Un parcours patient long et exigeant - L'Infirmière Magazine n° 375 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 375 du 01/10/2016

 

De la pré-greffe à la sortie de l’hôpital, la prise en charge d’un patient allogreffé nécessite des compétences techniques, mais surtout des qualités relationnelles et une grande disponibilité des infirmières qui vont l’accompagner.

1. L’ALLOGREFFE DE CSH

Indications

Les greffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) sont indiquées dans :

– les hémopathies malignes principalement (leucémies, lymphomes, myélodysplasies…) ;

– les insuffisances médullaires sévères (aplasies médullaires idiopathiques) ;

– les hémoglobinopathies (thalassémies, drépanocytose…) ;

– les déficits immunitaires congénitaux, maladies métaboliques.

Catégories d’allogreffes

Elles sont définies selon différents critères.

→ Suivant le donneur :

– donneur apparenté : greffons provenant d’un membre de la famille (frère, sœur, parents, enfants) ;

– non apparenté : greffon prélevé chez un donneur volontaire inscrit sur un des fichiers national et international ou provenant d’un sang de cordon conservé dans une banque de sang placentaire.

→ Suivant la provenance des CSH :

– moelle osseuse : prélèvement du donneur au bloc opératoire sous anesthésie générale ;

– cellules souches périphériques : prélèvement par aphérèse (comme pour un don de plaquettes) après « stimulation » du donneur par facteurs de croissance ;

– sang placentaire : prélèvement de sang de cordon ombilical conservé congelé dans une banque de sang de cordon.

→ Suivant le conditionnement : dans les jours précédant la greffe, le patient reçoit un traitement par chimiothérapie et/ou radiothérapie visant à éliminer les CSH du patient et les cellules malignes résiduelles (dans les leucémies, lymphomes, etc.), et un traitement immunosuppresseur afin de diminuer le risque de rejet et de GVH (Graft versus Horst ou l’agression du receveur par le système immunitaire du donneur, lire p. 57 ).

• Conditionnement myéloablatif : conditionnement lourd éradicateur destiné à éliminer les cellules sou-ches du patient avant la greffe. Ce traitement est doté d’une toxicité forte avec une morbidité importante.

• Conditionnement non myéloablatif : moins lourd en termes de chimiothérapie et de radiothérapie, il est avant tout immunosuppresseur pour éviter le risque de rejet. L‘élimination des CSH du patient et d’éventuelles cellules malignes résiduelles est assurée par les lymphocytes du donneur provenant du greffon. La toxicité étant moindre, ce conditionnement permet de greffer des patients plus âgés ou en moins bon état général ; ce conditionnement est à l’origine de l’augmentation du nombre des transplantations de CSH depuis dix ans. Les greffes avec conditionnement non myéloablatif ont représenté 59,1 % des transplantations réalisées en France en 2014 (voir encadré p. 53).

2. LA PÉRIODE PRÉ-GREFFE

La décision d’allogreffe est prise lors d’une réunion de concertation pluriprofessionnelle (RCP) qui réunit médecins hématologues et greffeurs. À ce stade, la recherche d’un donneur familial est privilégiée avant de consulter le fichier international (don anonyme).

Consultations médicales et infirmières

→ Lors d’une première consultation, le médecin greffeur explique au patient les risques et les complications liés à la greffe. Il est reçu par le coordinateur de greffe qui organise la constitution du dossier pré-greffe en fonction du choix du donneur : bilan sanguin, imagerie médicale, aspect juridique (Tribunal de grande instance).

→ Une consultation infirmière pré-greffe a été créée il y a quatre ans, dans le cadre du plan cancer. Elle fait suite à la deuxième consultation médicale. L’infirmière de coordination du parcours patient rencontre les futurs greffés et leur famille pour reprendre avec eux les informations médicales, expliquer le déroulement de la greffe et répondre aux questions. Au cours de cette consultation, une visite du service et d’une chambre est proposée afin que le patient visualise les conditions d’hospitalisation. Ce temps permet également de déceler les éventuelles problématiques sociales, familiales et psychologiques, et d’orienter, si besoin, vers les différents intervenants de l’équipe pluriprofessionnelle : assistante sociale, psychologue, et diététicienne. L’échange permet de réexpliquer des informations mal comprises ou erronées. Toutes ces consultations sont espacées afin de permettre au patient d’assimiler l’ensemble des informations reçues.

