La lutte contre les escarres : un défi à relever au quotidien - L'Infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 378 du 01/01/2017

 

FORMATION

RÉFLEXION

Sylvie Palmier  

Alors qu’une escarre peut survenir en deux heures, la lutte contre l’immobilité des patients, qui reste le cœur de la prévention, relève parfois du défi pour les infirmières.

En France, l’escarre représente presque un quart des plaies chroniques rencontrées. Pour la moitié de ces patients, un épisode hospitalier s’inscrit dans leur parcours de soins(1). L’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France a communiqué un taux de prévalence de 9,1 % en 2015(2). En Europe, selon les études, ces taux varient entre 8 % et 18 % dans les hôpitaux, et entre 6 % et 31 % dans les établissements de soins de suite et les Ehpad. Ainsi, malgré les progrès dans ce domaine, l’escarre est encore responsable de nombreuses souffrances. Elle est associée à un inconfort des patients, une comorbidité importante et des soins coûteux.

Une formation adaptée aux responsabilités des professionnels

Depuis le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004, la prévention et le soin d’escarres relèvent du rôle propre de l’infirmière. Cela signifie que le législateur juge l’IDE comme le professionnel compétent pour gérer le risque et les soins de ces plaies. Autrement dit, toute infirmière doit savoir prendre toutes les initiatives nécessaires qu’elle juge utiles pour la prévention et la prise en charge des escarres des patients dont elle a la charge. Il est important de réaffirmer ce niveau de responsabilité des IDE. Si l’infirmière se retrouve donc comme le chef d’orchestre de cette partition, rien ne peut se jouer sans la participation des autres acteurs de santé. En effet, seules, les infirmières ne peuvent pas faire face. La recherche d’une efficience accrue passe par la pertinence de leurs plans de soins qui doivent inclure impérativement les équipes aides-soignantes, les ergothérapeutes, les kinésithérapeutes, les diététiciens, les pharmaciens et les équipes médicales. Un des leviers majeurs réside donc dans la formation initiale de l’ensemble de ces acteurs. Mais, accompagner les professionnels de ville et les équipes hospitalières dans l’évolution de leurs pratiques reste essentiel ; ce qui rend le thème de l’escarre incontournable dans les catalogues de formation continue. La formation, dans son contenu, sera adaptée aux différents niveaux de responsabilités de chacun.

D’après la conclusion de la conférence de consensus de 2001 sur la prévention et le traitement de l’escarre(3), « il est recommandé que des professionnels de qualifications différentes et des équipes développent une compétence particulière dans le domaine des escarres de façon à devenir des référents qui puissent être consultés par leurs collègues. […] En complément des professionnels référents, l’organisation de consultations infirmières, autonomes […] peut être utile dans le dispositif de prise en charge des patients, mais aussi de formation des professionnels ». La pauvreté de la recherche sur les escarres était décriée et un appel pour de la recherche fondamentale et clinique était lancé. Quinze ans plus tard, tout reste encore malheureusement d’actualité ! Il y a donc urgence à progresser collectivement.

Un effort collectif de tous les instants

L’augmentation du nombre des personnes âgées hospitalisées associée à la diminution des moyens dans les hôpitaux font craindre un nombre de plus en plus conséquent de personnes présentant des escarres. Sur le plan de la prévention, nombreux sont ceux qui insistent sur la nécessité de ressources matérielles. Mais faute est de constater que les ressources humaines restent le nerf de la guerre. Plus que jamais, les contraintes et réorganisations qui affectent les effectifs des équipes infirmières et aides-soignantes obligent à se poser de réelles questions. Toutefois, au-delà de ces questions d’effectifs, l’intérêt porté par les soignants sur l’escarre laisse parfois songeur. Certes, les personnes concernées présentent souvent plusieurs facteurs de risque souvent imbriqués entre eux. Parallèlement, les phases d’hospitalisation sont de plus en plus courtes. Dans cet accélérateur de temps (ou l’escarre peut survenir en 2 heures !!!), les diverses problématiques conduisent les équipes à passer l’escarre au second plan. Le retour au domicile est décidé souvent très vite, sans prendre en compte la complexité de la situation. Une prise en charge efficace n’est possible que par une mise en commun des énergies de l’ensemble des acteurs, extra et intra hospitaliers. Elle doit être personnalisée, anticipée et accompagnée par l’ensemble des soignants, paramédicaux et médicaux. L’infirmière, au centre du processus, doit être garante de cette prise en charge grâce à sa pertinence en lien avec ses connaissances, ses compétences et son engagement quotidien. L’infirmière doit savoir :

– manager les équipes aides-soignantes pour les aider à une identification du risque escarre et pour adapter la prévention ;

– sensibiliser les équipes médicales pour améliorer la collaboration autour de cette plaie ;

– engager plus de concertation avec les malades, les aidants sur le sujet pour pouvoir optimiser le bien être des malades porteurs d‘escarre.

