L’entretien d’évaluation professionnelle - L'Infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015

 

CARRIÈRE

GUIDE

MARIE ALÈS  

Chaque année, les agents hospitaliers passent un entretien d’évaluation professionnelle avec leur supérieur hiérarchique. Un moment important pour sa carrière à préparer avec soin.

Vous allez être convoqué à un entretien d’évaluation professionnelle mené par votre supérieur hiérarchique direct. Cette rencontre annuelle est importante et il s’agit de bien la préparer. Faut-il encore connaître tous les enjeux et les procédures mises en place dans votre établissement. Car chaque établissement dispose de son propre dispositif.

Distinguer notation et évaluation

• Premier point à clarifier : l’entretien annuel participe-t-il à la notation ? En effet, chaque année, tous les agents hospitaliers fonctionnaires (ce qui exclut les agents contractuels) sont notés. Cette notation est essentielle, car elle intervient dans le calcul de la prime de service, dans les changements d’échelon et de grade. Le barème de la notation est propre à chaque établissement hospitalier. En 2010, les pouvoirs publics ont lancé une expérimentation dans la fonction publique hospitalière, qui s’est déroulée de 2011 à 2013. Son but : mettre en place un entretien professionnel qui devait remplacer la notation et s’inscrire dans une gestion prévisionnelle des ressources humaines. Certains hôpitaux ont mis en œuvre cet entretien professionnel, cadré par des textes réglementaires, pour tout ou partie des agents… sans pour autant abandonner le système de notation, trop complexe à supprimer. Cet entretien a donc contribué à la notation de l’agent. L’expérimentation est désormais terminée et depuis le 1er janvier 2014, le plus grand flou règne. De plus, certains établissements ont également instauré un entretien d’évaluation hors expérimentation.

• Vous pouvez donc vous trouver dans deux cas de figure : l’entretien annuel est utilisé pour déterminer la notation ou non. S’il ne contribue pas à la notation, vous pouvez avoir en plus un entretien de notation. Dans les deux cas, l’entretien répond à l’objectif de « valider l’adéquation de l’agent aux missions qui lui sont confiées », explique Matthieu Girier, DRH des Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne) et vice-président de l’Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (Adrhess). « Cette évaluation doit permettre la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences, précise-t-il. Le travail de la DRH est de repérer les compétences requises pour chaque poste dans chaque service. L’autre volet de l’entretien concerne la formation, car l’agent peut avoir besoin de formation pour acquérir des compétences et évoluer. »

Des modalités définies

• Déjà, vous devez impérativement être prévenu de la tenue de l’entretien, au moins huit jours avant. Pas question que votre hiérarchie vous fixe un rendez-vous la veille pour le lendemain ! Il vaut également mieux que la convocation soit écrite.

• Autre information à connaître : qui va mener cet entretien ? « L’évaluateur doit être identifié. Il doit s’agir du supérieur hiérarchique direct de l’infirmière, car il connaît l’agent, son travail et ses contraintes », explique Dominique Cigan, ancien DRH dans la fonction publique hospitalière et formateur indépendant. Et de souligner : « L’évaluateur doit être seul face à l’agent. Il s’agit d’une relation à deux. Si l’évaluateur est accompagné par le n+2 par exemple, cela peut être contesté, mais je conseille à l’agent de faire l’entretien et de signaler cet élément dans le compte-rendu de l’entretien. À l’inverse, l’agent ne doit pas être accompagné d’un représentant d’un syndicat ! ».

• A priori, vous devez pouvoir disposer de certains documents en amont. Il s’agit notamment du guide d’entretien qui fournit toutes les modalités sur son déroulement ainsi que sur les points abordés. Vous pouvez aussi avoir accès à des informations par différents canaux : livret d’accueil, note de service, intranet de l’établissement. Sinon, n’hésitez pas à vous adresser directement à la DRH et/ou aux syndicats. Et si vous ne trouvez aucune information, consultez le décret et l’arrêté de 2010 qui posent les grands principes de l’entretien professionnel (voir encadré). Autre document qui vous sera utile : la fiche de poste ou la fiche métier remise par votre supérieur hiérarchique. Seul problème : elle n’existe pas toujours ! Là-encore, renseignez-vous auprès de la DRH.

Les points abordés durant l’entretien

• Le guide ou les autres informations recueillies sont importants, car ils vont vous permettre de comprendre le déroulement de l’entretien, mais également de le préparer. L’entretien comprend deux grandes parties : l’évaluation et la formation.

• Concernant l’évaluation, votre supérieur hiérarchique va faire le point sur les résultats professionnels obtenus par rapport aux objectifs fixés l’année passée si, bien sûr, vous avez déjà eu un entretien annuel. De nouveaux objectifs vont être déterminés pour l’année suivante. Ensuite, vos compétences vont être évaluées, c’est-à-dire votre manière de servir et votre savoir-faire. La deuxième partie va porter sur vos besoins en formation pour consolider ou acquérir de nouvelles compétences. Enfin, l’entretien annuel doit permettre de faire part de vos souhaits d’évolution : changement de service, spécialisation ou entrée à l’École des cadres de santé.

