Quand recourir à la TPN ? - L'Infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017

 

FORMATION

EN PRATIQUE

Alexia Lallemand  

La thérapie par pression négative est utilisée en deuxième intention pour les escarres de stade 3 et 4 dans le but de favoriser la formation d’un tissu de granulation de qualité.

1. DÉFINITION ET OBJECTIFS(1)

La thérapie par pression négative (TPN) consiste à maintenir une plaie, au moyen d’une mousse ou d’une gaze fermée par un film de façon étanche, reliée à un bloc moteur créant une dépression et à un réservoir recueillant les exsudats, à une pression inférieure à la pression atmosphérique. La TPN n’a pas pour but final une cicatrisation complète, mais de :

- favoriser la formation d’un tissu de bourgeonnement afin de combler rapidement une perte de substance étendue ou profonde pour préparer une fermeture chirurgicale ou en cicatrisation dirigée (complexité réduite de la plaie). En effet, l’application d’une contrainte mécanique (aspiration) par l’interface mousse-plaie entraîne une expansion inverse du tissu ;

- stimuler la néoangiogénèse (formation de nouveaux vaisseaux sanguins) permettant une meilleure perfusion du derme (apport de nutriments et d’oxygène) ;

- drainer les exsudats et éviter l’infection de la plaie en réduisant la colonisation bactérienne ;

- réduire ou supprimer la rétraction des berges de la plaie ;

- former un pansement temporaire en vue d’un geste chirurgicale ultérieur.

2. INDICATIONS

L’HAS a retenu plusieurs indications de plaies pour la TPN et leur possibilité d’utilisation. La plaie doit être exempte de toute nécrose et avoir un taux de fibrine inférieur à 40 %. Elle est utilisée en première intention pour les plaies aiguës - pertes de substance profonde ou étendue suite à un traumatisme, une brûlure ou une chirurgie - ou encore comme les désunions de cicatrice dont la profondeur, la largeur ou la localisation ne permettent pas une fermeture par suture. Ces plaies aiguës, notamment traumatiques, peuvent être infectées ou non. La laparostomie ou « abdomen ouvert » est une indication particulière. En effet, dans ce cas, l’objectif principal sera la fermeture temporaire de l’abdomen, et non la cicatrisation complète, en évitant les risques d’hyperpression intra-abdominal et de rétraction des tissus de la paroi abdominale.

La TPN est utilisée en deuxième intention dans les plaies chroniques comme :

- l’ulcère de jambe en vue d’une greffe cutanée ;

- l’escarre de stade 3 et 4 avec infection ou non ;

- la plaie du pied diabétique avec perte de substance étendue ou profonde, non ischémique ou après un geste de revascularisation.

3. CONTRE-INDICATIONS

Dans certaines situations, l’utilisation de la TPN est strictement contre-indiquée :

- hémorragie active non contrôlée ;

- plaie maligne, persistance de tissu tumoral après exérèse chirurgicale ;

- plaie nécrotique ou fibrineuse à plus de 40 % ;

- infection notamment osseuse non contrôlée ;

- plaie artérielle ischémique non revascularisée ;

- fistule non explorée;

- patient non coopérant : intolérance psychologique, trouble du comportement, démence…

Constituent une contre-indication relative, les troubles de la coagulation (exemple : patient sous anticoagulant), l’exposition de structures nobles comme de l’os, des vaisseaux sanguins ou des organes. En effet, l’utilisation de la TPN est possible avec certaines précautions d’emploi.

4. SURVEILLANCE ET PRÉCAUTIONS D’EMPLOI

Une évaluation de la plaie (évaluation colorielle et dimensions) doit être faite à chaque réfection de pansement tous les 2 à 3 jours. Si au bout de deux à trois changements de pansement, la plaie n’a pas évolué, on peut considérer que le traitement par TPN est un échec. La surveillance de la peau péri-lésionnelle est fondamentale, car c’est à cet endroit que le film va se positionner. La peau doit être intacte pour assurer une parfaite étanchéité au moment du pansement et sa durabilité dans le temps.

La surveillance de la quantité et de la qualité des exsudats est importante, car elle permet de détecter précocement une hémorragie.

Si des structures nobles sont exposées, il est indispensable de positionner une interface type tulle siliconée ou alginate entre la mousse et la plaie pour éviter de détériorer ces structures lors du retrait. Il en est de même si le patient reste douloureux malgré toutes les autres solutions envisagées (prémédication, antalgiques).

1 - HAS, Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées, Fiche de bon usage des technologies de santé, janvier 2011 ().

Cas particuliers

Technique du pont (voir p. 51) : c’est un moyen de relier deux plaies proches ou bien de déporter la pastille d’aspiration quand la localisation de la plaie ne permet pas de la positionner. La dépression appliquée est identique sur l’ensemble.

