L’usage unique, la règle au bloc - L'Infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 366 du 01/12/2015

 

FORMATION

TECHNIQUES

A.-G. M.  

Le linge de bloc est de moins en moins traité en blanchisserie… Et pour cause : le « vrai tissu » est en recul, au profit d’articles à usage unique.

Les champs opératoires en tissu ont pratiquement disparu des blocs opératoires. « Auparavant, nous devions traiter des tissus “barrière” en goretex ou en microfibres, se souvient Thierry Desenzani, directeur du centre de traitement textile hospitalier du groupement de coopération sanitaire (GCS) de Beauvais (60) et ancien président de l’Union des responsables de blanchisseries hospitalières (URBH). Il fallait les traiter avec des produits particuliers. Ces textiles respectaient la barrière micro-biologique, mais nous n’avons pas réussi à trouver des solutions économiquement intéressantes garantissant cette barrière, ce qui explique que l’usage unique ait été préféré. » Il estime que « près de 98 % des établissements utilisent désormais de l’usage unique pour les textiles en contact avec le patient au bloc opératoire. Désormais, on ne voit plus de champs opératoires ou de casaques tissés ».

« Il reste seulement les draps de table en tissu avec 50 % coton et 50 % polyester et les fameux pyjamas opératoires, les tuniques et pantalons bleus ou verts, qui sont utilisés en non stériles », confirme René Reynaud, responsable de la blanchisserie inter-hospitalière Sud de Saint-Étienne. Néanmoins, l’équipe chirurgicale « endosse par-dessus une casaque en usage unique stérile ». Cette évolution est notamment due aux exigences d’hygiène particulières au bloc.

Limiter particules et poussières

« La tenue de bloc en coton est désormais à proscrire, car elle génère davantage de particules et de poussières, qui peuvent se déposer au niveau des champs chirurgicaux et qu’il faut limiter au maximum, souligne Sylvie Monier, cadre de santé hygiéniste à l’hôpital Henry Gabrielle à Saint-Genis-Laval (69) et membre du Cclin Sud Est. Et ces particules ne viennent pas seulement du tissu, mais également des humains qui les portent ! Selon le Dr Philippe Carenco, médecin hygiéniste au CH de Hyères (83) et président d’une blanchisserie, on émet 500 000 particules de moins de 5 microns par minutes au repos et 5 millions par minutes lorsque l’on marche(1). « En plus d’être dans une matière adaptée, la tenue doit être resserrée aux extrémités afin de réduire la mise en suspension et la diffusion de particules de peau et de poils issus de la desquamation de la peau du personnel de bloc », Sylvie Monier. Le Dr Philippe Carenco met cependant en garde contre la fausse impression de sécurité que donnent parfois les tenues à usage unique. « L’usage unique n’est pas nécessairement propre, pointe-t-il. J’ai déjà vu des linges de ce type contaminés par des puces, qui ont piqué des gens. Lorsque le transport n’est pas maîtrisé, ce genre de désagrément peut survenir. Il faut toujours s’assurer que le linge a été décontaminé. » Pour lui, « l’usage unique est actuellement moins honéreux, car le traitement des déchets n’est pas coûteux. Mais d’un point de vue environnemental, il est un peu une hérésie, car on utilise du pétrole pour le fabriquer et on le brûle ensuite ». Il estime qu’ « à l’avenir, on pourrait bien revenir vers le réutilisable ». Un avis que ne partage pas Thierry Desenzani. « Certains disent qu’on reviendra peut-être au textile avec le développement durable. Je n’en suis pas très sûr, car la priorité reste la barrière microbiologique », commente-t-il.

1 - Ces chiffres sont tirés du guide de l’ASPEC : www.aspec.fr/espace_technique/sommaire_air.php

EN CHIFFRES

→ 20 % seulement des établissements hospitaliers publics, en France, externalisent intégralement la fonction linge, contre 80 % en Europe*.

*D'après une enquête menée par le Centre technique industriel de la teinture et du nettoyage (CTTN-IREN) en 2010.

→ La blanchisserie hospitalière représente :

• 32 %, en volume, des parts du marché de l'entretien des textiles en France.

• 12 000 personnes employées.

• 1 505 tonnes de linge traitées chaque jour dans 995 structures.

AU CœUR D’UNE BLANCHISSERIE

27 TONNES DE LINGE PAR JOUR…

La blanchisserie des Hospices civils de Lyon nous a ouvert ses portes, l’occasion de suivre le processus de traitement du linge.

Le linge arrive à la blanchisserie par camions dans une zone de déchargement, puis est vidé au niveau du poste d’accrochage (1).

Les sacs de linge sont de différentes couleurs : vert pour les draps, orange pour les couvertures, etc. Un opérateur accroche le sac à un crochet, puis l’envoie dans le circuit. Chaque sac est alors pesé et identifié, avant d’être stocké dans un premier secteur avec le reste du linge « non trié » (2). « On sait ainsi en temps réel combien de linge nous avons dans la blanchisserie », explique Stéphane Ulrich, responsable adjoint de la blanchisserie. Les sacs sont ensuite vidés sur des tapis roulants et triés manuellement par deux équipes de quatre agents (3). Ils mettent le linge dans des alvéoles dédiées à chaque type de linge : draps, taies, serviettes, etc. Quand le poids atteint 40 à 50 kg, l’alvéole se ferme et envoie le linge dans de gros sacs bleus, qui vont alimenter les tunnels de lavage (4). « Ces tunnels permettent de laver 40 à 50 kg de linge en deux minutes cinquante », précise Stéphane Ulrich.

Après le lavage, les tenues professionnelles vontdans une essoreuse-centrifugeuse, tandis que le reste du linge passe sous des presses. Le linge propre est ensuite envoyé dans le secteur de finition. Dans la « zone d’engagement » (5), huit employés mettent manuellement le linge plat (drap, serviettes, taies) dans des machines qui vont les sécher (6) et les repasser, avec un objectif de 300 draps à l’heure.

Puis, une plieuse automatique plie le linge et le met par piles. Les draps sont ensuite mis sur des plateaux automatiquement, tandis que les petites pièces et les serviettes éponges sont mises en plateau manuellement. Pour le linge dit « en forme », c’est-à-dire les tenues professionnelles de bloc ou les chemises de malades, un tunnel de finition sèche et repasse les pièces (7). « Nous avons dix postes d’engagement sur ce secteur, avec une moyenne de 260 à 280 pièces par heure par agent », précise Stéphane Ulrich. Elles sont ensuite triées par établissement et par service, grâce à des puces insérées dans les tenues de bloc et les tenues professionnelles, et à des codes-barres sur les chemises des malades. Les articles sont ensuite envoyés vers des robots de pliage, puis dirigés vers le secteur « expéditions ». Une fois lavé, séché et plié, le linge est déposé dans un transstockeur (8), qui contient une demi-journée de production et peut servir de stock tampon. Le secteur « expédition » s’occupe alors de préparer les commandes et de les renvoyer dans les différentes unités de soins. Les tenues non nominatives, destinées aux établissements équipés de distributeurs automatiques sont, quand à elles livrées, sur cintres après un tri en fonction des tailles. « Nous avons ouvert il y a un an et nous travaillons pour l’ensemble des établissements des Hospices civils de Lyon (HCL), ainsi que pour d’autres centres hospitaliers, comme ceux du Vinatier, de Givors, de Saint-Foy et de Bourgoin-Jallieu. Chaque jour, nous traitons 27 tonnes de linge, sur une amplitude horaire de 13 heures », conclut Béatrice Roeland, responsable de la blanchisserie.

A.-G. M