INESTIMABLE SAVOIR-FAIRE - L'Infirmière Magazine n° 365 du 01/11/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 365 du 01/11/2015

 

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Monsieur P. est proche des 88 ans ; c’est un grand homme un peu bourru, le visage transformé par le temps et peut-être un peu (trop) d’alcool. Depuis la mort de son épouse, il y a quatre ans, il vit seul et se laisse porter par les jours qui passent. Ses enfants désespèrent de voir leur père sombrer, refusant toute aide pour l’entretien de sa maison.

Une matinée d’hiver, son quotidien bascule : Monsieur P. chute en pleine rue. Il est emmené à l’hôpital et y reste quelques jours en observation. Là-bas, l’équipe met en évidence une régularité approximative dans la prise de son traitement et une incurie.

À sa sortie, un passage infirmier quotidien est demandé par le médecin pour l’aider à prendre soin de lui, afin qu’il puisse rester vivre seul tout en minimisant les risques pour sa santé physique et mentale. Sa fille est inquiète.Elle se demande comment son père va nous recevoir.

Premier matin, premier contact. Monsieur P. ne veut rien entendre : il n’a pas besoin de nous. Il faudra du temps, de la patience pour amener les choses doucement, sans être trop insistant. Proposer, mais pas imposer.

Il y a eu des portes claquées au visage, des mots pas vraiment sympathiques mais semaine après semaine, un lien de confiance s’est tissé. Monsieur P. a accepté notre présence, puis nos soins, attendant même nos passages. Il partage ses angoisses et ses difficultés pour que l’on puisse, ensemble, chercher des solutions. Être infirmière libérale, ce n’est pas seulement se déplacer de patient en patient pour dispenser des actes. C’est aussi, dans les prises en charges chroniques qui représentent la majorité de notre activité, créer une relation de soin qui s’inscrira dans la durée et soutiendra un maintien à domicile parfois compromis, malgré les aides matérielles. Cela n’est pas toujours évident ; parfois, la porte reste close, mais en général, nous savons la maintenir toujours un peu entrouverte pour qu’un jour nous puissions, quand le patient le décidera, lui tendre la main. Seront alors évitées, comme pour Monsieur P., de nombreuses hospitalisations, ainsi qu’un placement prématuré en structure, contraire à leur souhait et à celui de leur famille.

Ce savoir-faire infirmier est l’une des trames de notre exercice quotidien, non comptable, mais qui pourtant mériterait d’être reconnu, tant il est essentiel dans la prévention des risques liés au maintien à domicile d’une population vieillissante.

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