Le choix du donneur

Le donneur est choisi en fonction de sa plus proche compatibilité HLA avec le greffé. Il peut être issu de la fratrie (greffe géno-identique), d’un parent (greffe haplo-identique) ou d’un donneur choisi sur le fichier international (greffe phéno-identique) géré par France greffe de moelle. Pour le patient, recevoir un don de moelle est un moment fantasmé : « Vais-je changer de caractère ? », « Mes goûts vont-ils se modifier ? », « Est-ce un homme ou une femme ? » Notre rôle infirmier est de démystifier le don et d’accompagner le donneur familial et patient afin qu’ils vivent plus sereinement ce don, souvent lourd émotionnellement.

3. LA PHASE PRÉPARATOIRE À LA GREFFE, À L’HÔPITAL

L’accueil

L’infirmière qui accueille le patient le jour de son hospitalisation connaît déjà, par le biais du compte-rendu de la consultation pré-greffe, son profil, son vécu, son ressenti et les difficultés psychosociales qui pourraient émerger pendant l’hospitalisation. L’accompagnement du patient et de sa famille lors de cette première étape permet de construire une relation de confiance avec l’équipe. Le patient est invité à s’approprier son environnement par l’ajout d’effets personnels (photos, posters, objets) pour faciliter au mieux l’acceptation de l’enfermement nécessité par l’aplasie. Les visites sont permises sans limitation dans la journée, mais restreintes à deux personnes à la fois dans la chambre. Les informations concernant le séjour sont reprises avec le patient et la famille. Ce premier contact peut être un temps plus ou moins long et demande une disponibilité suffisante pour :

– expliquer le mode de fonctionnement du service : horaires, modalité des visites, bilans sanguins quotidiens, contrôles des paramètres vitaux, repas, visites des médecins quotidiennes ;

– vérifier la compréhension des informations par le patient.

→ Avec l’aide-soignante, l’infirmière remplit la fiche d’identification, la feuille de recueil de données et explique au patient l’intérêt du port du bracelet d’identification. Si le patient est déjà porteur d’un cathéter central, l’infirmière réalise son bilan sanguin d’entrée et démarre la perfusion assurant l’hydratation avant la chimiothérapie du lendemain. Dans le cas contraire, un cathéter sera posé le lendemain. L’IDE informe le patient du déroulement du geste et prépare le dossier pour le bloc, qui sera complété par ses collègues de nuit.

→ Le patient est revu à l’arrivée par l’interne référent pour examen clinique et prescription du bilan pré-greffe. Puis, il est informé qu’un traitement prophylactique antiviral et antibiotique per os débutera le jour même. S’il a rapporté son traitement personnel, il le remet à l’équipe suivant la procédure institutionnelle.

→ Les différentes associations intervenant dans le service, en l’occurence le service hématologie greffe, de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), sont ensuite présentées : Egmos, l’association d’entraide aux greffés de moelle osseuse ; Tournesol, qui propose de la musique, de la danse… ; Les Blouses roses, qui a pour mission de distraire les malades par des activités ludiques ou créatives ; les soins de socio-esthétiques… Cette complémentarité avec les différents intervenants permet de proposer une autre forme de soins que la spécificité du service impose.

Le conditionnement…

C’est ainsi que l’on nomme la phase de préparation à la greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH). Il en existe deux types :

– le conditionnement myéloablatif ;

– le conditionnement non myéloablatif (voir p. 52).

Associé à la chimiothérapie, le patient peut bénéficier de séances de radiothérapies – TBI 2 grays en une séance, ou 12 grays à raison de deux séances/jours pendant 3 jours – ou recevoir un traitement par SAL (sérum antilymphocytaire). L’effet secondaire majeur est le choc anaphylactique avec une hyperthermie prévenue par une prémédication : Polaramine, Perfalgan et corticoïdes pendant toute la durée du traitement par SAL.

… et ses effets secondaires

→ L’introduction des corticoïdes provoque des troubles de la glycémie. Des surveillances glycémiques régulières sont nécessaires associées à des conseils diététiques (régime pauvre en sucre et en sel) avec, si besoin, une insulinothérapie par voie IV, impliquant une éducation du patient et de sa famille.

