LES « CUMULARDS » DE L’AP-HP - L'Infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 368 du 01/02/2016

 

INTÉRIM

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Véronique Hunsinger  

L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris est suspectée de nombreuses violations du code du travail sur l’intérim, portant notamment sur le cumul illégal d’activités de certains de ses agents.

L’AP-HP se fait taper sur les doigts par l’Inspection du travail. Au cœur du « scandale », une enquête publiée par le quotidien L’Opinion : près de 5 300 contrats d’intérim commandités par l’AP-HP entre le 1er janvier et le 31 août 2015 ne seraient pas conformes au droit du travail.

Les griefs, relevés lors d’un contrôle sur une société d’intérim prestataire de l’AP-HP, portent à la fois sur la forme (absence ou imprécision des motifs d’embauche ou des noms et qualifications des salariés absents) que sur le fond (non respect de la durée légale du travail ou inégalités salariales).

L’Inspection pointe également les cas de fonctionnaires titulaires qui exercent illégalement(1) des missions d’intérim pendant leurs congés, parfois au sein même de l’Assistance publique.

L’AP-HP a réagi par communiqué en rappelant qu’elle recourt, chaque année, à 600 000 heures de mission d’intérim, un marché réparti entre plusieurs sociétés. À propos des irrégularités dans la rédaction des contrats de travail, elle plaide la bonne foi et les « conditions d’urgence » dans lesquels les contrats doivent parfois être rédigés, lorsqu’il s’agit de faire remplacer un agent au pied levé. Sur le cas des « cumulards », elle se défausse sur les sociétés d’intérim, censées s’assurer que les agents ne sont pas en situation de cumul. Des vérifications ont débuté sur 500 agents de l’AP-HP, qui ont exercé depuis 2012 une ou plusieurs missions d’intérim pour le compte de la société contrôlée par l’Inspection. Pour au moins 350 d’entre eux, la situation s’est révélée conforme à la réglementation. Il pouvait s’agir, par exemple, d’agents qui n’étaient pas en fonction ou d’étudiants, autorisés à faire des missions d’intérim.

Faiblesse des salaires

L’AP-HP indique avoir demandé les listes des autres prestataires. « Beaucoup de jeunes infirmières font un peu d’intérim pour arrondir les fins de mois, admet Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers. C’est un très vieux phénomène qui a deux causes : la faiblesse des salaires en début de carrière et l’AP-HP qui, trop souvent, préfère encore recourir à l’intérim plutôt que d’embaucher. » Les agents contrevenants s’exposent à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur ce sujet en 2011, seulement 8 cas en 9 ans ont été instruits à l’AP-HP, qui se déclare impuissante.

1- Les agents de droit public peuvent exercer certaines activités « accessoires » listées par un décret de 2007 (expertise, enseignement, mais pas de remplacements en service), sous réserve d’autorisation de leur employeur. Cette condition n’est pas requise pour ceux dont la durée de travail est inférieure ou égale à un mi-temps.