Prise en charge globale - L'Infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

A. L.  

Outre le pansement, la prise en charge de l’escarre doit se faire de manière globale et pluriprofessionnelle, en prenant en compte l'ensemble des facteurs de risque du patient.

Même le pansement le plus performant sera inefficace si la pression n’est pas soulagée, si la dénutrition n’est pas corrigée ou si la circulation sanguine périphérique n’est pas rétablie. La suppression de l’appui est indispensable. Indépendamment du stade de l’escarre, les soins locaux de l’escarre sont orientés par l’évaluation colorielle, l’évaluation des exsudats, des odeurs, de la peau périphérique et par la suspicion d’infection de la plaie.

Dans le stade 1 de l’escarre, l’épiderme est encore intact, mais est très fragile. Il convient donc de le protéger en appliquant un film transparent de polyuréthane ou un hydrocolloïde mince. Dans le stade 2, les phlyctènes doivent être ouvertes afin d’évacuer le liquide et d’évaluer le derme. Le toit de la phlyctène peut être conservé ou non. Lors du soin d’escarre, les précautions d’hygiène standard doivent être appliquées afin d’éviter une contamination croisée.

Nettoyage et détersion

Le nettoyage de l’escarre se fait avec du sérum physiologique afin de respecter la colonisation naturelle de la plaie, indispensable à sa cicatrisation. En effet, les objectifs du lavage de l’escarre sont d’éliminer les exsudats et de retirer les tissus morts tout en limitant la prolifération bactérienne. Les antiseptiques sont à proscrire car, en plus de sélectionner les germes les plus résistants de la flore naturelle de la plaie, leur emploi est contre-indiqué avec certains pansements.

→ La détersion d’une plaie est un phénomène physiologique de la cicatrisation. Il s’agit de l’élimination des tissus nécrotiques, des débris cellulaires et des corps étrangers retardant la cicatrisation et favorisant les infections par les macrophages et les polynucléaires (mécanisme de phagocytose). Mais la détersion physiologique est un mécanisme long et incomplet dont le résultat est incertain. Plusieurs méthodes de détersion peuvent être utilisées en complémentarité. Dans tous les cas, la phase de détersion doit être la plus courte et la plus efficace possible et être la moins traumatisante possible pour le patient.

→ La détersion autolytique consiste à utiliser le principe d’action de certains pansements (hydratant, irrigo-absorbant, absorbant) pour effectuer la détersion de la plaie. En effet, en ramollissant la nécrose et la fibrine par le maintien d’un milieu humide important, celles-ci seront absorbées (selon le type de pansement) et retirées au retrait du pansement. Elle est facile à utiliser et peu douloureuse pour le patient. En revanche, elle est longue et incomplète et ne peut être utilisé en cas d’infection.

→ La détersion mécanique est l’utilisation d’instruments chirurgicaux (bistouri, ciseaux et pinces) par l’infirmière (le plus souvent), le chirurgien ou le médecin au lit du malade pour retirer les tissus retardant la progression du tissu de granulation (tissus nécrotiques et fibrineux dévitalisés), retirer les tissus potentiellement infectés et explorer la plaie (recherche des décollements). Elle doit se faire :

• sans douleur : les tissus dévitalisés sont en principe dépourvus d’innervation, mais la détersion mécanique peut nécessiter une prémédication ou une anesthésie locale. Si le patient est douloureux, elle doit être stoppée ;

• sans saignement : les tissus dévitalisés ne sont plus vascularisés. Le saignement signe la limite entre tissu sain et tissu à déterger.

→ La détersion mécanique de l’escarre se fait du centre vers la périphérie sans dépasser les berges du tissu sain. La nécrose sèche et dure doit être scarifiée au bistouri avant l’application d’un pansement hydratant afin de faciliter la pénétration du produit.

→ La détersion chirurgicale est faite par un chirurgien dans un bloc opératoire sous anesthésie générale ou loco-régionale. Son recours est quasi systématique pour les escarres « neurologiques », car elles concernent le patient souvent jeune paralysé. Elle doit être envisagée dans le cas de nécrose tissulaire importante nécessitant une mise à plat rapide, d’escarre infectée ou de structures nobles exposées telles que les vaisseaux, les nerfs, les articulations, les structures musclo-tendineuses ou lorsque l’os est à nu. C’est également le moment choisi pour faire les prélèvements bactériologiques profonds permettant d’adapter une antibiothérapie par voie générale.

