Matières et traitements en évolution - L'Infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015

 

FORMATION

TECHNIQUES

Anne-Gaëlle Moulun  

Disparition de la javel, lavage à 40°, le traitement du linge hospitalier évolue au rythme de la nature des textiles, des impératifs d’hygiène et des contraintes économiques. Avec toujours le même objectif : la limitation des contaminations microbiennes.

Du coton au synthétique, le linge hospitalier a évolué au fil des années. Les textiles ont ainsi progressivement changé de nature, afin de s’adapter davantage aux contraintes économiques et de faciliter son entretien. En parallèle, son traitement devient de plus en plus respectueux de l’environnement.

Mélange coton-polyester et bambou

« Depuis plus de quinze ans, il n’y a plus de linge hospitalier en 100 % coton », souligne Thierry Desenzani, directeur du centre de traitement textile hospitalier du groupement de coopération sanitaire (GCS) de Beauvais (60) et ancien président de l’Union des responsables de blanchisseries hospitalières (URBH). Désormais, les mélanges polyester/coton – voire le polyester pur – sont privilégiés, du fait de leur facilité d’entretien.

→ En règle générale, les vêtements hospitaliers sont actuellement composés à 65 % de polyester et à 35 % de coton, tandis que le linge de lit, les champs opératoires et le linge de bloc sont composés à 50 % de polyester et à 50 % de coton. Un mélange qui offre plusieurs avantages : « Les textiles peuvent être lavés à plus haute température, ils s’usent moins vite, durent plus longtemps, sèchent plus vite et se défroissent plus facilement, précise Emmanuelle Guillemaud, responsable qualité à la blanchisserie de Grenoble. De plus, ils coûtent moins cher. » La crise du coton en 2009-2010, qui avait provoqué une multiplication par trois ou quatre des prix, a encouragé le développement de ces mélanges avec des fibres synthétiques.

→ Le polyester offre également une meilleure barrière microbienne, qu’il soit sec ou humide, car il présente une adhérence plus réduite aux micro-organismes (élément barrière). Seul bémol, il est moins confortable : « On a tendance à transpirer un peu plus, car ces textiles sont moins respirants », souligne Emmanuelle Guillemaud. À part ces mélanges, Thierry ?Desenzani constate qu’il n’y a « pas vraiment d’évolution considérable des tissus, que ce soit en France ou à l’étranger ». En revanche, de nouveaux coloris apparaissent. « Les teintes foncées, les couleurs vives sont désormais plus courantes, car les teintures résistent mieux aux différents traitements », remarque-t-il. Et de citer également « des essais en cours sur des textiles antibactériens. Ces produits arriveront sur le marché dans les années à venir, mais ils posent un problème de coût pour les hôpitaux. Il n’est pas certains que ces derniers auront les moyens d’acquérir ces tissus beaucoup plus cher ».

→ En revanche, les établissements pourraient être intéressés par l’apparition de mélanges de polyester avec de la fibre de bois. « C’est un produit plus vert, qui s’inscrit dans une démarche environnementale, apprécie Thierry Desenzani. Ce sont souvent des fibres de bambous, dont la culture nécessite moins d’eau que le coton. Ils apportent aussi un confort supplémentaire pour le personnel, que ce soit en termes de respirabilité ou de confort thermique pendant l’hiver. Nous l’avons testé et nous avons trouvé que c’était un produit intéressant. Le problème du coût subsiste pour le moment, mais devrait se réduire lorsque la production va augmenter », estime-t-il.

