L’hôpital soigne son accueil - L'Infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 362 du 01/07/2015

 

QUALITÉ

DOSSIER

SANDRA MIGNOT  

Revendiqué comme une valeur soignante, l’accueil du patient à l’hôpital compte parmi les principaux axes d’amélioration des établissements. Découverte des initiatives, nombreuses mais encore éparses.

Un bon accueil, c’est ce que les patients vont retenir, même s’ils sont dans une situation de stress aigu ou que leur passage à l’hôpital se termine mal », assure Valérie Carpentier, cadre supérieur des urgences au CHU de Rouen. Alors que les hôpitaux sont soumis à certification, que les patients revendiquent de s’impliquer plus avant dans leur prise en charge et que les restructurations mettent à rude épreuve les établissements de soins, publics comme privés, plus question de se reposer sur le seul savoir-faire médical, fût-il parfait. L’image des établissements doit également être soignée et celle-ci passe par la satisfaction du patient. La mobilisation actuelle des établissements dans l’amélioration de leur qualité d’accueil, se trouve à la croisée des enjeux de qualité, de montée de la reconnaissance des droits des usagers, voire d’une concurrence de plus en plus prégnante localement.

« L’accueil est un enjeu important, quelle que soit la dimension de l’établissement, confirme Dominique Osu, directrice de la qualité et de la patientèle au CHU de Tours. Nous devons travailler ce critère spécifiquement en dehors de la qualité de prise en charge et des soins. » Son établissement a procédé récemment à une analyse des processus du parcours patient pour identifier pas moins de 80 pistes d’amélioration depuis la facilitation du stationnement, jusqu’à l’amélioration de la qualité gustative des repas en oncologie ou la préservation de l’intimité pendant les séances de chimiothérapie. « Un premier référentiel sera élaboré pour tout ce qui concerne l’accueil général au second semestre 2015 ; ensuite, nous aborderons l’accueil par les services eux-mêmes », explique Dominique Osu.

Cette initiative l’illustre, l’accueil est une notion multidimensionnelle. Dans son manuel de certification (lire l’encadré p. 23), la Haute autorité de santé en décline d’ailleurs les différents aspects. Mais sans doute, plus que tout, l’accueil est cette relation dans laquelle se tissent le lien et la confiance.

Les technologies, avec parcimonie

Au centre hospitalier de Beauvais, différents services ont été mis en place pour favoriser le premier contact entre le patient et l’établissement. Alors que les prises de rendez-vous étaient auparavant réalisées par les secrétaires médicales de chaque service, une gestion centralisée a été mise en place depuis quelques années. « Nous avons organisé un pool d’agents administratifs dédiés aux activités d’accueil téléphonique, physique et de frappe des compte-rendus médicaux », résume Brigitte François, coordinatrice des secrétariats au CH de Beauvais. Les agents d’accueil sont formés et savent orienter les patients vers le praticien adapté. Surtout, les appels n’arrivent plus dans les services, où parfois, lorsque la secrétaire médicale était absente, c’était l’infirmière qui répondait, entre deux soins. « Cela remet les soignants au cœur de leur métier », observe Sylvie Forsoni, cadre supérieur du pôle femmes-enfants à Beauvais. Les circuits ont également été repensés. « Depuis le début de l’année, nous avons supprimé le double accueil, d’abord administratif, puis à l’arrivée des consultations externes, pour le remplacer par un guichet unique, ce qui permet une diminution globale du temps d’attente », développe Sylvie Forsoni. En maternité, une borne informatique a également été mise en place ; elle permet aux patientes de s’enregistrer à l’arrivée via leur carte vitale et d’enclencher le système de facturation. « C’est aussi un gain de temps, mais cela ne pourrait pas fonctionner dans tous les services, observe Brigitte François. Il faut des patients jeunes et relativement habitués à utiliser ce matériel. » Enfin, un numéro vert est mis à disposition des professionnels de santé libéraux pour faciliter la prise de rendez-vous auprès du spécialiste et l’élaboration du parcours de soin dès les premiers soupçons de cancer. D’autres services sont à l’étude, notamment le rappel des rendez-vous de suivi par SMS, ou la prise de rendez-vous par Internet. « Ce sont des initiatives qui répondent à la demande des patients et aux besoins du territoire, estime Sylvie Forsoni. Alors nous devons poursuivre sur cette lancée… »