C’est à ce moment du traitement que resurgissent les questionnements liés au risque de stérilité ou à la perturbation du schéma corporel – prise de poids, fatigue (voir le rôle du psychologue, p. 58).

→ Certains patients (LAL, LAM) ont déjà reçu des chimiothérapies, mais celles utilisées pour la préparation de l’allogreffe sont différentes et nécessitent une information spécifique. Des traitements symptomatiques sont adaptés en fonction des différents effets secondaires (anti-émétique, protecteur de la muqueuse vésicale, anticoagulants, antalgique, antiépileptique). Le patient est prévenu des risques :

– de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées) ;

– de mucite : atteinte de la muqueuse buccale et œsophagienne, qui peut entraîner des douleurs, une incapacité à s’alimenter et à prendre ses traitements per os. La douleur est évaluée, des antalgiques sont prescrits, avec le recours à la PCA (pompe contrôle analgésique), si nécessaire, et surveillance des effets secondaires (somnolence, désorientation, halluci?nation, constipation, nausées) ;

– de dénutrition : la pose d’une sonde nasogastrique est proposée à J-1 de la greffe, pour démarrer une alimentation entérale dès que le patient ne pourra plus s’alimenter ;

– d’alopécie : elle survient environ une semaine après la greffe ;

– de stérilité : pour les patients qui n’ont jamais reçu de chimiothérapie ou de radiothérapie auparavant, si le patient le souhaite, une conservation des spermatozoïdes, un prélèvement du tissu ovarien ou d’ovocytes est organisé en amont de l’hospitalisation.

Administration de la chimiothérapie

Depuis l’instauration de l’unité de préparation des anticancéreux (Upac), les chimiothérapies sont reçues quotidiennement dans le service. Seule une infirmière peut réceptionner les produits et signer le bon de livraison avec l’agent de l’Upac après avoir vérifié la concordance des produits. La procédure institutionnelle implique une double vérification : l’infirmière vérifie la concordance de la prescription médicale avec les produits et le dosage tandis que le médecin, lui, vérifie le bilan sanguin et donne son aval pour l’administration de la chimio.

Les chimiothérapies sont rangées nominativement dans des bacs à l’air ambiant ou au réfrigérateur. Au lit du patient, l’infirmière vérifie l’identité du patient, la prescription médicale, les doses, la date de péremption. À la fin de l’administration de la chimiothérapie, elle sera validée via le logiciel chimio.

4. LA GREFFE

Chez le patient, le moment de la greffe réactive nombre de questionnements (origine, sexe du donneur ou de la donneuse, comment le remercier). Bien que le donneur demeure anonyme, les patients peuvent lui adresser un courrier de remerciement qui sera transmis à France greffe de moelle, après relecture afin de s’assurer du respect de l’anonymat du receveur. Côté soignant, la transfusion d’un greffon, sur prescription médicale, n’est pas un acte ordinaire et reste soumise à une règlementation stricte durant tout le processus.

→ Le jour de la greffe (JO), l’infirmière appelle le service de thérapie cellulaire pour connaître l’horaire approximatif de l’arrivée du greffon afin d’en informer le patient et sa famille qui peut être présente.

→ Le greffon est apporté dans le service par un technicien de thérapie cellulaire. L’IDE qui doit greffer réceptionne le greffon et vérifie selon la procédure institutionnelle, en présence de la technicienne du laboratoire, les éléments suivants (lire aussi p. 46) :

– fiche interne de transport : numéro de scellé ;

– intégrité du conteneur ;

– étiquetage des poches ;

– présence de tous les documents ;

– température à réception ;

– documents de distribution : double vérification IDE de l’identité du receveur et du donneur ;

– document de distribution annexe qui reprend la procédure d’injection du greffon.

→ Pour l’IDE, la greffe est également un moment de tension et de concentration compte-tenu des enjeux :

– la crainte de percer la poche ;

– le risque de fuite lors du branchement ;

– la gestion du stress et de l’émotion de la famille ;

– la gestion des effets secondaires (hyperthermie, risque hémolyse si incompatibilité ABO). Le patient est informé de leur possible survenue.

→ Le greffon est injecté par voie intraveineuse. Il est branché sur la voie veineuse centrale (VVC) après avoir vérifié son bon fonctionnement et l’identité du patient. La durée de l’injection dure 1 heure en moyenne. Les paramètres vitaux sont mesurés de façon rapprochée.