Des techniques plus respectueuses de l’environnement

Le traitement du linge devient lui aussi de plus en plus respectueux de l’environnement. « Il y a une évolution importante ces dernières années », souligne Thierry Desenzani. « Avant, on lavait le linge à des températures élevées, à 80 ou 85 °C. Désormais, on utilise des procédés qui respectent l’environnement et les ressources, notamment l’eau et le gaz. On s’oriente donc plutôt vers des lavages à moyenne, voire basse température. Beaucoup de blanchisseries travaillent désormais à 60 °C et certains commencent à laver à 40 °C, ce qui permet des réductions importantes d’énergie. » L’eau aussi est économisée : « En tunnel de lavage, on utilisait entre 8 et 10 litres d’eau par kilo de linge. Aujourd’hui, nous sommes capables de laver correctement avec 3 litres par kilo de linge », développe-t-il. Ces évolutions ont été rendues possibles grâce aux progrès de la chimie. « Des produits nouveaux sont apparus sur le marché. Nous avons supprimé quasiment totalement la javel et nous utilisons par exemple du peroxyde d’hydrogène et des acides peracétiques pour obtenir des effets de blanchiment et de désinfection », explique-t-il. Dans sa blanchisserie, il lave tous les types de linge à 40 °C « excepté les bandeaux de lavage de sol ». En effet, ces derniers sont généralement fortement souillés et contaminés. « C’est un problème pour tous les blanchisseurs », reconnaît Thierry Desenzani. Pour ces articles, il est obligé d’utiliser « davantage de chimie, avec des produits désinfectants en plus grande quantité et des températures plus élevées, de 60 °C ». C’est aussi le seul article pour lequel la récupération de l’eau dans les tunnels de lavage n’est pas possible. « D’habitude, ce procédé nous permet d’économiser de l’eau. Mais quand on lave les bandeaux, on préfère vidanger les tunnels de lavage pour éviter de récupérer de l’eau qui ne serait pas très propre. Ce sont donc des cycles qui consomment beaucoup plus d’eau que les cycles normaux », note-t-il.

Mais à part les spécificités du lavage pour ces articles, les techniques de traitement du linge sont souvent les mêmes d’une blanchisserie à l’autre, avec quelques variations en fonction des tonnages (voir l’exemple de la blanchisserie des Hospices civils de Lyon, p. 57).

La méthode Rabc, un élément-clé de la démarche qualité

Au-delà des critères environnementaux, des impératifs d’hygiène, de qualité et de sécurité s’imposent aux blanchisseries à travers la mise en œuvre de la méthode Rabc (Risk Analysis and Biocontamination Control), une démarche qualité destinée aux blanchisseries. « Elle propose un système qui limite les contaminations microbiennes à travers l’analyse et la maîtrise des risques relatifs au traitement de textiles », explique René Reynaud, responsable de la blanchisserie inter-hospitalière Sud de Saint-Étienne. Les principes de cette démarche ont été formalisés par la norme NF EN 14065, éditée en 2003. Elle s’articule autour de sept principes : étudier les dangers microbiologiques liés aux processus, aux produits et au personnel ; établir une stratégie de maîtrise des risques ; définir les seuils limites et les niveaux de tolérance ; instaurer un système de surveillance adéquat ; anticiper des actions correctives en cas de dépassement des limites critiques ; mettre en place des procédures de vérification du système Rabc et maintenir une veille documentaire et un système d’enregistrement garantissant la traçabilité. Afin de faciliter l’interprétation et la mise en place de cette méthode en blanchisserie, l’URBH a édité un guide sur le sujet. Il précise que l’application de cette méthode « fait partie des éléments d’appréciation de la Haute autorité de santé lors des visites d’experts dans le cadre de la procédure de certification des établissements de santé. C’est pourquoi une démarche qualité selon la méthode Rabc est vivement recommandée ».

HISTOIRE

La grande lessive

L’histoire du linge témoigne de l’évolution de l’hygiène à l’hôpital. Durant des siècles, les malades étaient plusieurs par lit.

Les draps sont peu souvent changés… À l’Hôtel-Dieu, faute de buanderie, la lessive est faite dans les salles jusqu’en 1791.

À la même époque, l’hôpital du Mans fait figure d’exception avec son bateau-lavoir sur la Sarthe. À la Pitié-Salpêtrière, la première buanderie inter-hospitalière et de type industriel apparaît en 1891. On trempe le linge dans des cuves de 1 000 litres et on lave avec du crésyl, du carbonate de soude et du savon noir. Dans les années 30, des évolutions significatives se font jour avec l’arrivée des sécheuses repasseuses.