Une erreur de côté en chirurgie orthopédique - L'Infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015

 

FORMATION

CAS CLINIQUE

Dany Gaudelet  

Une patiente venue pour l’ablation du matériel d’ostéosynthèse sur le membre inférieur gauche, a été opérée des deux chevilles. Un événement indésirable grave qui a mis en cause une succesion d’évènements porteurs de risque et de de dysfonctionnements.

L’HISTOIRE

→ Mme. X âgée de 39 ans a été opérée, il y a un an, d’une fracture bimalléolaire interne du côté gauche à la suite d’une chute. Elle consulte le chirurgien en vue de planifier l’ablation du matériel d’ostéosynthèse. Le contrôle radiologique montre la présence d’une vis sur la malléole interne.

→ La date d’intervention est prévue en secteur ambulatoire un mois plus tard. Le rendez-vous pour la consultation d’anesthésie est pris lors de la consultation par la secrétaire présente.

→ L’information préopératoire portant sur les risques pouvant survenir pendant l’intervention est dispensée au patient lors de la consultation avec le chirurgien, puis avec l’anesthésiste dans le cadre du consentement éclairé. Le type d’anesthésie proposé est une anesthésie générale.

→ La patiente se présente à 7 h 30 le jour J dans le service de chirurgie ambulatoire. Elle est prise en charge par une infirmière et une aide-soignante du service de chirurgie ambulatoire qui vont procéder à la préparation pour le bloc opératoire.

Son intervention est programmée vers 12 h 00 avec une sortie envisagée vers 19 h 00.

→ Vers 11 h 45 : la patiente est emmenée au bloc opératoire par l’équipe brancardage suite à l’appel téléphonique du bloc opératoire.

Le chirurgien et l’équipe paramédicale accueillent la patiente, en l’appelant par son nom, la rassurent et l’installent sur le support de la table opératoire. L’accueil est rassurant et détendu.

La patiente est installée en décubitus dorsal (les bras sont installés en croix sur des appuis-bras en vérifiant les différents points de compression). La patiente est perfusée, mise sous monitorage et anesthésiée. Ces différents gestes réalisés sont expliqués au fur et à mesure à la patiente.

→ À 13 h 00, en fin d’intervention, la patiente est emmenée en salle de surveillance post-interventionnelle. La mise en place des paramètres de surveillance est alors réalisée : pouls, température, ECG, scope/saturomètre. Des alarmes sonores alertent les soignants en cas de mesures anormales.

→ À son réveil, le chirurgien informe la patiente qu’il l’a opéré les deux chevilles, car il s’est trompé de côté. Il réalise seul l’entretien et lui annonce qu’il passera la voir dans le service de chirurgie ambulatoire pour lui donner plus d’explications.

→ Vers 19 h 00, la patiente peut sortir de l’établissement comme prévu. Les suites opératoires ont été simples. Des antalgiques ont été prescrits par le chirurgien et une ordonnance lui a été remise pour les soins et l’ablation des fils dans 10 jours à réaliser par une infirmière.

→ Une fiche d’événement indésirable est rédigée par l’Ibode présente dans la salle d’intervention, remise à la cadre du bloc opératoire et envoyée à la cellule « gestion des risques ».

ANALYSE

La patiente est arrivée pour l’ablation du matériel d’ostéosynthèse sur la cheville du membre inférieur gauche. La cicatrice d’environ 3 à 4 cm était à peine visible. Par ailleurs, elle était également porteuse d’une cicatrice sur la cheville droite, dont elle avait été opérée quelques années auparavant.

L’analyse de risque, conduite a postériori, est réalisée par le Comité de retour d’expérience (Crex) de l’établissement, en utilisant la méthode Orion (lire encadré p. 47). Cette analyse est confiée à un pilote, choisi au sein du pool formé à la méthode, qui interroge toutes les catégories professionnelles concernées par l’événement. Elle vise à préciser les différents facteurs de risques pouvant avoir favorisé la survenue de cet événement.

Facteurs humains

• L’équipe opératoire était au complet : 1 Iade et 2 Ibode (1 circulante et 1 instrumentiste) à noter que dans ce bloc opératoire la majorité des infirmières sont Ibode.

• La patiente présentait deux cicatrices bilatérales. Elle n’avait pas d’autres antécédents chirurgicaux particuliers (personne en bonne santé).

Facteurs organisationnels

• L’intervention était planifiée en troisième position et intercalée entre deux interventions plus lourdes. Il aurait été plus judicieux de faire cette intervention en début de programme opératoire plutôt qu’en fin de matinée.

• L’enchaînement d’une intervention de courte durée entre deux interventions lourdes (ablation d’une vis sur la malléole interne) se doit d’être rapide pour le chirurgien ce qui peut engendrer le non contrôle de certains éléments primordiaux pour cette intervention.

• Le chirurgien a commencé à opérer la cheville droite sans avoir affichés au préalable les clichés radiologiques face/profil sur le négatoscope. Ne trouvant pas la vis, il a demandé alors à l’Ibode de les lui afficher et la réponse a été qu’elles ne se trouvaient pas dans le dossier médical. Le contrôle de ce dernier n’a pas bénéficié de la même attention qu’à l’habitude.

• Cette erreur de côté a donc été mise en évidence suite à la demande du chirurgien de mettre en place l’amplificateur de brillance pour faire un cliché de contrôle. Ce contrôle a révélé qu’il n’y avait pas de vis malléolaire sur la cheville droite, mais bien sur la cheville gauche. Cette erreur a donc entraîné une anesthésie plus longue, car une nouvelle installation a du être réalisée (champage opératoire du côté gauche).

• Autre facteur influent, la check-list n’a pas été renseignée en équipe pluriprofessionnelle et le marquage n’a pas été fait.

CLASSIFICATION

Trois natures d’erreurs

La nature des erreurs de côté/site opératoire peut être de plusieurs ordres :

→ Erreur dans les écrits :

– programme opératoire ;

– sur les clichés radiologiques ;

– dans le dossier médical (manque de renseignements) ;

– sur le tableau d’affichage du bloc opératoire ;

– sur le bracelet d’identification ;

– erreur de retranscription côté/intervention.

→ Erreur dans les échanges avec le patient ou professionnels :

– confirmation de l’intervention erronée par le patient (confusion sur le côté) ;

– ignorance du patient ;

– homonymie partielle ou complète avec un autre patient de l’hôpital ;

– patient non interrogeable (dément, prémédiqué, défaut de langue…) ;

– patient déjà opéré (confusion de côté, cicatrices induisant le comportement des professionnels).

→ Erreurs dans les actes :

– erreur de préparation du site ;

– utilisation du bracelet d’identification pour identifier le côté ;

– pas de marquage ou erreur de marquage du site ;

– changement de position en salle d’opération (exemple en décubitus ventral : erreur de latéralisation ;

– drapage opératoire effectué du mauvais côté ;

– position des colonnes de vidéoscopie installée du mauvais côté.

→ Autres facteurs de risques :

– changement dans l’ordre de passsage des patients ;

– intervention répétitive dans la journée ;

– changement d’équipe (rupture dans la contuinuité de l’information) ;

– mauvaises conditions de travail (manque de personnel).