→ Dès la fin de la transfusion, la feuille d’injection retraçant les éléments de surveillance est faxée au laboratoire de thérapie cellulaire. Tous les documents sont conservés dans le dossier patient.

5. LES COMPLICATIONS POST-GREFFE

Liées à l’aplasie post-greffe

Suite au conditionnement, le patient est en aplasie pendant plusieurs semaines avant la complète reconstitution hématologique. Cette période dure environ de 15 à 30 jours en fonction du type de greffon et du conditionnement. La fragilité immunitaire des patients allogreffés nécessite qu’ils restent en isolement protecteur dans une chambre à flux laminaire. Durant cette période l’IDE doit être vigilante à la survenue des complications liées à l’aplasie.

Risque infectieux

→ Surveillance infirmière

• Surveillance des paramètres toutes les 4 heures.

• Réfection et surveillance du pansement de VVC.

• Respect des règles d’hygiène (stimulation du patient pour faire sa toilette quotidienne, bains de bouche, change quotidien de vêtement), bionettoyage des chambres par l’équipe aide-soignante chaque jour.

• Observation des règles de vie instaurées : visites, habillage, friction hydroalcoolique des mains, vérification de la conformité de tout apport extérieur, s’assurer que les visites ne présentent aucun risque infectieux pour les patients.

• Prévention du risque aspergillaire : bionettoyage quotidien, décartonnage du matériel sur le palier.

• Surveillance biologique sur prescription médicale. L’infirmière éduque le patient et sa famille à dépister les signes d’agravation : frissons, pâleur, difficulté à respirer et hyperthermie ressentie.

La thrombopénie et l’anémie, autres risques majeurs

Durant l’hospitalisation, une numération est prélevée tous les jours. Dans l’unité, les seuils transfusionnels sont inférieurs à 20 000/mm3 de plaquettes et inférieurs à 8 g/dl pour l’hémoglobine, sauf cas particulier (troubles du rythme cardiaque, signes hémorragiques).

→ La surveillance infirmière consiste à déceler tous signes hémorragiques : hématurie, hémorragie conjonctivale, hématome, pétéchies, gingivorragie épistaxis, bulles hémorragiques. Une brosse à dents spécifique est remise au patient à son entrée, le rasoir manuel est interdit, tout comme l’activité physique en cas de thrombopénie ou d’anémie sévère.

Toxicité du conditionnement

Le risque est plus important après conditionnement myéloablatif. La toxicité peut être cutanée et mu?queuse (mucite sévère, cystite hémorragique…), hépatique (risque de maladie veinoocclusive), digestive. À long terme, risque de stérilité, de cataracte et risque accru de cancer secondaire.

Complications immunologiques

Les phénomènes immunologiques mis en jeu par la greffe de CSH sont les principaux facteurs de complications et de mortalité ; le risque de rejet est, lui, inférieur à 5 %.

Le déficit immunitaire

Profond et prolongé (plusieurs mois, voire plusieurs années), il dépend du type de greffe, du donneur (apparenté, non apparenté, sang de cordon, haplo-identique) et du conditionnement (myéloablatif, non myéloabaltif). Il est majoré par la réaction du greffon contre l’hôte (GVH) et son traitement.

Graft versus Host Disease (GHVD)

Il s’agit d’une agression du receveur par le système immunitaire du donneur avec comme organes cibles : la peau, le tube digestif et le foie. 50 % des patients présentent une GVHD, cause principale de morbidité et de mortalité précoce (15 à 20 % des décès sont liés à la GVHD). Sa gravité est déterminée par des grades allant de I à IV selon le degré d’atteinte des organes.

→ GVH cutanée : sensation de brûlures, rougeurs de la paume des mains avec éruption cutanée pouvant se propager au thorax et au corps entier avec, dans les formes les plus graves, desquamation. Si le processus s’intensifie, la peau risque de se décoller, et évoque un tableau de grand brûlé : on parle alors de syndrome de Lyell. Le diagnostic est confirmé par examen anatomopathologique de la peau, prélevée par biopsie sur zones non décollées.

