« UN SUJET SECONDAIRE POUR LES PATIENTS » - L'Infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016

 

INTERVIEW : MARTINE MARTIN IDE D’ANNONCE, HÔPITAL AVICENNE, BOBIGNY (93), AP-HP

FORMATION

PRISE EN CHARGE

M.F.  

Dans le parcours de soin du patient atteint de cancer, l’infirmière est en première ligne pour promouvoir et expliquer l’intérêt de l’activité physique. Une tâche pas si facile…

Comment abordez-vous le sujet de l’AP avec les patients ?

Quel que soit le type de cancer (sein, poumon, prostate…), je rencontre les patients dans les jours qui suivent l’annonce du diagnostic par le médecin pour évaluer leurs besoins, leur apporter toutes les informations nécessaires à leur traitement et les orienter vers les soins de support. À cette occasion, je leur remets un document qui reprend tous ces éléments et leur présente, entre autres, la fiche dédiée à l’activité physique que nous avons établie avec la fédération Cami sport et cancer. C’est parfois un peu compliqué d’aborder un sujet qui peut leur paraître secondaire dans ce contexte très anxiogène où ils doivent intégrer une masse d’information importante. Je m’adapte en fonction de la réceptivité de chacun et, si nécessaire, je reporte la discussion sur ce point précis au rendez-vous suivant.

Dans l’approche même de l’AP, y-a-t-il des écueilsà éviter, des « ficelles » à utiliser ?

Cela dépend du patient. Ceux qui ont déjà l’habitude de pratiquer une activité physique, voire un sport, sont généralement plus faciles à sensibiliser et à convaincre du bénéfice santé que l’activité physique peut leur apporter. En revanche, il est important d’adapter son discours et de choisir ses mots, car il ne faut surtout pas parler de « sport » à une personne gravement malade qui, de surcroît, n’a jamais pratiqué aucune activité sportive. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une activité physique adaptée à la pathologie et à l’état physique du patient, encadrée par des professionnels et réalisée avec l’accord de l’oncologue, sous couvert d’un certificat médical de non contre-indication.

Quels arguments, selon vous, influencent le plus la décision des patients ?

Il est important de rassurer les patients et de les encourager sans les bousculer. Souvent, ils ont besoin de prendre un temps de réflexion et je leur propose d’aller observer une séance, voire de faire un essai afin de voir si cela leur plaît ou non. Mais en règle générale, les patients sont très sensibles au fait que l’activité physique réduit la fatigue et améliore la survie en limitant les risques de récidive. J’insiste aussi auprès des femmes atteintes d’un cancer du sein sur le fait que les traitements hormonaux peuvent engendrer une augmentation du poids, qui peut être contenue par la pratique d’une activité physique et aidera par ailleurs, une fois les traitements terminés, à éliminer les kilos superflus résiduels. Dans tous les cas, j’évoque les études qui ont montré ces effets afin d’étayer mes arguments sur des éléments tangibles. Car il est important de leur faire comprendre que ce n’est pas une vue de l’esprit, mais bien un soin de support à part entière, très efficace, dont ils ont la possibilité d’optimiser les bénéfices dans le cadre de l’accompagnement spécifique que nous leur proposons.

Quels sont les principaux motifs de refus ?

Au-delà des objections liées à la maladie (douleur préexistante, peur de se faire mal, fatigue, dyspnée dans le cancer du poumon…), ce qui rebute souvent les patients c’est le fait que l’activité proposée se déroule à l’hôpital et en groupe. Dans ce cas, je les encourage quand même à pratiquer une activité physique individuelle (marche, vélo, natation…) et à profiter de toutes les occasions que peut donner la vie quotidienne pour bouger ou s’activer. Dans ce cas, je leur livre des recommandations : l’activité physique doit être dosée, régulière et suffisamment intense (suer légèrement, atteindre un niveau d’essoufflement permettant néanmoins de parler) pour entretenir la masse musculaire, mais sans tomber dans l’excès – ce qui arrive parfois et peut s’avérer contreproductif, car le patient s’épuise, s’écœure et s’arrête. Il est donc important d’expliquer également aux aidants le rôle de l’activité physique et les conditions dans lesquelles elle doit être pratiquée pour qu’ils soutiennent sa pratique dans une juste mesure : ni trop, ni trop peu.