UNE PAUSE DÉTENTE - L'Infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016

 

MILIEU SCOLAIRE

SUR LE TERRAIN

TRANSMISSIONS

NATHALIE SCOL  

Stress, violence verbale et physique, crise de spasmophilie, difficulté à gérer ses émotions… Au collège Saint-Exupéry, à Hellemmes (59), l’infirmière scolaire propose aux enseignants des ateliers-formations relaxation pour remédier aux maux des élèves.

Tous les lycées français disposent d’une infirmière scolaire à temps plein. Au sein des collèges et des petites écoles - qui, eux, se partagent les IDE -, un protocole d’urgence est mis en place lors de l’absence de l’infirmière, spécifiant le recours aux services d’urgence (notamment le 15) pour toute suspicion de problème médical. Les enseignants se retrouvent souvent démunis ou affolés face à une crise d’angoisse, qu’ils prennent parfois pour un problème cardiaque. Une situation qui génère à la fois une inquiétude chez l’enseignant et chez l’élève, mais aussi un coût non négligeable en raison des nombreux déplacements des services d’urgence.

Dès lors, le rôle de l’infirmière scolaire est crucial, tant dans l’identification des symptômes que pour la gestion de la crise. Mais elle peut aussi intervenir en prévention, en amont de la crise d’angoisse. Échec scolaire, stress, absentéisme, crise de spasmophilie, violence verbale et physique, manque d’attention en classe, difficultés à gérer ses émotions… À l’infirmerie du collège Saint-Exupéry, à Hellemmes (59), les symptômes sont relativement récurrents : dyspnée, douleur thoracique, vertiges. Si ces manifestations sont d’abord physiques, elles laissent transpirer, au fil des rencontres un certain mal-être psychologique et social.

En amenant les élèves à maîtriser progressivement leur respiration et à parler d’un sujet ou d’un contexte agréable, je parviens généralement à les calmer au bout de quelques minutes. Mais je sentais que, seule, je ne pouvais pas avoir d’impact sur l’ensemble du collège. D’autant que la manifestation du stress se traduit souvent par un comportement violent. Alors, aidée de Raymond Barbry, professeur de sport extérieur à l’établissement, j’ai construit un projet d’atelier-formation relaxation pour former l’équipe éducative à cette pratique. Objectif : leur donner les moyens de développer cette pratique d’abord pour eux-mêmes avant de la transférer à d’autres.

Se former à la relaxation

De septembre 2015 à février 2016, à raison de huit rencontres de 2 heures, soit 17 heures de formation intra-établissement (une de 3 heures, et sept de 2 heures), nous avons formé une vingtaine d’enseignants volontaires, ainsi que des éducateurs (comme le conseiller principal d’éducation), et le principal adjoint. De plus, grâce au soutien du chef d’établissement, ces formations ont pu être dispensées dans les plages horaires de travail, entre 8 h 00 et 10 h 00 du matin, le mardi et/ou le mercredi. Huit thématiques ont ainsi été définies pour chacune des huit rencontres(1) :

→ être attentif et concentré à sa respiration ;

→ être attentif et concentré sur les sons, le silence et ce que l’on mange ;

→ être attentif et concentré aux sensations du corps : ses douleurs, ses émotions ;

→ être attentif à la marche : marche en pleine conscience et respiration par la technique Breathplay(2), traditonnellement utilisée dans le sport ;

→ être attentif aux émotions et aux sensations agréables ;

→ être attentif au flot de ses pensées ;

→ faire le calme en soi et se mettre en projet (visualisation mentale) ;

→ remplacer une pensée négative et obsédante par une pensée positive agréable.

Chaque rencontre est rythmée en trois temps :

→ un temps de mises en situation pour développer la pleine attention ;

→ un deuxième temps d’échanges sur le vécu des situations et leur possible réutilisation en classe ;

→ Et finalement, un dernier temps d’analyse et de partage des situations qui sont proposées lors des séances précédentes et de leurs effets observés d’abord sur soi puis sur les élèves.

