenu grâce à la TPN est très vascularisé, ce qui lui donne sa couleur rouge foncée

20 juin Après cinq semaines de TPN, la cicatrisation se poursuit avec un hydrocellulaire cavité.