Mots à maux - L'Infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 370 du 01/04/2016

 

ÉDITORIAL

Une fois n’est pas coutume : nous appelons au banc des accusés, le journaliste. Son délit ? Un mauvais usage du mot et de l’écriture. C’est ce que démontre l’étude de l’association PromesseS sur la représentation de la schizophrénie dans les médias français(1). Huit journaux, 1,3 million d’articles scrutés, et au final, un constat navrant : information médicale quasi inexistante, idées fausses, mode caricatural, usage métaphorique débridé… Un vrai problème de fond quand on sait que la schizophrénie, l’une des plus invalidantes des maladies psychiques, compte 600 000 patients en France, et concerne 3 à 5 millions de proches directs. Un enjeu de santé publique donc ! Pourtant, le mot ne désigne la maladie que dans 4 articles sur 10, réduit à un « élément de décor » déconnecté de toute connaissance de la pathogie. Ainsi, note l’étude, 58 % des articles de la presse quotidienne régionale l’utilisent dans un contexte policier et judiciaire, avec des dérives sémantiques ! Mais ces clichés ne nous étonnent que peu. Car la schizophrénie est devenue un mot « fourre-tout » qui veut tout dire sans rien expliquer. Une façon de parler d’un comportement ambivalent, d’un double contraire et contradictoire, d’un manipulateur qui interdit toute empathie. Alors non, la schizophrénie n’est pas le fruit de l’éducation. Non, elle n’a rien à voir avec le handicap mental. Non, elle n’est pas nécessairement héréditaire. Et non, ce n’est pas une maladie sans espoir. Car outre les traitements médicamenteux et les nouvelles voies thérapeutiques, l’espérance réside aussi dans l’amélioration de la représentation que l’on se fait - et que l’on fait - de la maladie psychique, ainsi qu’une vigilance accrue des médias, des soignants, et du public dans le discours utilisé. Une autre façon de déstigmatiser le patient.

1 - De mars à septembre 2015, l’étude a analysé des articles de journaux publiés entre 2011 et 2015, représentatifs de la presse écrite : Le Monde, Le Figaro, La Croix, Libération, Le Parisien, L’Express, Le Point, Paris Match.