• « L’agent doit investir cet espace de dialogue et d’échange, car il va lui donner la possibilité de s’exprimer sur son travail quotidien, les points positifs et négatifs, les difficultés rencontrées, et sur ses souhaits d’évolution », commente Matthieu Girier. Mieux vous serez préparé, mieux vous pourrez vous exprimer. En premier lieu, reprenez le compte-rendu de l’année précédente, notamment pour les objectifs fixés. Si certains objectifs n’ont pas été atteints, déterminez pourquoi. Vous avez été absent pour maladie ou pour l’arrivée d’un enfant. « Il ne faut pas oublier les contraintes extérieures : tel matériel n’est pas arrivé à temps, le service a fonctionné avec une infirmière en moins, une réorganisation a été plus longue que prévu… L’agent doit donner des faits », insiste Dominique Cigan.

• Réfléchissez aussi à des situations concrètes pour montrer vos compétences ou bien pour faire part des difficultés rencontrées : dans telle situation, vous avez agi de telle manière ou eu tel comportement. « L’agent peut aussi dire qu’il a accepté de faire ce que j’appellerai des “actions de coopération” alors que ce n’était pas son travail », ajoute Dominique Cigan. En revanche, certains éléments ne doivent pas entrer en considération comme le syndicalisme ou la religion. Déterminez aussi quelles formations vous seraient véritablement nécessaires. Quant à vos souhaits d’évolution, essayez d’anticiper. « L’agent doit se projeter dans le futur, à 5 ou 10 ans. Souvent, il écarquille les yeux quand on lui demande “où serez-vous en 2020 ?” ! L’objectif de la question est de savoir comment on va faire évoluer l’équipe. C’est le travail de la DRH », explique Matthieu Girier.

Un compte-rendu écrit

• L’entretien dure en général une heure et doit être formalisé par un compte-rendu rédigé par l’évaluateur. Ce document vous sera remis ultérieurement et vous devrez le signer. Relisez-le attentivement. Vous devez pouvoir y porter vos observations si vous voulez nuancer un point. Attention, la signature ne signifie pas acceptation de l’évaluation ! En effet, rien ne vous empêche d’entreprendre un recours si vous l’estimez nécessaire (voir ci-contre). De fait, l’établissement doit prévoir des modalités de recours. Généralement, ces informations figurent sur le guide d’entretien ou la note de service.

Outils d’analyse

ÉVALUATION DES COMPÉTENCES PROFESSIONNELLES DE L’AGENT

Reporter dans la colonne de gauche les savoir-faire requis du métier exercé, tels qu’ils sont énumérés dans le Répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière (disponible sur wwww.metiers-fonctionpubliquehospitaliere.sante.gouv.fr)

SAVOIR PLUS

→ Décret 2010-1153 du 29 septembre 2010 et arrêté de la même date.

→ Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 relative au statut de la fonction publique hospitalière : article 65, 65-2.

→ Arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d’hospitalisation, de soins et de cure publics.

INTERVIEW

LÉA POIGNET AVOCATE, COLLABORATRICE AU CABINET ARMIDE

Quels sont les recours possibles si un agent estime que sa notation ou son entretien d’évaluation le lèse ?

• Plusieurs recours existent. L’agent peut d’abord saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une demande de révision dans un délai de 15 jours à compter de la notification de son évaluation. Le nom de l’autorité compétente doit apparaître sur la fiche de notation ou le compte-rendu de l’entretien annuel. L’autorité saisie dispose de 15 jours pour répondre. Si la demande est rejetée, l’agent peut alors saisir la Commission administrative paritaire (CAP). S’il n’obtient pas gain de cause à l’issue de cette procédure, l’agent peut enfin saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois. Cette voie de recours peut aussi être utilisée directement, sans passer par la voie hiérarchique et dans le même délai de deux mois. Le respect des délais est important sous peine de voir l’évaluation devenir définitive et donc versée au dossier administratif en l’état. En cas de litige, il faut donc être très réactif. L’agent doit aussi veiller à la forme de son recours : il est ainsi préférable d’envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception.

Quels peuvent être les motifs d’un recours ?

• Les principaux motifs sont la dégradation de la notation et/ou des appréciations, alors que jusqu’à présent la note progressait et les commentaires apposés par l’autorité hiérarchique étaient positifs. En pratique, ce problème intervient souvent après un changement de supérieur hiérarchique ou après un incident survenu dans le service. Il peut aussi y avoir harcèlement moral. Dans ce cas, la seule dégradation de la note ne suffit pas à prouver le harcèlement. L’agent doit avoir un dossier étayé : échanges de mails avec son supérieur, alertes émises auprès de la DRH ou du CHSCT, documents attestant de dysfonctionnements. L’assistance d’un avocat peut être précieuse pour constituer son dossier.

La note peut donc être réévaluée ?

• Oui, on peut obtenir une révision de la notation et la disparition d’une appréciation ou d’un commentaire discriminatoire. La démarche est longue : en cas de contentieux le tribunal administratif peut rendre une décision un an et demi après sa saisie.