Entretien d’embauche : une étape cruciale - L'Infirmière Magazine n° 373 du 01/07/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 373 du 01/07/2016

 

CARRIÈRE

GUIDE

Magali Clausener  

Votre candidature a été retenue et vous êtes convoqué à un entretien d’embauche. Pour le réussir, la préparation est impérative, tant pour répondre aux questions que de se distinguer des autres candidats.

L’entretien d’embauche est une étape essentielle dans le processus de recrutement, que vous ayez postulé pour un poste d’IDE dans un établissement privé ou public. Cette rencontre permet au recruteur, DRH ou cadre de santé, de vérifier l’adéquation de votre profil avec le poste à pourvoir. Mais il ne s’agit pas d’un échange à sens unique. De votre côté, vous devez montrer votre motivation, vos compétences et, surtout, la valeur ajoutée que vous pouvez apporter à l’employeur si vous êtes recruté. Sa préparation est donc primordiale.

Comprendre ce que veut le recruteur

• Vous devez déjà bien appréhender l’objectif du recruteur à travers cet entretien. « Nous cherchons d’abord à vérifier les compétences professionnelles et l’expérience du candidat. Il s’agit ensuite d’essayer de bien comprendre sa personnalité », résume James Faucœur, directeur général adjoint de la Fondation Hopale à Berck-sur-Mer (62).

• Certes, vous avez envoyé un CV qui comporte vos différentes expériences et les compétences acquises. Mais cela ne suffit pas au recruteur. Son objectif est de vous « projeter » dans le poste. « Le recruteur a identifié des qualités et des compétences qui font sens pour lui, explique Gilles Payet, auteur et animateur du blog « Questions d’emploi » et chroniqueur sur France Bleu. Et la seule question pour lui est de savoir s’il peut vous visualiser demain à 9 heures dans le poste, évoluant avec son équipe et les patients. » Fabrice Lavallard, cadre de santé à l’Hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP), à Paris, confirme : « Il s’agit de déterminer si la personne va pouvoir être en accord avec l’équipe et le type de soins qu’on dispense dans le service. »

• L’entretien ne va donc pas s’articuler uniquement autour de vos compétences professionnelles. On vous posera des questions pour mieux vous connaître. C’est pour cette raison qu’un recruteur peut vous demander vos qualités et vos défauts.

Valoriser ses compétences

• Le premier sujet que le recruteur va aborder concerne votre parcours professionnel et vos compétences. Vous devez donc pouvoir présenter ce que vous avait fait jusqu’à présent. « J’attends que la personne me fasse part de ses expériences, mais aussi de ce qui lui a plu ou déplu lorsqu’elle a travaillé dans tel ou tel service », souligne Radouane Amerzag, DRH de la polyclinique Urbain V et du centre chirurgical Montagard (groupe Elsan) à Avignon (84). Fabrice Lavallard, lui, demande aux candidats de fournir leur dossier scolaire avec leurs notes, leurs appréciations de stage ou/et des entretiens annuels d’évaluation, les références des employeurs précédents : « Je reprends les meilleures évaluations et je demande au candidat pourquoi cela s’est bien passé, comment s’est déroulée l’intégration dans l’équipe. Mais je parle aussi des expériences moins positives pour qu’il m’explique les difficultés qu’il a pu rencontrer ». Dans les deux cas, l’idée est de mieux cerner ce qui a pu fonctionner ou non afin de visualiser ce qui peut vous convenir ou pas dans le poste et le service.

• Ce qui signifie que vous devez savoir parler aussi bien de vos réussites que de vos échecs. « Le candidat doit être à l’aise avec les difficultés qu’il a pu rencontrer en étant le plus honnête possible. Il doit réfléchir avant l’entretien à ce qui s’est mal passé et pourquoi. Le candidat doit éviter tout ce qui peut le mettre en mauvaise posture, car nous le voyons, ne serait-ce que par la gestuelle », explique Fabrice Lavallard.