Au début de chaque rencontre, nous proposons un retour sur la thématique développée lors de la précédente session en demandant aux enseignants de se poser ces questions : « Ce que j’ai mis en pratique pour moi ? » et « Ce que j’ai mis en place avec les élèves ? ». Ensuite, place au thème du jour qui est traité à partir de mises en situation : « Qu’est-ce que je ressens en faisant cet exercice ? » et « Comment je peux exploiter cela pour moi et en classe ? ». Nous leur demandons toujours ce double exercice : s’interroger sur l’apport de ces pratiques dans leur vie personnelle et leur pratique professionnelle. Une fois qu’ils se sentent à l’aise avec la méthode et les techniques, ils ont pu progressivement mettre en place dans leurs classes, ces ?pratiques de respiration en pleine conscience : avoir conscience de sa respiration sans chercher à la contrôler pendant quelques minutes. Nous avons conseillé aux enseignants de débuter leurs cours par des séances de 3 à 5 minutes : les élèves sont assis, mains sur les genoux, et dans le silence, l’enseignant guide les élèves volontaires - ceux qui ne veulent pas participer doivent respecter le silence - et les amène à écouter leur corps, à prendre conscience des sensations de bien-être ou de mal-être, à identifier leur colère ou leurs émotions…

Des suivis possibles

À l’infirmerie, j’utilise ces pratiques de relaxation à titre individuel ou en groupe lors de mes permanences. Je conseille aussi aux élèves de faire ces exercices à la maison en leur proposant par exemple de télécharger des applications mobiles, de façon à être guidés par une voix.

Le stress, qui peut découler d’un comportement inadapté - la violence verbale ou physique par exemple -, d’une difficulté d’organisation du travail, d’une perte de confiance en soi suite à de multiples échecs, peut être à l’origine de leur angoisse ou de leur mal-être. Le rôle de l’IDE scolaire est d’identifier ces élèves, de les écouter, mais aussi d’impulser des projets au sein des établissements scolaires.

Elle doit également avoir une fonction de conseillère technique auprès du directeur d’établissement, et le convaincre - si besoin - que l’accès au bien-être physique et mental consiste aussi à se sentir bien en cours, avec son enseignant, et qu’il amène une meilleure disposition à l’apprentissage.

1 - « Projet d'atelier-formation pour réguler le stress professionnel, développer l'attention concentration et aller vers un mieux-être professionnel », Raymond Barbry, Ageps.

2 - Cette technique consiste à marcher en rythme avec une cohérence respiratoire avec ses pas. Il permet de se détendre avant de reprendre un cours. Une enseignante a ainsi utilisé cette méthode juste après la récréation et a ainsi permis aux élèves déconcentrés ou agités de se calmer avant le début du cours.

Cas de départ

Sylvie est enseignante au collège depuis plus de 10 ans. Elle maîtrise ses cours et entretient de bonnes relations avec ses élèves. Mais depuis peu, Anne, 15 ans et élève de troisième, semble agitée. L’adolescente se rend régulièrement à l’infirmerie, se plaignant de douleurs abdominales ou de difficultés respiratoires. Et en profite pour confier ses angoisses à l’infirmière. Anne dort moins de 5 heures par nuit d’un sommeil agité. L’enseignante, qui se trouve démunie devant cette situation, est en quête d’outils pour aider les élèves à surmonter leur mal-être.

HISTORIQUE DU PROJET

→ D’avril à juin 2015 : présentation du projet à la direction de l’établissement scolaire et au conseil d’administration.

→ Septembre 2015 : début des premiers ateliers-formation relaxation.

→ Février 2016 : fin de la formation, après huit rencontres, soit 17 heures de formation.

→ Mai 2016 : une deuxième évaluation sera faite auprès des enseignants. L’occasion d’échanger sur ses pratiques et les résultats observés.

→ Septembre 2016 : une nouvelle session de formation sera lancée pour les enseignants qui souhaitent être formés à ces pratiques.

ÉVALUATION

Un outil pour tous

À la fin de la première session en février, l’expérience a été complétée par une analyse de cet outil au sein du milieu scolaire. Les enseignants ont soulevé divers bienfaits : lien entre le corps et les émotions, meilleure régulation du stress, capacité à prendre du recul en temps réel sur la gestion de la classe… Devant les élèves, ils ont ou utiliser divers outils de relaxation - respirations profondes, fixation attentionnelle sur un point pour se recentrer, micro-temps de silence, breathplay, etc. - qui ont amené l’amélioration des temps de concentration et d’attention, une diminution de l’agressivité, et un meilleur dialogue en classe.