• Prise en charge infirmière, en fonction du grade de GVH :

– évaluer quotidiennement l’extension ou la régression des lésions ;

– inciter le patient à appliquer massivement une crème sur corps ;

– si lésions de désépidermisation et phlyctènes : application trois/quatre fois par jour d’une crème type Dexeryl ou vaseline. Pour les lésions plus étendues, il existe un protocole de soins utilisant des pansements hydrocolloïdes. Ces soins longs et douloureux nécessitent une prise en charge en binôme ;

– inciter le patient à rester aussi dénudé que possible pour éviter tout frottement douloureux (chauffage d’appoint si nécessaire) ;

– renforcer la surveillance du KT (avec le crémage intensif, les pansements ne restent pas occlusifs) ;

– évaluation de la douleur (PCA, soins cutanés sous Meopa) ;

– soutien psychologique, car il y a une atteinte importante de l’image corporelle. La cicatrisation des lésions peut être longue et laisse parfois des séquelles : changement de couleur de peau, cicatrice, rétraction musculaire.

→ GVH digestive : diarrhée, douleurs abdominales, nausées, vomissements, hémorragie digestive. Elle est responsable d’une dénutrition majeure induisant une malabsorption des traitements et des éléments nutritifs, d’une perte de poids massive, d’une déshydratation du fait des diarrhées intenses et d’une grande fatigue.

• Prise en charge infirmière :

– quantification précise du volume et du nombre de selles journalières, parfois plusieurs litres par jour nécessitant la mise en place d’une sonde rectale sur prescription médicale ;

– repos digestif, surveillance du poids, état de la masse musculaire. Prise en charge par la kinésithérapeute nécessaire afin de limiter la fonte musculaire ;

– surveillance de l’état cutané ;

– respect de la pudeur et de l’intimité lors de ce type de soins ;

– évaluation de la douleur.

→ GVH hépatique : elle se manifeste par des perturbations du bilan hépatique qui peut conduire à un ictère clinique et une cholestase. La confirmation du diagnostic se fait par une ponction biopsie hépatique (diagnostic différentiel MVO). Le traitement symptomatique vise à supprimer si possible les traitements hépatotoxiques et suppléer les besoins en albumine.

• Prise en charge infirmière : surveillance du poids du patient et mesure du périmètre abdominal.

→ Le traitement de la GVHD repose sur l’introduction d’une corticothérapie à forte dose. Une mauvaise réponse aux corticoïdes est un facteur de mauvais pronostic. Ces traitements, et la GVH elle-même, majorent la morbidité et peuvent retarder la reconstitution hématologique. Les effets secondaires de la corticothérapie sont nombreux.

• Prise en charge infirmière :

– le diabète cortico-induit : introduction d’une insulinothérapie si besoin avec surveillance de la glycémie capillaire ;

– éducation nutritionnelle, en collaboration avec une diététicienne, pour le patient et sa famille (alimentation propre, régime hyperprotidique, diabétique) ;

– risque d’hypertension artérielle : rétention hydrosodée, œdèmes (surveillance diurèse, bas de contention) ;

– soutien psychologique : perturbation de l’image corporelle avec le symdrome de Cushing anomalie de répartition facio-tronculaire des graisses, hirsutisme, vergetures, atrophie musculaire, prise de poids (lire encadré ci-dessus) ;

– excitation et troubles du sommeil ;

– troubles du comportement de type décompensation psychiatrique.

Au vu des effets secondaires importants, la décision de débuter ce traitement est prise de manière collégiale. Si à la corticothérapie n’est pas efficace (non amélioration de l’état cutané, régression notoire des diarrhées et des douleurs abdominales), une 2e, voir une 3e ligne de traitement immunosuppresseur est introduite majorant le risque infectieux.

L’effet GVL

À l’inverse, il existe un effet antileucémique propre du greffon, l’effet GVL (Graft versus Leukemia ou greffon contre leucémie) : les lymphocytes T du donneur ayant comme première cible les cellules souches du patient et les cellules leucémiques résiduelles. L’effet GVL diminue le risque de rechute

Infections opportunistes

En raison du déficit immunitaire profond dû au conditionnement pré-greffe, des traitements immunosuppresseurs et des complications d’une réaction du greffon contre l’hôte, les patients présentent des risques importants d’infections opportunistes : bactériennes ; virales (CMV, EBV, herpès, adénovirus…) ; parasitaires (toxoplasmose, Pneumocystis carinii, etc.) ; fongiques (Candida, Aspergillus…).