• Pour valoriser vos compétences ou vos qualités, n’hésitez pas à être concret : « Raconter une histoire permet au recruteur de visualiser la situation », insiste Gilles Payet. Et ce conseil est aussi valable pour les jeunes qui viennent d’obtenir leur diplôme d’infirmier. « Un CV pas très étoffé, ce n’est pas catastrophique !, rassure Radouane Amerzag. Les stages sont aussi des expériences que les débutants doivent mettre en avant en expliquant ce qu’ils ont fait. » Il est donc inutile d’apprendre par cœur son CV ! En revanche, pour chaque expérience, réfléchissez aux compétences et aux savoir-être que vous avez mis en œuvre et que vous avez pu acquérir, et à des exemples pour illustrer vos propos.

Attention aux mises en situation

• Selon Gilles Payet, de plus en plus de recruteurs testent les connaissances et les compétences par des mises en situation théoriques. On peut ainsi vous demander ce que vous faîtes dans tel ou tel cas. « Nous demandons systématiquement ce qu’il fait si un patient décompresse. S’il ne répond pas qu’il prend d’abord le charriot d’urgence, ce n’est pas très positif… », met en garde Radouane Amerzag. « Ces mises en situation permettent de voir comment le candidat va réagir et de déceler des traits de personnalité », explique James Faucœur. Fabrice Lavallard, qui recrute des infirmiers pour le service d’oncologie de l’HEGP, fait, lui, passer des tests de calculs de doses de médicaments. Et d’avertir : « Si les résultats aux tests sont négatifs, la candidature est refusée. »

• « Se tromper sur ses qualités ou ses défauts, ce n’est pas grave. Se tromper sur un geste technique peut ne pas pardonner », prévient Gilles Payet.

Montrer son intérêt pour le poste

• « Travailler avec des blessés crâniens requiert des qualités différentes de celles qui devront être mises en œuvre dans un service de chirurgie de court séjour », remarque James Faucoeur. Vous devez donc impérativement vous informer sur l’emploi, la spécialité, le service et l’établissement. « Je n’attends pas du candidat qu’il me dise combien de personnes travaillent dans la clinique ou quel est son chiffre d’affaires, mais que nous avons plusieurs services et que nous appartenons à tel groupe », relève Radouane Amerzag, qui déplore que les candidats ne prennent pas la peine d’aller sur les sites Internet des établissements. Gilles Payet préconise de se rendre sur place quelques jours avant l’entretien : « Se rendre aux abords de l’établissement, voire à l’intérieur, observer ce qu’il se passe dans le hall, la gestion des arrivées des patients, permet de ne plus être dans un exercice théorique, et d’être plus naturel et plus serein le jour J. » Et même de « penser et vivre le poste » pendant 48 heures.

• Montrer son envie et sa motivation, son professionnalisme, c’est aussi poser des questions sur le poste, les horaires, l’équipe, le service, les difficultés ainsi que sur les challenges de la structure. « Lorsque l’on demande au candidat s’il a des questions et que celui-ci répond « non », c’est la douche froide pour le recruteur ! », estime Gilles Payet. Vous pouvez préparer quelques questions avant l’entretien. Le jour même, n’hésitez pas à prendre des notes qui vous permettront de revenir sur les points que vous voulez approfondir.

• Tout cet échange a aussi pour objectif de vous distinguer des autres candidats. « La personne doit être capable de dire ce qu’elle peut nous apporter, de s’inscrire dans une dynamique de groupe, de prendre en charge seule un patient. Je veux qu’elle me parle du patient », insiste Radouane Amerzag. « Il faut mettre en avant sa personnalité et la richesse de son parcours », recommande de son côté Fabrice Lavallard.

• Quant à la rémunération et les avantages sociaux, le sujet n’est pas tabou. En revanche, ne l’abordez pas dès les premières minutes ! Pour Gilles Payet, « cela doit arriver le plus tard possible dans l’entretien ».

