Un programme d’éducation thérapeutique novateur - L'Infirmière Magazine n° 358 du 01/03/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 358 du 01/03/2015

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

ANTOINE WALRAET  

Depuis 2005, un programme d’éducation thérapeutique de l’épilepsie de l’enfant a fait ses preuves en Franche-Comté. Baptisé « Épi », ce programme individualisé inclut la problématique de l’école et une collaboration avec le « 15 » pour les gestes d’urgence.

En dix ans, plus de 500 enfants de Franche-Comté ont pu bénéficier des évaluations pluridisciplinaires individualisées (Épi). Ce programme d’éducation thérapeutique de l’épilepsie de l’enfant, le docteur Norbert Khayat, médecin épileptologue au CHU de Besançon, l’a personnellement mis en place, en collaboration avec l’association de familles Enfance épilepsie. Leur volonté est de répondre aux interrogations de l’enfant et de sa famille sur le plan médical, psychologique, cognitif, social et scolaire, dans un même laps de temps et dans un même lieu. « Au cours d’une même journée, j’ai souhaité que l’enfant et sa famille puissent avoir un accès à plusieurs points de vue : médical, éducation thérapeutique, neuropsychologique », explique le Dr Khayat. Après un diagnostic d’épilepsie, l’objectif est de pouvoir proposer ce programme à l’enfant et sa famille « dans le mois qui suit l’annonce de la maladie », indique-t-il. C’est au moment du diagnostic que « le maximum de questions, de tabous, de fausses idées apparaissent, et c’est là que l’on peut travailler avec la famille pour dédramatiser la maladie épileptique », ajoute le Dr Khayat.

En pratique, une journée type de ce programme débute, pour l’enfant, par un électroencéphalogramme (EEG). Puis suit la consultation médicale, avec l’épileptologue, l’enfant et ses parents. « On commence par faire un bilan partagé, on essaie de savoir ce qu’ils ont compris de l’épilepsie, quelle est leur problématique », indique le Dr Khayat. Vient également le temps de lecture de l’EEG avec la famille et l’enfant, et celui des décisions thérapeutiques. À chaque consultation, le Dr Khayat garde toujours un temps pour faire de l’éducation thérapeutique, « que ce soit sur les traitements, sur l’épilepsie et le permis de conduire, l’épilepsie et la contraception, le rententissement de l’épilepsie sur la vie quotidienne, etc. ».

Approche pluridisciplinaire

L’enfant et sa famille rencontrent ensuite l’infirmière puéricultrice d’éducation thérapeutique. Elle va notamment répondre à leurs inquiétudes sur la maladie, et surtout les former aux gestes d’urgence en cas de crise. Vient enfin l’entretien avec une neuropsychologue qui réalise une évaluation scolaire, afin de répérer d’éventuels troubles cognitifs de l’enfant. Le médecin épileptologue, l’infirmière, ainsi que la neuropsychologue se réunissent ensuite afin d’établir une synthèse, de discuter et de faire des propositions à la famille : il peut s’agir, selon les cas, « d’aller faire un bilan neuropsychologique, d’apporter notre aide pour aller parler de l’épilepsie à l’école, ou encore de décider d’effectuer un EEG plus long », commente le Dr Khayat.

Chaque programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) est complétement individualisé. « Il n’y a pas une, mais des épilepsies », rappelle le médecin épileptologue. L’ETP de l’épilepsie est ainsi atypique. « Nous sommes devant une maladie chronique, mais la guérison est possible, surtout chez l’enfant », ajoute-t-il. Et la place du patient et de sa famille joue un rôle essentiel dans la procédure de guérison. Le Dr Khayat travaille au quotidien avec la famille « pour que le traitement soit pris de façon régulière, car il y a un objectif : pouvoir un jour guérir l’enfant de sa maladie épileptique ».

Une collaboration avec le « 15 »

Au cours des séances d’ETP, un effort particulier est réalisé sur la validation des gestes de secours en cas de crise. Cela passe notamment par l’apprentissage de l’injection de Valium intra-rectal ou de l’administration de Buccolam. Or, pendant les séances d’ETP, les parents ou les paramédicaux présentent souvent des « doutes quant à la réalisation ou non de ce geste », indique le Dr Khayat. Il a donc travaillé avec la régulation régionale de Franche-Comté, le « 15 » : en cas d’appel pour une crise, la consigne est que ce dernier soit transmis immédiatement au médecin régulateur, qui confirmera ou pas l’injection et enverra le SAMU si nécessaire.

Un PAI validé par le rectorat

La problématique scolaire est également au cœur du programme : suite à une demande des familles, un projet d’accueil individualisé (PAI) spécifique sur l’épilepsie de l’enfant a été mis en place « avec les médecins scolaires de la région, les médecins de PMI et la régulation téléphonique régionale », annonce le Dr Khayat. Ce PAI est « pré-rempli à 80 % » : y sont précisés le type d’épilepsie, les signes spécifiques de la crise de l’enfant, le traitement à domicile pour les sorties scolaires, la conduite à tenir en cas de crise, l’administration de Valium intra-rectal ou de Buccolam, le lieu de stockage du médicament, etc. Ce PAI est identique dans toute la Franche-Comté, de l’école maternelle jusqu’au lycée. Par ailleurs, le médecin épileptologue se réjouit de « la validation de ce PAI par le rectorat régional ».

Depuis 2011, l’ARS de Franche-Comté a validé ce programme d’ETP. Et une évaluation a permis de montrer qu’il était concrètement efficace, permettant notamment un meilleur état des connaissances des parents sur l’épilepsie, une meilleure compliance thérapeutique, une réduction du nombre d’hospitalisations et une meilleure qualité de vie des enfants pris en charge.