« L’ONI N’EST PAS À LA HAUTEUR DE SES MISSIONS » - L'Infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 361 du 01/06/2015

 

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LAURE MARTIN  

Lors de l’examen du projet de loi de santé à l’Assemblée nationale en avril, un amendement supprimant l’Ordre national des infirmiers (ONI) a été adopté sur proposition d’Annie Le Houérou. La députée s’explique sur ce choix.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Pourquoi le groupe socialiste a-t-il a été amené à travailler sur l’ONI ?

ANNIE LE HOUEROU : Après de nombreuses sollicitations d’IDE et de syndicats de la profession, le groupe socialiste a décidé de se saisir de la question de l’ONI, en sachant que depuis sa création en 2006, son existence fait polémique. Nous avons organisé des tables rondes et des auditions avec des syndicats d’IDE hospitalières et libérales, le groupe Sainte-Anne, qui a œuvré à la création de l’Ordre, des personnalités qui se sont intéressées à l’ONI comme Édouard Couty, et, bien entendu, les représentants de l’ONI. Après ce travail, notre groupe a pris position et a proposé l’amendement de suppression de l’ONI.

D’ailleurs concernant les critiques qui ont eu lieu sur le contexte de vote de cet amendement [adopté par 19 voix contre 10 – soit 5 % des députés votant, contre l’avis du gouvernement, NDLR], elles ne sont pas justifiées. En effet, avant la discussion des textes en séance plénière, les députés travaillent en commissions et en groupes de travail. Comme nous ne pouvons pas tous être présents en permanence dans l’hémicycle, nous décidons en amont des votes des amendements.

L’I. M. : Comment en êtes-vous arrivés à cette conclusion ?

A. L. H. : Les débuts de l’Ordre ont été plus que chaotiques, avec des dérives majeures dès les premières années. Les autres ordres sont nés en 1945 au moment où la Sécurité sociale se bâtissait. Il y a donc eu une cohérence entre les différents outils mis en place pour construire le système de santé. Les ordres des professions paramédicales ont, en revanche, plus de difficulté à trouver leur place.

Nous nous sommes interrogés sur le fonctionnement de l’ONI, sur sa valeur ajoutée, les missions qui lui sont confiées et la manière dont elles sont mises en œuvre. Nous avons estimé qu’il n’en était pas à la hauteur. D’autant plus que l’objectif de l’Ordre est de rassembler la profession. Or, elle est divisée à son sujet. Cette situation pose un réel problème juridique car l’adhésion à l’Ordre est obligatoire, ce qui signifie qu’environ 75 % des IDE sont en exercice illégal. Nous nous sommes demandé si nous devions le rendre facultatif, mais cela n’a pas de sens. Il n’y a pas de demi-mesure. La pertinence même de l’Ordre est mise en doute.

L’I. M. : Que va-t-il advenir de ses missions ?

A. L. H. : Les missions dévolues à l’ONI sont remplies par d’autres organismes. Par exemple, l’Ordre n’effectue pas la régulation de la profession. Avec 161 000 IDE inscrites sur 600 000, je ne vois pas comment il pourrait avoir une bonne image de la démographie infirmière. La régulation pourrait être réalisée via les fichiers Adeli. Et puis la Haute autorité de santé (HAS), tout comme le Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP), le ministère de la Santé et les ARS participent à cette régulation et à l’accompagnement de la profession. L’ONI n’est pas, non plus, l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. Quant aux bonnes pratiques, les IDE n’ont pas attendu 2006 pour les mettre en œuvre.

Nous savons que la profession est un maillon majeur dans le parcours de santé des patients, et pour reconnaître la place de leur métier, les infirmières n’ont pas besoin de l’ONI. Le HCPP pourrait d’ailleurs avoir des sections par métiers et porter les missions de l’Ordre.

L’I. M. : L’ONI accompagne les IDE victimes de violences. Qui va remplir cette mission ?

A. L. H. : Je n’ai pas étudié la question, et je n’ai découvert ce rôle de l’ONI qu’à la suite des récentes agressions. C’est bien de défendre des cas ponctuels. Mais le rôle de l’ONI est avant tout de faire des propositions afin d’éviter les problèmes, et je ne suis pas sûre qu’il ait sollicité les autorités nationales pour mettre en place des outils afin de répondre à ce problème et accompagner les IDE. J’ai l’impression que l’Ordre se précipite sur les sujets d’actualité, et je ne suis pas certaine que cette mission justifie son existence.

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