Un temps pour communiquer

Les solutions sont donc multiples selon le profil des patients et le type de service, court ou long séjour, ambulatoire. À la clinique de soins de suite et de réadaptation Cardiocean de Puilboreau (17), c’est un outil tout simple qui a été mis en place : des réunions d’accueil. Chaque lundi, les derniers patients entrés dans le service – dans lequel ils demeureront en moyenne trois semaines – sont réunis pour la présentation des lieux, du fonctionnement de la rééducation, des modalités de prise en charge, des professionnels et de leur disponibilité… « C’est un moment animé par la direction, un cadre de santé ou le responsable qualité, résume Jean-Philippe Marfaing, le directeur de l’établissement. Un moment de communication qui doit évidemment se poursuivre sur toute la durée du séjour. » La réunion permet de dispenser les informations de base sans que le personnel ait à se répéter les jours suivants. Le dialogue futur entre le patient et le soignant pourra ainsi être recentré sur la situation individuelle. « Une partie des informations dispensées au cours de la réunion recoupent celles du livret d’accueil, qui est assez dense et pas forcément lu en entier durant le séjour », note le directeur.

Personne de confiance

L’image et l’affichage sont également des outils permettant d’améliorer l’accueil du patient. Ainsi, à Mantes-la-Jolie, le service de cardiologie s’est engagé dans l’amélioration de sa qualité d’accueil à la demande de la direction qui souhaitait sensibiliser davantage les professionnels sur la notion de personne de confiance et obtenir de meilleurs retours de la part des patients via les questionnaires de satisfaction. « Cette réflexion nous a amenés à la création d’outils : des affichettes installées dans les chambres qui évoquent ces deux points, une BD destinée au personnel présentant une séquence d’accueil à l’arrivée d’un patient, ainsi qu’un guide de recommandations », résume Véronique Defresne, cadre du service. L’ensemble du personnel a par ailleurs été formé afin de mieux connaître le rôle de la personne de confiance et d’être en mesure de l’expliquer. Et de poursuivre : « Lorsque le patient arrive, nous l’installons en chambre et lui remettons le livret d’accueil en lui présentant les différents onglets, et les deux formulaires présents à l’intérieur afin qu’il les remplissent. » Cela prend du temps, mais « quand il faut poser une perfusion, nous prenons le temps. Pour l’accueil, ce doit être la même chose ». Outre ce protocole, une concertation au sein de l’établissement a également permis de mieux organiser les transferts, afin d’éviter que des patients arrivent dans le service avant que la chambre soit prête ou alors que l’infirmière et l’aide-soignante sont investies dans d’autres tâches.

Une implication de tous

Les représentants des usagers ont une implication plus ou moins importante dans les projets mis en place. « Lorsque la direction a commencé à réfléchir sur l’accueil dans notre établissement, les représentants des usagers ont été associés au groupe de travail constitué de représentants de l’ensemble des services et professions de l’hôpital », se souvient Valérie Hilaire, cadre aux urgences adultes du CHU de Tours. Puis, lorsque j’ai engagé un travail au niveau de mon service, ils sont venus le visiter et je leur ai proposé qu’on élabore un diaporama à diffuser dans la salle d’attente qui informerait sur le fonctionnement du service, les raisons de leur attente, l’organisation des locaux, etc. »

Autre initiative, venant des équipes elles-mêmes : la mise en œuvre, aux urgences pédiatriques de Tours, d’un protocole d’accueil des familles sourdes ou malentendantes, en place depuis deux ans. « Tout est parti du constat qu’une famille était restée deux heures dans la salle d’attente avec son enfant sans se signaler, ni comprendre comment il fallait procéder pour être prise en charge », résume Isabelle Proust, cadre au sein de ce service. Une petite équipe, constituée d’un agent administratif d’accueil, d’une auxiliaire de puériculture et de la cadre, s’est donc organisée, avec l’appui d’un coach (et un financement de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux), pour élaborer des affichettes et des formulaires destinés à l’accueil de ces patients.