Cas de l’escarre du talon

L’escarre du talon requiert une prise en charge plus spécifique qui nécessite quelques précautions. En effet, il s’agit de la localisation la plus sensible à l’état de vascularisation. Si une détersion mécanique est débutée sans connaître le statut « vasculaire » du patient, l’absence ou l’insuffisance de circulation artérielle, donc d’apports d’oxygène et de nutriments au niveau de la plaie, entraîne une re-nécrose des tissus détergés ainsi qu’une extension de cette nécrose. Les risques infectieux sont également majorés.

Si une artériopathie obstructive des membres inférieurs (Aomi) est suspectée, la détersion doit être retardée. Il est préférable alors de sécher la plaie (« momifier ») afin de stabiliser cette nécrose en attendant d’avoir les résultats des examens complémentaires. En l’absence d’une revascularisation (qui n’est pas toujours faisable selon l’état général du patient et ses autres pathologies), l’amputation est parfois la seule issue possible.

Pansements

Après avoir fait une évaluation minutieuse de la plaie, le choix du pansement (1, 2) constitue une étape importante des soins locaux de l’escarre. À chaque plaie peut correspondre plusieurs familles de pansement (voir tableau). Le choix se fera donc en fonction du stade de la plaie et de l’état du patient. Mais il est aussi dépendant du soignant, de l’habitude de l’utilisation du produit, de sa disponibilité comme de la tolérance du patient (allergie à certaines colles par exemple).

Prise en charge de la douleur

La douleur du patient porteur d’escarre peut être présente en continu ou uniquement lors des soins. Elle peut être due aux changements de position, aux mobilisations ou à l’installation lors de la réfection du pansement. Elle peut également se limiter au retrait du pansement. Elle est souvent influencée par le vécu du patient, sa culture, son état mental, son environnement, le lieu du soin et le moment choisi pour le soin.

→ Toutes ces circonstances doivent donc être évaluées et analysées afin d’adapter les moyens de lutte contre la douleur. Un traitement antalgique de fond doit être instauré si la douleur est continue. Une prémédication ou l’utilisation du Meopa (gaz à base de protoxyde d’azote ayant des propriétés analgésiques). Des mesures non médicamenteuses peuvent également être envisagées : modification de l’installation du patient, séances de relaxation…

→ La peau périphérique de l’escarre peut également rendre le retrait du pansement douloureux du fait de la sensibilité accrue des nerfs périphériques (mémorisation des expériences vécues). Un retrait « sec » et rapide du pansement pour « atténuer la douleur » peut avoir l’effet inverse et créer des lésions tissulaires supplémentaires (lésions de la peau périphérique, arrachement des bourgeons de cicatrisation). Certains facteurs contribuant ou créant de la douleur lors du soin d’escarre peuvent être prévenus ou évités :

• un pansement desséché se retrouve collé sur l’escarre et sera très douloureux au retrait s’il n’est pas humidifié abondamment au préalable. Un changement de classe de pansement peut être envisagé ;

• un pansement adhésif sur une peau périphérique fragilisée peut créer des lésions lors de son retrait. Il lui sera alors préféré une bande ou un filet de maintien. Certains pansements existent dans des formes non adhésives ;

• le nettoyage de la plaie par frottement avec une compresse ou un tampon sera remplacé par une irrigation abondante ;

• la détersion mécanique par instruments peut être substituée par une détersion autolytique si elle est trop douloureuse pour le patient et que les moyens médicamenteux ne soulage pas (prémédication par antalgique de palier 3, utilisation de Meopa).

1 - HAS, Haute Autorité de santé. Fiche de bon usage des technologies médicales. Les pansements, indications et utilisations recommandées. Avril 2011 (bit.ly/1UchXYJ).

2 - Christine Faure, pharmacienne au CHU de Montpellier. Quel pansement pour quelle plaie ? Site de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations ().

3 - Arrêté du 20 mars 2012 du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé fixant la liste des dispositifs médicaux que les infirmières sont autorisées à prescrire, consultable sur Légifrance (bit.ly/2gFCwhE).