Ces infections surviennent principalement la première année ou tant qu’un traitement immunosuppresseur est mis en œuvre.

6. LA SORTIE DU PATIENT

Certains patients rentrent à domicile après la greffe, tandis que d’autres – pour des raisons de fatigue, d’isolement familial… – seront pris en charge dans une structure de soins de suite.

En plus du bilan hématologique, la décision de sortie dépend d’un ensemble de critères : état général du patient, contrôle de la GVHD s’il y en a une, bilan rénal et hépatique, état infectieux, besoins transfusionnels.

Quand la décision médicale de sortie est évoquée, l’infirmière de coordination voit le patient en consultation pour lui rappeler les règles d’hygiène de vie qu’il devra respecter, les éléments de surveillance quotidiens : prendre sa température une fois par jour, surveiller sa peau et les signes digestifs, appeler l’hôpital en cas de fièvre et autres signes. Le patient sera revu peu de temps avant sa sortie afin de compléter les informations et de répondre à ses éventuelles questions. Un rendez-vous est pris avec la diététicienne auquel est convié le conjoint pour aborder toutes les consignes liées à l’alimentation post-greffe. Un livret d’information récapitulant les recommandations est remis à cette occasion.

Le jour de la sortie, un bilan sanguin est effectué de façon à organiser, si besoin, une transfusion avant son départ. Les ordonnances médicales sont expliquées au patient par l’interne et l’infirmière qui l’a en charge. Le cathéter est fermé avec un bouchon anti-reflux et un pansement occlusif est mis en place.

Le patient est informé qu’il peut téléphoner à tout moment pour poser la moindre question. L’infirmière de coordination du parcours patient appelle par téléphone les patients avant le premier rendez-vous en hôpital de jour (et plus si nécessaire) pour faire un point avec eux et prendre des nouvelles.

En chiffres

→ De 1975 à 2014, plus de 400 000 allo-greffes ont été réalisées dans le monde.

→ En France, selon les données provenant du rapport d’activité 2014 de l’agence de biomédecine, 1 966 greffes ont été réalisées, dont 56,4 % (1 110) provenant d’un donneur non apparenté et 43,6 % (856) d’un donneur familial.

→ Origine des greffons en 2014 : moelle osseuse pour 25,5 %, cellules souches périphériques pour 65,1 % et sang placentaire pour 9,4 %.

→ Répartition de l’activité d’allogreffe selon les pathologies, en 2014 :

– hémopathies aiguës (LAM, LAL, myélo-dysplasies) : 65 % ;

– hémopathies malignes lymphome, myélome, leucémie lymphoides chroniques : 19,5 % ;

– insuffisances médullaires sévères : 3,8 % ;

– maladies constitutionnelles (métaboliques, hémoglobino-pathies…) : 2,5 %.

REPÈRES

Il était une fois la greffe

→ Auparavant, les chambres protégées offraient au patient un confort très limité, 6?m2 fermés par des rideaux – restreignant les contacts avec l’extérieur de façon drastique. Les procédures étaient très chronophages pour les soignants. Le « passage sous flux » lors de l’entrée dans la chambre stérile était un véritable cérémonial (toilette complète, port de vêtements stériles, pansement de VVC et tubulures changées), renouvelé à chaque sortie de la bulle (examens). Côté alimentation, les plats cuisinés de l’hôpital étaient, dès réception, reconditionnés avant d’être passés au four à 180° pendant 20 mn. Les petits déjeuners étaient préparés sous des hottes à flux laminaires situés dans des sas, les fruits pelés en utilisant du matériel stérile…

→ Aujourd’hui, certaines procédures ont pu être assouplies, et ce, grâce aux échanges avec d’autres centres de greffe de moelle et à l’évolution des thérapeutiques (antifongique et antiviraux) :

– les bulles : disparition des rideaux depuis 2011 entraînant la fin de l’habillage stérile. L’espace délimité s’agrandit et rompt cette sensation d’enfermement. L’habillage consiste en une tenue changée chaque jour, des chaussures réservées strictement au service ;

– pour les patients et leur famille : fin de la stérilisation des vêtements, des effets personnels.