Si ces axes restent les fondements de base du métier, d’infirmière, ce sont les directions de soins qui sont les porteurs privilégiés de la volonté d’amplifier la lutte contre les escarres par des mesures concrètes et une coordination de tous les acteurs.

Une vigie dans chaque établissement

Pour conclure, l’engagement de l’ensemble du service infirmier pour la lutte contre les escarres peut se faire aujourd’hui autour de trois axes :

– renforcer la formation escarre dans les cursus initiaux et continue ;

– organiser une vigie escarre dans tous les établissements pour quantifier la survenue d’escarre dans un but d’analyser et d’en étudier les causes ;

– valoriser les équipes infirmières impliquées et les accompagner dans divers travaux (audit, travail de recherche) pour enrichir la pratique infirmière.

Poursuivre le combat contre l’escarre nécessite de donner un élan à la réflexion collective sur cette thématique, en mobilisant les connaissances, les compétences et la solidarité. N’oublions pas que l’escarre constitue un événement indésirable liée aux soins. La valeur ajoutée de leur déclaration résidera dans l’analyse approfondie qui en sera faite. En rapport à la lutte contre l’immobilité des patients, qui reste le cœur de la prévention, retenons ce slogan : « Mobilisons-les, mobilisons-nous ».

1- Rames, O., Médecin, Sebo, S., Stastisticien, Pécault, R., Agamaliyev, E., Courtois J. Plaies chroniques en France : prévalence, caractéristiques et évolution. Améliorer l’organisation de la prise en charge en sortie d’hospitalisation. Étude réalisée par la Cnam en 2012, JPC, mars 2014.

2- ARS Île-de-France, Maîtrise du risque escarre : la dynamique se poursuit en Île-de-France (bit.ly/2h961II).

3- Anaes, Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Prévention et traitement des escarres de l’adulte et du sujet âgé. Conférence de consensus, novembre 2001 (bit.ly/2gFjnfJ).

FORMATION

Des programmes adaptés

Les programmes de formation doivent inclure :

– l’évaluation holistique du patient, de son vécu et de ses préférences ;

– le processus normal de la cicatrisation ;

– la protection de la peau ;

– l’évaluation du risque escarre ;

– l’évaluation de l’état nutritionnel du patient et du support nutritionnel ;

– l’évaluation de la plaie ;

– l’évaluation et la gestion de la douleur ;

– la reconnaissance des signes d’infection de l’escarre ;

– les techniques de soin de plaie : nettoyage, détersion mécanique ;

– les différentes options du traitement local : propriétés des différents types de pansements ;

– le positionnement et le repositionnement : propriétés et efficacités des différents types de supports d’aide à la prévention et au traitement des escarres (matelas, coussin, accessoires), manutention des patients ;

– la collaboration interprofessionnelle : délimitation de la responsabilité de chacun ;

– l’éducation des patients et de leurs aidants : donner les axes de la prévention sans dramatiser et culpabiliser, adapter les objectifs.

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’UE et extrait de leur contenu :

→ UE 1.4 S1 « Processus traumatiques » (compétence 4) : explorer la notion de processus traumatique physique ;

→ UE 2.4.S1 « Processus inflammatoires et infectieux » (compétence 4) ;

→ UE 2.7.S4 « Défaillances organiques et processus dégénératifs » (compétence 4) : développer une vision intégrée des soins à donner aux personnes âgées. Atteintes cutanées (escarres) ;

→ UE 2.8.S3 « Processus obstructifs » (compétence 4) : AVC ;

→ UE 2.10.S1 « Infectiologie, hygiène » (compétence 3) : moyens de lutte contre l’infection, précautions standards

→ UE 2.11.S5 « Pharmacologie et thérapeutiques » (compétence 4) : éléments de la prescription médicale et infirmière ;

→ UE 3.1.S1 et UE 3.1.S2 « Raisonnement et démarche clinique infirmière » (compétence 1) ;

→ UE 3.2.S.2 « Projet de soins infirmiers » (compétence 2) : élaborer un projet de soins à partir du diagnostic de la situation clinique dans le cadre d’une pluriprofessionnalité, UE 3.2.S.3 ;

→ UE 4.6.S4 « Soins éducatifs et préventifs » (compétence 5) : notamment la formation des aidants naturels.