• Dernier conseil : si le recruteur ne vous précise pas quand il pense vous donner une réponse, n’hésitez pas à lui demander quand il compte vous recontacter. Vous pourrez ainsi le relancer sans trop de précipitation. Mais sachez que les recruteurs ne laissent pas échapper les bons éléments ! « Lorsque nous repérons une infirmière que nous voulons recruter, nous donnons notre réponse le lendemain ! », affirme Fabrice Lavallard.

Mémo

Les erreurs à ne pas commettre

→ Ponctualité : arriver en retard est une faute. Difficile pour l’employeur d’imaginer que vous serez à l’heure à votre travail ! Repérez votre trajet la veille et prévoyez une marge de manœuvre.

→ Apparence : ne vous mettez pas sur votre trente-et-un, mais bannissez les jeans troués ! Mettez des vêtements dans lesquels vous êtes à l’aise, qui reflètent aussi votre personnalité. Soignez votre apparence. Vous êtes infirmière : vous ne devez pas être négligée. Montrer que vous respectez les règles d’hygiène élémentaires, les recruteurs y sont très attentifs.

→ Éducation : la politesse est de mise. Exprimez-vous correctement et n’hésitez pas à réfléchir avant de répondre.

→ Comportement : soyez naturel. Pour mieux gérer le stress avant l’entretien, faites quelques exercices de respiration.

SAVOIR PLUS

→ L’article L. 1132-1 du code du travail sur l’interdiction des discriminations à l’embauche.

→ L’article L. 1221-6 du code du travail sur les informations demandées lors d’un entretien d’embauche.

→ Blog « Questions d’emploi » : www.questionsdemploi.fr

→ Recrutements et dossiers dans la fonction publique : www.emploipublic.fr

→ stop-discrimination.gouv.fr/

INTERVIEW

CHRISTINE CAMBOS AVOCATE AU BARREAU DE PARIS, DROIT DU TRAVAIL

Quelles questions l’employeur n’a pas le droit de poser lors d’un entretien d’embauche ?

• L’employeur ne peut pas poser de questions à un candidat ayant un caractère discriminatoire, selon l’article L. 1132-1 du code de travail. Citons, entre autres éléments pouvant constituer une discrimination : l’origine, l’orientation ou l’identité sexuelle, l’âge, la situation de famille ou la grossesse, les convictions religieuses, l’état de santé, le lieu de résidence, l’appartenance ou la non-appartenance « vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race », etc. Les activités syndicales en font aussi partie. L’employeur ne peut donc pas interroger le candidat sur sa religion par exemple. S’il le fait, le candidat peut dire que cela relève de sa vie privée ou bien éluder ou contourner la question. Il peut aussi répondre franchement. S’il n’est pas recruté par la suite, il pourra utiliser cet élément dans un recours pour discrimination.

Est-il discriminatoire de demander au candidat l’âge de ses enfants ?

• L’employeur peut vouloir s’informer pour des raisons d’organisation par exemple. Il en est de même sur les souhaits de fonder une famille. Il ne faut pas non plus mal interpréter chaque question. Un employeur qui demande de quel pays vient un candidat étranger, n’est pas forcément mal intentionné ! Mais la frontière entre la discrimination et la sélection peut être vite franchie.

Quels sont les recours pour discrimination à l’embauche ?

• La personne peut saisir le défenseur des droits, ce qui permet une médiation, une transaction ou une action en justice. Airbus a été condamné en 2012 pour discrimination raciale à l’embauche suite à la saisie du défenseur des droits. Je préconise ce recours, car la victime est accompagnée dans ses démarches. Elle peut aussi saisir le conseil des prud’hommes pour le secteur privé ou le tribunal administratif pour le public. Pour obtenir des dommages et intérêts pour son préjudice, elle a la possibilité de se constituer partie civile. Elle peut également porter plainte. La discrimination est sanctionnée jusqu’à trois ans de prison et 45 000 € d’amende. Tous ces recours peuvent être concomitants. La difficulté est de faire la preuve de la discrimination.

Propos recueillis par M. C.