Bienfaits pour les patients…

« L’accueil, c’est essentiel, a fortiori dans un service difficile, résume Isabelle Proust. Quand on est jeune infirmière, on est davantage intéressée par le soin technique, mais je sais qu’un bon accueil peut marquer les gens à vie, et en tant que cadre, je continue à m’impliquer personnellement sur ce point lorsque les IDE ont besoin de renfort. » Ce qui n’est pas si rare, notamment dans les services d’urgences. « Quand on est pris dans une activité intense, on peut perdre de vue l’essentiel, la politesse, l’empathie, l’écoute, remarque Valérie Carpentier, cadre supérieur aux urgences de Rouen. Mais ce sont nos valeurs de soignant et il faut trouver le temps et la ressource pour un sourire, un bonjour, se présenter… » Pour les soignants, l’accueil est donc une façon d’être dans le soin, tout au long de l’accompagnement du patient. « Même si je l’ai appris à l’école, c’est plutôt une façon de vivre mon métier », résume Nelly Pontet, Iade en pédiatrie au centre hospitalier de Roanne.

Même s’il n’existe pas d’évaluation de l’impact de la qualité de l’accueil sur l’amélioration de la santé du patient, les soignants sont tous convaincus de ses bienfaits. « En anesthésie pédiatrique par exemple, des données montrent qu’un enfant angoissé dans le temps préopératoire rencontrera davantage de troubles (du sommeil, du comportement, de la sensibilité…) dans les suites de l’intervention », assure Nelly Pontet. Et c’est ce qui a poussé son service à mettre en place une consultation préanesthésique animée par des Iade. « Nous expliquons, avec des mots simples et dédramatisants, tout ce qui va se passer à l’enfant et aux parents, décrit l’Iade. Nous montrons les instruments : le masque, le ballon, les électrodes. Nous utilisons aussi un album photo que nous avons élaboré et qui montre la préparation, de sorte que lorsque l’enfant arrive pour l’intervention, il n’a plus peur. » Finis les cris et les larmes. Depuis, une consultation équivalente a été mise en place pour les adultes. « Pour moi, l’accueil conditionne toute la suite du soin. C’est intuitif, mais très clair », soutient Nelly Pontet.

… et pour les soignants

Et quand une équipe s’engage dans une démarche d’amélioration de la qualité de l’accueil, elle en constate généralement les bénéfices. « Ce que j’attends de ce dispositif (lire plus haut, NDLR), c’est une diminution de la violence et de l’agressivité aux urgences, explique Valérie Hilaire, à Tours. Les soignants ne sont pas toujours disponibles pour répondre directement aux familles, donc si celles-ci ont déjà des réponses via ce film, cela devrait apaiser les choses. » Précédemment, la mise en place d’un flyer avec quelques explications plus concises et un numéro de téléphone pour joindre l’agent d’accueil avait déjà permis d’obtenir des résultats. « Même si lire n’est pas toujours évident quand on est angoissé, des personnes m’ont dit qu’elles avaient compris pourquoi on les faisait attendre et avaient pris conscience des différents degrés d’urgence », note Valérie Hilaire.

