LE PANSEMENT NE FAIT PAS TOUT - L'Infirmière Magazine n° 375 du 01/10/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 375 du 01/10/2016

 

ESCARRES

ACTUALITÉS

COLLOQUES

Caroline Bouhala  

La 8e édition des Journées armoricaines plaies et cicatrisation, qui se sont déroulées à Rennes les 15 et 16 septembre, a souligné l’importance de traiter l’incontinence dans la prise en charge des escarres.

Le pansement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus important dans la prise en charge des escarres », introduit Amélie Chopin, IDE au Pôle Saint-Hélier (35), lors de l’atelier « Escarres » organisé à l’occasion des 8es Journées armoricaines plaies et cicatrisation. « Le pansement sera inefficace si l’incontinence n’est pas traitée », insiste Lomig Le Bihan, IDE dans le même établissement. « Le pansement va être saturé et ne pourra plus absorber les exsudats, donc ne pourra pas agir efficacement », ajoute Amélie Chopin.

Facteur de risque reconnu dans la survenue et la non-cicatrisation d’escarres, l’incontinence d’un patient à risque ne doit pas être ignorée, au même titre que son état nutritionnel, sa mobilité, etc. « Quelle soit urinaire ou fécale, l’incontinence va fragiliser la peau et entraîner une macération. On aura l’apparition d’une dermite associée à l’incontinence (DAI), qui pourra s’infecter, notamment avec la flore fécale », explique Nathalie Faucher, gériatre à Paris (75).

Minimiser les fuites

Les deux infirmiers rennais ont donc choisi de partager les astuces qu’ils utilisent dans leur pratique quotidienne. Tout d’abord, l’étiologie de l’incontinence est recherchée (iatrogène, obstacle, etc.) afin d’évaluer si un traitement spécifique peut être mis en place (rééducation sphinctérienne, médicaments, sondage, etc.). En parallèle, de nombreuses actions sont menées afin de minimiser le risque de fuites, comme le fait d’amener régulièrement les patients aux toilettes (toutes les 3 à 4 h si possible) ou, a minima, leur proposer un urinal ou un bassin. Car, comme l’explique Amélie Chopin, « certains de nos patients vont se souiller, non pas parce qu’ils sont incontinents, mais parce qu’ils sont coincés dans leur lit et n’ont pas la possibilité d’accéder aux toilettes ». À cela s’ajoute une toilette intime quotidienne à l’eau et au savon, ainsi qu’après chaque change. Mais l’infirmière de préciser : « On a proscrit les solutions sans rinçage, car trop agressives pour la peau des patients, déjà fragilisée, et parce qu’elles maintiennent un milieu humide. »

Travail d’équipe

Les IDE ont également recours aux protecteurs cutanés lorsque la peau d’un patient commence à se fragiliser. « Mais attention à la pâte à l’eau, car cela masque ce qui est en dessous et c’est très difficile à enlever, donc vraiment délétère au retrait », met en garde Lomig Le Bihan. En cas de constipation, des règles hyiénodiététiques sont mises en place dans un premier temps (régime adapté, eau riche en magnésium, etc.) et, en cas d’échec, le recours à un traitement médicamenteux est envisagé. Mais bien évidemment, tout cela demande plus de travail et un bon échange entre tous les soignants : « L’incontinence est un travail d’équipe ; il faut pouvoir communiquer, car seul, on n’y arrive pas », conclut Lomig le Bihan.

CICATRISATION

Le point sur l’électrothérapie

La peau saine est polarisée, c’est-à-dire qu’elle présente une différence de potentiel entre la surface et la profondeur. Dans une plaie aiguë, un nouveau courant électrique se forme, à l’origine de la migration des cellules de la cicatrisation. Dans le cas de plaies chroniques, ce courant diminue nettement, voire s’interrompt, d’où la difficulté de cicatrisation.

L’électrothérapie a pour but de recréer ce courant électrique physiologique afin de relancer le processus cicatriciel. Entre 2010 et 2016, le dispositif Woundel était utilisé avec succès en favorisant la détersion et le bourgeonnement des plaies chroniques. Retiré du marché début 2016, un nouveau dispositif est désormais disponible, le Posifect. Dans les quelques études réalisées, il semble atténuer la douleur de certains types d’ulcères comme les angiodermites nécrotiques, mais selon Hervé Maillard, dermatologue au Mans (72), « alors que le Woundel présentait des détersions très rapides, le Posifect ne donne pas la même impression, mais il a le mérite de sédater certains ulcères. Il nécessite, à notre avis, de poursuivre les investigations ».