L’allègement des procédures a permis de donner plus de temps à l’écoute des patients et de leur famille. Et aux patients d’être moins angoissés.

DÉMARCHE QUALITÉ

Le programme européen Jacie

Établi en 1999, Jacie (Joint accréditation committe of ISCT-Europe and EBMT) est un programme européen de certification pour l’activité de greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH). Reconnu aujourd’hui par la Haute autorité de santé, il constitue une action d’évaluation des pratiques professionnelles.

→ Le programme s’appuie sur un référentiel décrivant les standards requis pour les trois partenaires intervenant dans le processus de greffe. Il se compose de trois parties : la première (la clinique) concerne la description du programme clinique de greffe ; la seconde (la collection) est consacrée au prélèvement des cellules souches issues du sang ou de la moelle ; la troisième (processing) s’applique aux laboratoires de thérapie cellulaire chargés de la conservation des cellules et de la préparation du greffon en vue de sa réinjection.

→ La mise en place, longue et difficile, suppose d’impliquer dès le début de la démarche l’ensemble des personnels (IDE, AS) et de les faire participer à l’élaboration des documents.

→ L’équipe infirmière doit être spécifiquement formée à la greffe et aux actes à risque. D’ailleurs, suite à leur intégration, un bilan de qualification est effectué validant leurs compétences. Des audits de pratiques sont réalisés régulièrement : transfusion sanguine, administration du greffon, soins de cathéter.

La démarche d’amélioration qualité devient dès lors « culturelle », c’est une façon de travailler au quotidien avec des objectifs affichés, un mode de fonctionnement.

SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE

UN ACCOMPAGNEMENT NÉCESSAIRE

Lorsque l’annonce de la maladie tombe, les repères physiques et psychiques sont bousculés. Et la « guérison » de la maladie par la greffe ne signifie pas toujours absence de symptômes, ou que le risque de mort s’est éloigné. Le soutien psychologique est utile tout au long du parcours patient.

Durant l’hospitalisation, la sortie d’aplasie entraîne généralement un sentiment de soulagement nourrissant l’espoir que tout redevienne « comme avant ». Or la majorité des complications liées à la greffe surviennent après la sortie d’aplasie, lorsque les cellules du donneur colonisent le corps. Les atteintes de la GVH peuvent alors donner au patient le sentiment d’être plus malade qu’avant. Un accompagnement psychologique vise à favoriser une guérison globale. Aider le patient à relier la maladie avec son histoire de vie lui permet de redevenir acteur de sa guérison, en partenariat avec les médecins. Lorsque cette proposition de cheminement intérieur ne fait pas sens, il s’agit parfois simplement de contenir les angoisses lorsqu’elles émergent.

Accueillir la situation

Le psychologue s’adapte ainsi à la demande explicite ou implicite du patient, qui peut être parfois de le laisser tranquille. Sa présence possible avant/pendant/après la greffe permet notamment de revenir sur le vécu de la greffe à distance, lorsque la chronicité des symptômes use les défenses physiques et psychiques. La vie du patient est alors mise entre parenthèses, son image corporelle altérée, avec une vulnérabilité émotionnelle qui attaque les relations avec l’entourage. Même lorsque la menace vitale s’éloigne, les émotions contenues jusqu’alors peuvent déborder. Il s’agit pour le patient d’accueillir la situation, plutôt que de « se battre », car la position de lutte amenuise ses forces psychiques, déjà bien sollicitées. « Accueillir », c’est accepter la nouvelle direction imposée par le corps et ressentir les ressources intérieures qu’elle permet de rencontrer. C’est aussi révéler les émotions enfouies dans le corps pour les libérer, et recontacter l’essentiel en soi en se délestant des peurs et résistances.

Effet placebo

Tous les patients ne sont pas égaux face aux complications, mais la position « accueil » semble avoir un effet placebo, en potentialisant un processus d’autoguérison du corps par la pensée. A contrario, la position « lutte » peut avoir un effet nocebo, dans lequel la pensée contribue à la destruction du corps. Dans l’effet placebo, il ne s’agit pas tant de « croire » que de soutenir intérieurement le corps dans son travail, comme on soutiendrait l’être aimé face à la maladie, au lieu de lui en vouloir. L’utilisation de techniques psychocorporelles et émotionnelles favorise, ici, une alliance corps-esprit.