La réorganisation des urgences de Rouen, quant à elle, a rapidement suscité la satisfaction des professionnels. « Nous avons créé un poste d’aide-soignante d’accueil, d’abord en journée, puis la fonction a été étendue sur la soirée et les week-ends, explique Valérie Carpentier. Cette professionnelle assure l’interface avec les familles, les informe de ce qui se passe dans les secteurs où elle seule peut circuler, renseigne sur les durées d’attente, et peut répondre à la plupart des questions. » Un accueil téléphonique a également été mis en place pour répondre aux familles qui ne sont pas dans les murs. « L’ambiance est clairement meilleure », conclut Valérie Carpentier. La réorganisation du parcours des patients en fonction de leur arrivée (debout ou couchée) et le tri réalisé par l’infirmière organisatrice de l’accueil en fonction du secteur de destination (médecine ou chirurgie) ont aussi contribué à l’amélioration. Au final, « Nous reçevons davantage de lettres de satisfaction qu’auparavant et il y a une baisse notable du nombre de plaintes », ajoute la cadre supérieure. Comme quoi, travailler l’accueil bénéficie aux usagers comme aux professionnels.

TÉMOIGNAGE

« Concevoir, dès le départ, un hôpital accueillant »

YANN BUBIEN* DIRECTEUR DU CHU D’ANGERS

« L’environnement est important pour le bien-être du patient. De nombreuses études le montrent d’ailleurs. Et l’architecture doit permettre aux professionnels de santé de travailler dans de bonnes conditions et faciliter le parcours de santé. La conception des flux de circulation, du mobilier adapté, des aménagements agréables, de la musique, une jolie vue lorsque c’est possible sont autant d’éléments qui peuvent jouer un rôle apaisant, voire distrayant. Des locaux bien pensés peuvent permettre d’oublier le temps et le stress dans les espaces d’attente. Venir à l’hôpital est rarement un moment facile. Il est donc important de penser dès le départ un hôpital accueillant. Cela commence avec la bonne localisation.Il y a ensuite toute une réflexion sur les transports, le mode d’arrivée à l’hôpital. Un parcours dessiné, paysagé qui propose des haltes plaisantes entre le parking et l’accueil contribue au caractère « aimable » des lieux. Ensuite, le hall d’accueil : dans l’hôpital, il faut désormais le penser un peu comme un lobby d’un hôtel. C’est un espace d’attente, d’accès aux services, mais aussi un espace partagé, ludique, capable d’accueillir des expositions et un lieu de rencontres. La fonction d’accueil commence donc autour de l’hôpital et se poursuit tout au long du parcours de soins. Aujourd’hui, il y a de nombreuses manières d’être accueillant, en travaillant sur des sources lumineuses plus douces que celles des néons par exemple. On peut aussi réfléchir sur l’art à l’hôpital et proposer des œuvres de qualité. À Angers, nous avons refait tout l’accueil de la radiologie en insérant une œuvre d’art qui court sur tout le service. C’est magnifique, tout le monde regarde de tous côtés, au plafond. Un patient sur un brancard, il ne voit que des plafonds, souvent très laids. C’est tout bête, mais cela se pense. À quoi bon mettre un beau tableau au mur si tous les patients sont allongés ou qu’il est trop haut pour qu’un enfant le voie… ? Ainsi, il faut adapter l’accueil en fonction de celui qui est accueilli : patient debout ou dans un brancard, adulte ou enfant, personne âgée ou malade chronique habitué… On ne peut pas imposer un accueil préconçu. »

* Auteur de Concevoir et construire un hôpital – Hôpitaux, cliniques, centres ambulatoires, Le Moniteur éditions, 2014.

CERTIFICATION

Les critères de la HAS

→ Selon le critère 16A du manuel de certification de la HAS, l’accueil consiste à recevoir les personnes et à les guider tout au long de leur prise en charge.

→ Il s’exprime à travers :

– le respect d’un cadre juridique (environnement législatif et réglementaire) ;

→ la mise en œuvre d’une organisation (locaux, aménagement, organisation administrative et technique, etc.) ;

→ une attitude d’écoute et la disponibilité des différents professionnels encadrés et formés de manière adaptée.

→ L’objectif est d’assurer un service de qualité tout au long de la prise en charge des patients.