Technique du « champignon » : elle est utilisée lors que le diamètre de la plaie (en générale cavitaire) est inférieur au diamètre de la pastille d’aspiration (5 cm environ). Elle est semblable au « pont ». L’hydrocolloïde est positionné sur la peau péri-lésionnelle. Une mousse permet de mécher la cavité. Un rond de mousse de plus de 5 cm de diamètre sera ensuite positionner à plat sur la plaie et l’hydrocolloïde. Le tout est recouvert de film et la pastille d’aspiration viendra se poser par-dessus l’ensemble.

La TPN en image

→ Rassembler le matériel nécessaire : set de pansement stérile et sérum physiologique • masque, charlotte, gants non stériles • solution hydro-alcoolique • gants stériles • paire de ciseaux stérile ou scalpel • kit de TPN comprenant une mousse adaptée à la taille de la plaie, un film de polyuréthane et une pastille d’aspiration.

→ Le changement de réservoir peut s’effectuer indépendamment du changement de pansement. Prévoir un réservoir par semaine ou plus si la plaie est très exsudative.

→ Différentes tailles de réservoir existent selon les fabricants.

→ Afin de procéder à la réfection du pansement, il est indispensable d’éteindre la machine 1 heure avant pour que la mousse reprenne sa forme et libère les bourgeons piégés.

→ Puis déconnecter le réservoir.

→ Quand la mousse a repris sa forme, la saturer de sérum physiologique (froid de préférence pour l’effet antalgique) à l’aide d’une seringue et d’un trocart. Cette action favorise le décollement de la mousse.

→ Attention de piquer de manière très superficielle dans la mousse pour ne pas blesser le patient.

→ Il est également possible d’utiliser de la lidocaïne sur prescription médicale.

→ Procéder au retrait en commençant par le film tout en maintenant la mousse en place.

→ La mousse est retirée délicatement pour ne pas abîmer le tissu de bourgeonnement.

→ Continuer à irriguer avec du sérum physiologique pour favoriser le décollement de la mousse.

→ Nettoyer la plaie au sérum physiologique.

→ Retirer la fibrine éventuellement présente.

→ Rechercher et explorer les éventuels décollements.

→ Réaliser un calque.

→ Ici, nous utilisons l’intérieur de l’emballage du set à pansement que nous avons pris soin de garder stérile.

→ Le calque, en plus de servir pour le suivi de la plaie, est utilisé comme gabarit de surface pour la découpe de la mousse.

→ Positionner la mousse sur la plaie pour vérifier sa taille. La mousse ne doit pas être tassée dans la plaie, ne doit dépasser des berges ni en largeur ni en hauteur.

→ Pour combler les cavités et décollements, il est possible d’utiliser plusieurs morceaux de mousse, à condition que tous se touchent entre eux.

→ Si la peau péri-lésionnelle est abîmée, il est nécessaire de positionner des bandes d’hydrocolloïde mince pour pouvoir coller le film sur celles-ci.

→ Fixer une première bande de film adhésif pour maintenir la mousse.

→ Ajuster la position de la mousse si nécessaire.

→ Couper et coller une bande de film plus large afin de couvrir entièrement la mousse.

→ Déborder assez largement sur la peau péri-lésionnelle. Il est possible d’effectuer cette opération en deux étapes. Le film ne doit pas faire de plis pour assurer une étanchéité optimale.

→ Si la peau péri-lésionnelle est abîmée, il est nécessaire de positionner avant des bandes d’hydrocolloïde mince et de coller le film sur celles-ci.

→ Découper le film (et uniquement le film) à l’aide des ciseaux ou du scalpel.

→ Le trou doit correspondre à la taille de la pastille d’aspiration, en généralla taille d’une pièce de 2 euros.

→ Si le diamètre de la plaie est inférieur à celui de l’orifice, il faudra alors utiliser la technique du « champignon » afin de ne pas endommager les berges.

→ Présenter la pastille d’aspiration. La positionner de manière à ce qu’elle ne gène pas le patient, mais tenir également compte qu’il ne faut pas créer un point d’appui sur le trajet de la tubulure (risque d’escarre).

→ Il existe une méthode dite « du pont » pour déporter le site d’aspiration vers une zone qui ne créera pas d’appui.

→ Coller la pastille et retirer le film supérieur.

→ Connecter au réservoir et mettre en marche la machine.

→ Procéder aux réglages de dépression selon la prescription médicale.

→ Vérifier l’absence de fuites.

TECHNIQUE DU PONT

1 Positionner un hydrocolloïde mince surla peau saine entre les deux mousses.

2 Préparer le « pont » de mousse sur l’hydrocolloïde.

3 Couvrir l’ensemble avec du film adhésif.

→  Inciser le film (faire un trou d’environ 2 à 2,5 cm de diamètre).

4Positionner la pastille d’aspiration.

Toutes les photos sont extraites d’un film réalisé par les membres de la commission plaies et cicatrisation du CHU de Montpellier : Julie Chevrier, Alexia Lallemand, Emmanuelle Valette et Stéphanie Vernet.